Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 février 2002, 01-82.646, Inédit
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 février 2002, 01-82.646, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 01-82.646
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 06 février 2002
Décision attaquée : cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle 2001-03-22, du 22 mars 2001- Président
- Président : M. COTTE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :- X...Joseph, dit José,- Y...Frédéric,- Z...Richard,- A...Jean-Emile,- B...Jean-Paul,- C...Raymond,- D...Gilbert,- Z...Léon,- E...Christian,- F...Alain, contre l'arrêt n° 500 de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 22 mars 2001, qui les a condamnés, José X..., pour dégradation du bien d'autrui en réunion et menace de dégradation dangereuse pour les personnes faite avec l'ordre de remplir une condition, à trois mois d'emprisonnement, Frédéric Y...et Richard Z..., pour dégradation du bien d'autrui en réunion, Jean-Emile A..., pour complicité de ce délit, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, Jean-Paul B..., pour inscriptions sur une façade sans autorisation préalable, à 3 000 francs d'amende, Raymond C..., Gilbert D..., Léon Z..., Christian E...et Alain F..., pour contravention de dégradation légère, à 2 000 francs d'amende ; La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 janvier 2002 où étaient présents : M. Cotte président, M. Farge conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ; Avocat général : M. Launay ; Greffier de chambre : Mme Daudé ; Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ; Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-7 du Code pénal, 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré José X...coupable des délits de menace de destruction ou de dégradation dangereuse pour les personnes faite sous condition, et de destruction ou dégradation grave du bien d'autrui commise en réunion, Jean-Emile A..., coupable du délit de complicité de dégradation ou détérioration grave du bien appartenant à autrui commis par plusieurs personnes, Frédéric Y...et Richard Z..., coupables du délit de destruction ou détérioration grave du bien d'autrui commis en réunion, Jean-Paul B..., coupable d'avoir tracé des inscriptions, des signes ou dessins, sans autorisation préalable, dont il n'est résulté qu'un dommage léger, Christian E..., Raymond C..., Léon Z...et Alain F..., coupables de destruction ou dégradation d'un bien appartenant à autrui dont il n'est résulté qu'un dommage léger ; " aux motifs que les dégradations commises au Mac Donald's de Millau, n'ont pas permis d'éviter la décision des Etats-Unis ou de l'OMC en matière de taxation du fromage de Roquefort puisque celle-ci était déjà intervenue ; que cette décision n'a même pas non plus été modifiée à la suite de l'action du 12 août 1999 ; que les prévenus disposaient, même en l'absence de recours juridictionnel, d'autres moyens de faire valoir leurs revendications que de dégrader un immeuble en construction appartenant à des entrepreneurs français ; qu'ils ne peuvent invoquer la Convention européenne des droits de l'homme ni son protocole additionnel du 20 mars 1952, dès lors que les Etats-Unis ou l'OMC ne sont pas partie à ce traité d'une part, et que celui-ci ne protège que les droits individuels de l'homme et non l'intérêt économique d'Etats souverains d'autre part ; qu'au surplus, les prévenus n'étaient pas " privés de leur propriété " et leurs biens n'étaient pas atteints dans les termes de l'article 1er du premier protocole additionnel qu'ils invoquent ; que la nécessité impérieuse de commettre l'infraction reprochée n'est pas prouvée et que le fait justificatif n'est pas établi ; " alors, d'une part, que les prévenus avaient fait valoir dans leurs conclusions d'appel que l'absence de prise en considération par les autorités politiques nationales et européennes des difficultés rencontrées par les producteurs de fromage de Roquefort, en dépit des nombreuses interventions entreprises, avait rendue nécessaire l'action engagée contre le restaurant Mac Donald's ; que, cependant, pour écarter la nécessité impérieuse de commettre les infractions reprochées, la cour d'appel affirme que, même en l'absence de recours juridictionnel, les prévenus disposaient d'autres moyens de faire valoir leurs revendications ; qu'en s'abstenant de procéder à une constatation certaine de l'existence de voies de recours ouvertes aux prévenus et en se contentant, ainsi, de se prononcer par voie de pure affirmation, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale ; " alors, d'autre part, que l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme garantit à toute personne physique ou morale le droit au respect de ses biens ; que la protection de la propriété telle que garantie par la Convention s'applique à tous les attributs du droit de propriété et, notamment, au droit de percevoir les fruits de son bien ; que, dès lors, en affirmant que les biens des prévenus n'étaient pas atteints dans les termes de l'article 1er du premier protocole additionnel, alors même que la surtaxation par les Etats-Unis du fromage de Roquefort a manifestement eu pour effet de priver les prévenus d'une partie des fruits de leurs propriétés agricoles, la cour d'appel a violé les articles visés à la prévention " ; Attendu que, pour écarter l'état de nécessité allégué par les prévenus, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ; Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que les raisons invoquées n'entrent pas dans les prévisions de l'article 122-7 du Code pénal ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 322-13 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la culpabilité de José X...des faits de menace de dégradation et de détérioration dangereuse pour les personnes, faite sous condition, sans retenir toutefois " au moyen d'une bombe ", et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement ferme ; " aux motifs qu'il est établi et non contesté que José X...a déclaré à la fin de la manifestation que de nouvelles actions du même type seraient entreprises tant que l'embargo se maintiendrait et si Mac Donald's reconstruisait ; qu'au cours de l'instruction, José X...a revendiqué ces paroles ; que le délit de l'article 322-13, alinéa 1er, du Code pénal est ainsi constitué sans aucune référence au procès-verbal de police que les prévenus voudraient voir écarter des débats ; que l'utilisation du mot " bombe ", non retenue par les premiers juges ni par la cour d'appel, n'avait pour conséquence que d'aggraver les sanctions encourues, faisant de ces menaces punissables des menaces " dangereuses pour les personnes " ; " alors que la loi exige que les motifs de toute décision judiciaire ne soient en contradiction ni entre eux ni avec le dispositif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, affirmer, d'une part, que " le délit de l'article 322-13, alinéa 1er, du Code pénal est ainsi constitué " et, d'autre part, qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré José X...coupable des faits de menace de dégradation et de détérioration dangereuse pour les personnes faite sous condition, cette infraction étant prévue et réprimée par l'article 322-13, alinéa 2, du Code pénal ; " alors, en toute hypothèse, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que, s'il est constant que les juges statuent d'après leur intime conviction, ils ne peuvent, toutefois, à peine de nullité de leur décision, entrer en voie de condamnation sans avoir constaté l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction ; qu'en l'espèce, ayant expressément écarté l'utilisation par José X...du mot " bombe " lors de son allocution devant la sous-préfecture de Millau, il appartenait à la cour d'appel de caractériser le danger pour la sécurité des personnes de la menace proférée ; qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré José X...coupable des délits de menace de destruction ou de dégradation dangereuse pour les personnes faite sous condition, et de destruction ou dégradation grave du bien d'autrui commise en réunion, et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement ferme ; " alors que la théorie de la peine justifiée est contraire aux règles du procès équitable et des principes de légalité et proportionnalité des peines ; d'où il suit que le bien-fondé des critiques précédemment proposées, quand bien même elles n'atteindraient pas tous les chefs d'infractions reprochées à José X..., devrait entraîner la cassation de l'arrêt prononcé à son encontre dans son entier, sauf à méconnaître les textes susvisés " ; Les moyens étant réunis ; Attendu que, d'une part, José X..., condamné à trois mois d'emprisonnement, a été déclaré coupable de dégradation d'un bien appartenant à autrui commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, infraction prévue par les articles 322-1, alinéa 1er, et 322-3, 1, du Code pénal, punie de cinq ans d'emprisonnement ; que, d'autre part, il résulte des motifs de l'arrêt qu'il s'est rendu coupable de menace de commettre une dégradation faite avec l'ordre de remplir une condition, infraction prévue par l'article 322-13, alinéa 1er, du même Code, punie d'un an d'emprisonnement ; Attendu qu'en cet état, il n'y a pas lieu d'examiner les deux moyens, le deuxième se bornant à discuter la circonstance aggravante édictée par le second alinéa dudit article 322-13 et le troisième ne critiquant aucune disposition de l'arrêt attaqué ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six février deux mille deux ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;