Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 octobre 1999, 98-85.189, Inédit
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 octobre 1999, 98-85.189, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 98-85.189
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 27 octobre 1999
Décision attaquée : cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle 1998-05-14, du 14 mai 1998- Président
- Président : M. GOMEZ
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me CHOUCROY et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ; Statuant sur le pourvoi formé par :- Y... Alain, contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 14 mai 1998, qui, pour fraude fiscale et passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis, 100 000 francs d'amende, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 et 1750 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 6. 3. a de la Convention européenne des droits de l'homme, 427, 459 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, renversement de la charge de la preuve, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Alain Y... coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement partiel de la TVA et de l'impôt sur les sociétés et de passation d'écritures inexactes ; " aux motifs que le prévenu, gérant de la SARL SPIM, admet avoir accepté trois factures émises par Azur Façades d'un montant supérieur à quatre millions de francs TTC en sachant que ces factures ne correspondaient à aucune prestation effective ; " que ces factures ont été comptabilisées et que le montant de la TVA qu'elles comportaient a été déduit du montant de la TVA dont était redevable la SARL SPIM ; " que, d'autre part, le montant hors taxes des factures a été pris en compte dans le résultat de l'exercice clos le 31 mars 1993 en tant que charges de l'exercice ; " que le prévenu prétend qu'une comptabilité est régulière dès lors que les flux financiers qu'elle retrace le sont régulièrement quand bien même ces flux financiers recouvriraient des opérations fictives ; " que, cependant, il n'est de comptabilité régulière que celle qui prend en compte des documents comptables recouvrant des opérations réelles et régulières et que, dès lors qu'une facture recouvre une opération fictive, elle confère à la comptabilité qui l'enregistre puis qui la synthétise dans des comptes généraux un caractère fictif et irrégulier ; " qu'une écriture comptable ne peut être fidèle même si elle retrace un flux financier réel, dès lors que ce flux financier recouvre une opération fictive ; " que le délit de passation d'écritures comptables inexactes ou fictives est parfaitement constitué ; " que, si la SPIM a bien procédé au règlement de sommes qui correspondent au montant total des fausses factures de la SARL Azur Façades, la Cour note cependant que deux chèques émis le 17 mai 1993 pour des montants de 400 000 francs et 600 000 francs à l'ordre d'un M. X..., ont été encaissés sur le compte n° 40160072 ouvert par la SARL SPIM auprès du Crédit Lyonnais de Monaco ; " que le prévenu ne rapporte nullement la preuve de ce que les factures fictives qui ont bien été comptabilisées en charge auraient été établies dans l'intérêt de l'entreprise et pour lui permettre d'obtenir des marchés, non plus que la SPIM aurait-par compensation-surfacturé certaines de ses prestations ou facturé à son tour des prestations fictives ; " qu'en majorant les charges de la SPIM, il a corrélativement minoré le bénéfice réalisé par la société ; " que le délit qui lui est reproché d'avoir frauduleusement soustrait la société qu'il dirige à l'établissement et au paiement partiel de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos le 31 mars 1993, est, dès lors, parfaitement constitué ; " qu'il a fait comptabiliser et a déclaré des montants de TVA déductibles figurant sur des factures émises par la société Azur Façades qui ne correspondaient qu'à des prestations fictives ; que le montant de la TVA qu'il avait ainsi à payer était artificiellement réduit ; " qu'entendu par les services de gendarmerie, le prévenu s'est cantonné, comme dans ses conclusions, à des déclarations abruptes, se refusant à donner toute véritable explication sur les infractions qui lui étaient reprochées et contestant les constatations des vérificateurs qui ont rejeté des factures émises par ceux qu'elle qualifie de faux sous-traitants ; " que son seul moyen de défense est de déclarer que ses sous-traitants étaient tous immatriculés au registre du commerce et des sociétés ou au registre des métiers ; qu'il ne conteste pas que la SPIM était amenée à faire exécuter la quasi-totalité des travaux qui lui étaient confiés ; qu'il n'a présenté aucun contrat de sous-traitance ; qu'il n'a pas contesté que les sous-traitants réalisaient la quasi-totalité de leur chiffre d'affaires avec la SPIM ; qu'il n'a pas contesté qu'elle ne disposait d'aucun matériel propre et au contraire qu'ils aient fréquemment utilisé le matériel ou les matériaux mis à leur disposition par la SPIM ; qu'il ne conteste pas les factures de location de matériel, de fourniture de matériaux qui indiquent que ceux-ci ont été prélevés par les sous-traitants, ni par exemple que la société Ilisol était installée dans des locaux mis à sa disposition par la SARL SPIM, ni que sa comptabilité était tenue par Mme Y..., ni que la rémunération des sous-traitants était calculée en fonction du nombre de mètres carrés exécutés et que certains d'entre eux étaient rémunérés en qualité de salariés par la SPIM ; que l'ensemble de ces constatations caractérisait le fait que ces personnes devaient être considérées comme de simples salariés de la SARL SPIM et n'étaient, en conséquence, pas éligibles à émettre à son encontre des factures comportant un montant de TVA ; " qu'il ressort de l'examen des constatations de fait opérées par l'administration fiscale que la SPIM a ainsi déduit abusivement la TVA facturée par des entreprises qui n'étaient pas habilitées à le faire et minoré ainsi ses déclarations de TVA en majorant la TVA déductible ; " que le prévenu ne peut sérieusement prétendre qu'il n'a été animé par aucune intention de fraude et n'avoir en rien lésé l'administration fiscale, alors qu'il ne pouvait ignorer que les sommes payées au titre des fausses factures sans contrepartie réelle allaient échapper au paiement de l'impôt et suivre des circuits parallèles demeurés clandestins ; " alors, d'une part, que, après avoir elle-même constaté que les factures émises par la société Azur Façades ou par les entreprises de sous-traitance avaient bien été réglées par la société SPIM dirigée par le prévenu, la Cour a privé sa décision de toute base légale, au regard des dispositions des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, qui ne sont applicables que lorsque le prévenu a agi dans l'intention de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement partiel de l'impôt, en déclarant le demandeur coupable des infractions prévues par ce texte, parce qu'il avait fait figurer ces factures ne correspondant à aucune prestation réelle ou émanant d'entreprises prétendument factices pour des prestations réelles dans la comptabilité de sa société, aurait déduit le montant de la TVA qui y figurait du montant de la TVA dû par cette dernière et en aurait pris en compte leurs montants hors taxes en tant que charge de l'exercice, les constatations des juges du fond relatives à la connaissance qu'aurait eue le prévenu du caractère factice desdites factures, n'impliquant de sa part aucune intention de soustraire la société qu'il dirigeait au paiement d'un quelconque impôt dès lors que la société avait bien réellement acquitté le montant des factures litigieuses ; " alors, d'autre part, que le dossier de l'administration fiscale au vu duquel ont été exercées les poursuites ne faisait aucune allusion à l'ouverture par la société SPIM d'un compte bancaire auprès du Crédit Lyonnais de Monaco, ni au versement de chèques sur ce compte et la partie civile n'ayant au surplus jamais fait état de ces éléments de pur fait, au surplus inexacts, la Cour a, en l'invoquant pour entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu, violé tant l'article 6. 3. a de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le principe du contradictoire posé par l'article 427 du Code de procédure pénale ; " qu'en outre, en cas de poursuites pénales tendant à l'application des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, l'article L. 227 du Livre des procédures fiscales précisait que la charge de la preuve du caractère intentionnel de ces infractions incombe au ministère public et à l'Administration, les juges du fond ont violé ces dispositions en déduisant la culpabilité du prévenu de ce que ce dernier n'apportait pas, selon eux, la preuve de ce que-comme il le soutenait-il avait lui-même surfacturé les prestations de sa société pour compenser les paiements indus qu'il avait dû accepter et dont la Cour a constaté l'existence, en sorte que ces surfacturations avaient donné lieu à des paiements de TVA et d'impôts majorés exclusifs de toute volonté de fraude fiscale ; " et qu'enfin, le prévenu ayant, dans ses conclusions, fait valoir que l'administration fiscale ne pouvait dénier la qualité des entreprises de sous-traitance dont il avait acquitté les factures en invoquant l'existence d'un faisceau d'indices qu'elle s'était refusée à lui communiquer en se retranchant derrière le secret professionnel, la Cour, qui n'a tenu aucun compte de ce moyen qu'elle a purement et simplement passé sous silence, a ainsi volé l'article 459 du Code de procédure pénale " ; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, abstraction faite du motif en tout état de cause surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et a caractérisé sans insuffisance ni contradiction, en tous leurs éléments constitutifs, notamment intentionnel, les délits de fraude fiscale et de passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité dont elle a déclaré le prévenu coupable ; D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve, contradictoirement débattus, ne saurait être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ; Avocat général : M. de Gouttes ; Greffier de chambre : Mme Nicolas ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;