Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 21 février 2001, 00-82.873, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un février deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Z... Jean-François,

- X... Marie-Françoise, épouse Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 18 février 2000, qui les a condamnés, le premier, pour fraude fiscale et omission d'écritures ou passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité, à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 150 000 francs d'amende, la seconde, pour fraude fiscale, à 80 000 francs d'amende avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741-1, 1743 du Code général des impôts, L. 227, L. 228, du Livres des procédures fiscales, 9, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription soulevée ;

" aux motifs que les prévenus, considérant que le dépôt de plainte aurait dû intervenir au plus tard le 16 mars 1996, soutiennent en cause d'appel que la prescription est acquise pour l'ensemble des faits reprochés ; à cet égard, ils affirment que le soit-transmis du Parquet daté du 13 mars 1996 n'a pas interrompu le délai de prescription puisque, par un courrier subséquent, des pièces complémentaires demandées par M. le procureur de la République auraient été communiquées par le directeur des services fiscaux ; qu'un tel argumentaire ne saurait valablement prospérer ;

qu'en effet, contrairement à ce qui est allégué et en dépit de l'ambiguïté qu'il génère, l'envoi au Parquet le 25 mars 1996 d'éléments d'information supplémentaires (en l'occurrence des différentes mises en demeure adressées au prévenus) ne remet pas en cause la portée juridique attachée au soit-transmis du 16 mars précédent (sans doute faut-il lire 13 mars), à savoir l'effet interruptif de la prescription ;

" alors que toute décision statuant sur la prescription doit-alors que l'exception de prescription est d'ordre public et que c'est à la partie poursuivante d'établir que les faits ne sont pas prescrits-constater par des motifs suffisants l'existence des actes de poursuite d'où résulte l'interruption de prescription ; que le prévenu faisait valoir que le soit-transmis du Parquet du 13 mars 1996 n'avait pas interrompu la prescription puisque la plainte est datée du même jour et que le Parquet a reçu des éléments d'information le 25 mars 1996 ; qu'en rejetant son exception, alors qu'il admet que cette réception de documents par le Parquet du 25 mars 1996 génère une ambiguïté, l'arrêt a méconnu ses obligations et mis la Cour de Cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision " ;

Attendu que, pour rejeter le moyen tiré de la prescription, l'arrêt attaqué énonce que le " soit-transmis " du procureur de la République adressé à la police le 13 mars 1996 a eu un effet interruptif, que ne remet pas en cause l'envoi postérieur par l'administration fiscale des mises en demeure adressées aux prévenus ;

Qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les réquisitions aux fins d'enquête du parquet, postérieures au dépôt de la plainte, interrompent la prescription, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 12, 1741-1 du Code général des impôts, L. 227, L. 228 du Livre des procédures fiscales, 9, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-François Z... et Marie-Françoise Z... coupables des faits de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt, omission de déclaration, fraude fiscale (omission volontaire de souscrire les déclarations) ;

" aux motifs que Jean-François Z... s'est abstenu de souscrire dans les délais légaux les déclarations de bénéfices non commerciaux des années 1991 et 1992 ; que ces documents, produits postérieurement ou dans le délai de 30 jours suivant une mise en demeure, étaient entachés de minoration de recettes et de majorations de dépenses ; qu'au titre de l'impôt sur le revenu, les époux Z... ont déposé tardivement, après relance du service pour 1991, leurs déclarations qui se sont révélées minorées en raison de l'omission de revenus fonciers ; que l'intention frauduleuse résulte de la permanence des manquements, étant observé que des contrôles précédents en 1982 et 1992 avaient déjà donné lieu à des rappels, également en 1990 ; que, pour 1993, les déclarations ont été déposées avec retard ;

" alors, d'une part, qu'un revenu acquis mais non disponible n'est pas imposable ; que, dès lors, en l'espèce, retenant des minorations volontaires de recettes à l'encontre des prévenus alors même qu'il s'agissait d'honoraires que la clinique Kennedy n'avait pas encore versés au docteur Z..., la cour d'appel a violé l'article 12 du Code général des impôts, ensemble l'article 1741-1 du Code général des Impôts ;

" alors, d'autre part, que l'élément intentionnel de la fraude est exclu lorsque le contribuable a pensé de bonne foi ne pas devoir déclarer certains revenus, ou encore lorsque le contribuable a demandé des délais pour déposer ses déclarations, et qu'il a satisfait aux mises en demeure reçues ; qu'en l'espèce, Jean-François Z... était en droit de ne pas déclarer des revenus non appréhendés, et qu'il avait, en outre, sollicité des délais justifiés par ses problèmes de santé et par le fait que l'intégralité de ses revenus n'était pas encore connue ; que les déclarations des époux Z... ont été déposées dans les délais impartis par les mises en demeure reçues ; que, dès lors, en déclarant, néanmoins les prévenus coupables du délit de fraude fiscale, la cour d'appel a violé les articles L. 227, L. 228 du Livre des procédures fiscales, L. 1741-1 du Code général des Impôts ;

" alors, d'autre part encore, qu'en relevant l'existence de précédents redressements fiscaux, qui révéleraient la persistance du contribuable dans son comportement frauduleux alors même que ces redressements avaient été, pour l'essentiel, abandonnés, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 227, L. 228 du Livre des procédures fiscales, L. 1741-1 du Code général des impôts ;

" et alors, enfin, que l'élément intentionnel de la fraude doit être écarté à l'égard de l'épouse qui n'a pas qualité pour déposer les déclarations professionnelles de son mari ; que, dès lors, en déclarant Marie-Françoise Z... coupable du délit de fraude fiscale alors qu'elle n'avait pas qualité pour souscrire les déclarations de bénéfices non commerciaux de Jean-François Z..., l'arrêt attaqué a violé les articles L. 227, L. 228 du Livre des procédures fiscales et L. 1741-1 du Code général des impôts " ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 12, 1743 du Code général des impôts, L. 227, L. 228 du Livre des procédures fiscales, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-François Z... coupable du délit de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt, omission de déclaration, fraude fiscale (passation d'écritures inexactes ou fictives) ;

" aux motifs que la vérification de comptabilité a révélé que l'intéressé ne respectait pas davantage ses obligations comptables puisqu'aucune comptabilité probante n'a été présentée au titre de 1992 (absence de comptabilité des recettes, double comptabilisation des frais professionnels) ; que, malgré la vérification dont il avait fait l'objet en 1992, Jean-François Z... a persisté dans cette attitude ; que la permanence des manquements aux obligations fiscales et comptables corrobore le dessein de fraude ;

" alors, d'une part, qu'en retenant à l'encontre de Jean-François Z... une absence de comptabilité de recettes alors qu'il s'agissait d'honoraires que le contribuable n'avait pas encore perçus, la cour d'appel a violé l'article 12 du Code général des impôts, ensemble l'article 1743 de ce même Code ;

" alors, d'autre part, que le juge doit vérifier le bien-fondé des constatations de l'Administration ; que, dès lors, faute d'avoir vérifié par des constatations propres l'exactitude et la gravité des irrégularités d'écritures reprochées au prévenu alors que celui-ci avait attiré l'attention de la Cour sur leur caractère tout à fait minime, l'arrêt attaqué a violé les articles 1743 du Code général des impôts, L. 227 et L. 228 du Livre des procédures fiscales ;

" alors, d'autre part encore, que le délit de passation d'écritures inexactes ou fictives suppose que son auteur ait commis la fausseté de ces écritures ; qu'à cet égard, aucune analyse de l'élément intentionnel de l'infraction n'a été effectuée par l'arrêt ;

que, dès lors, en estimant néanmoins constitué le délit, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés ;

" et alors, enfin, qu'en retenant que le contribuable avait persisté dans son attitude malgré un précédent contrôle de l'année 1982, alors que ce contrôle n'avait donné lieu à aucun redressement, la cour d'appel a violé la loi " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, en partie reprises aux moyens, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous leurs éléments, notamment intentionnel, les délits de fraude fiscale par omission de souscription dans les délais des déclarations de résultat en matière de bénéfices non commerciaux et d'ensemble des revenus ainsi que d'omission d'écritures comptables ou passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité dont elle a déclaré Jean-François Z... coupable, et, en ce qui concerne Marie-Françoise Z..., de fraude fiscale par omission de souscription dans les délais des déclarations d'ensemble des revenus ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, et qui, en ce qui concerne le deuxième pris en sa dernière branche manque en fait, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Martin conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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