Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 28 février 2001, 00-83.686, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit février deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, et la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jeanne, épouse Y...,

- Y... Eric,

- Y... Sylvain,

- Y... Verner,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 2000, qui, pour violation de domicile, les a condamnés chacun à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 727 et 728 du Code de procédure civile, 815-17 du Code civil, 384, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception relative à la question préjudicielle pétitoire immobilière ;

"aux motifs que suivant jugement d'adjudication sur surenchère du 22 mai 1979, rendu par le tribunal de grande instance de Montbéliard, Jean Z... a régulièrement acquis une maison à usage d'habitation avec ses dépendances, sise sur la commune de Frambouhans, lieu-dit "Au Village", cadastrée AC n° 81, 82, 83, 84, 85 et 86 ; que cette vente a été régulièrement publiée aux hypothèques de Montbéliard le 9 janvier 1980, Vol. 3507, n° 18 ; qu'ainsi que les premiers juges l'ont décidé à bon droit, cette vente ne peut être remise en cause ; qu'en effet, les articles 727 et 728 du Code de procédure civile font obligation aux saisis d'agir en nullité de la saisie cinq jours au plus tard avant les audiences à peine de déchéance ; que ce mécanisme est rigoureux et conduit à écarter toute action du saisi postérieurement à l'adjudication ; qu'au surplus, en l'espèce, il apparaît que la procédure et la publicité ont été régulièrement suivies et effectuées ; que les consorts Y... n'ont nullement été tenus dans l'ignorance ; que bien au contraire, volontairement, les saisis se sont abstenus de retirer les actes qui leur étaient délivrés ;

"alors que la déchéance édictée par les articles 727 et 728 du Code de procédure civile n'est encourue que dans la mesure où la partie à laquelle on l'oppose a été régulièrement sommée de prendre connaissance du cahier des charges et, le cas échéant, d'assister à l'adjudication ; qu'en énonçant que la vente ne pouvait être remise en cause en raison de la déchéance édictée par lesdits articles sans constater que les prévenus avaient été régulièrement sommés de prendre connaissance du cahier des charges et d'assister à la vente, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"et alors, surtout, qu'il était soutenu que la procédure de saisie diligentée par la CPAM, créancière de Roger Y..., étant irrégulière, les biens étant indivis et aucune saisie ne pouvant donc intervenir sur de tels biens avant partage ; qu'en n'examinant pas ce moyen péremptoire, la Cour d'appel n'a pas derechef légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de propriété immobilière soulevée par les prévenus, l'arrêt attaqué relève qu'un jugement d'adjudication a été rendu au profit des parties civiles, qu'il a été publié et que les consorts Y... se sont abstenus de retirer les actes qui leur étaient délivrés ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, desquels il ressort que l'exception ne présentait pas de caractère sérieux, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 503 et 716 du Code de procédure civile, des articles 122-7 et 226-4 du Code pénal, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables du délit de violation de domicile et les a condamnés chacun à quatre mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que les consorts Y... ne sauraient disconvenir avoir, dès le lendemain de leur expulsion intervenue en vertu du titre de propriété régulier de Jean Z..., investi le 5 juin 1997 la maison et les dépendances appartenant à celui-ci ; que cette situation perdure depuis ce moment-là ; que constitue un domicile, au sens de l'article 226-4 du nouveau Code pénal, tout lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux ; que le délit de violation de domicile est, dès lors, caractérisé même si Jean Z... n'occupait pas effectivement les lieux ;

"alors que le délit de violation de domicile n'est constitué qu'autant qu'il y a eu introduction dans un lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux ; qu'en retenant en l'espèce que ce délit était constitué tout en constatant que les prévenus, dès le lendemain de leur expulsion, avaient occupé à nouveau la maison et ses dépendances, de sorte que, comme elle le relève, la partie civile n'occupait pas effectivement les lieux, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 226-4 du Code pénal ;

"alors que, subsidiairement, le jugement d'adjudication ne pouvait être exécuté contre les prévenus auxquels il était opposé qu'après leur avoir été notifié ; qu'en retenant que le délit de violation de domicile était constitué à l'encontre des expulsés ayant réintégré les lieux immédiatement après l'expulsion, sans rechercher si le jugement d'adjudication leur avait été signifié, de sorte que l'adjudicataire aurait eu, à leur égard, un droit opposable à occuper les lieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"et alors que, plus subsidiairement, les prévenus avaient fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées qu'ils avaient occupé à nouveau les lieux par état de nécessité pour parer à l'absence immédiate d'un abri et assurer la survie de leur bétail en péril ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de défense de nature à écarter la prévention, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Vu l'article 226-4 du Code pénal ;

Attendu que seul constitue un domicile, au sens de l'article susvisé, le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux, ce texte n'ayant pas pour objet de garantir d'une manière générale les propriétés immobilières contre une usurpation ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de violation de domicile, l'arrêt retient qu'expulsés d'une maison d'habitation et de ses dépendances, qui avaient été saisies et adjugées aux époux Z..., ils ont, dès le lendemain de l'expulsion, réintégré les lieux ;

Mais attendu qu'en cet état, d'où il résulte que les époux Z... n'avaient, eux-même, jamais occupé le bien immobilier, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi en application de l'article L. 135-5, alinéa premier, du Code de l'organisation judiciaire, les faits objet de la poursuite n'étant pas susceptibles de qualification pénale et rien ne restant à juger ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 9 mai 2000 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Vu l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article susvisé ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Fromont ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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