Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 2 mai 2001, 00-85.532, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux mai deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Arnaud,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 2000, qui, dans la procédure suivie contre lui, notamment, des chefs d'homicide involontaire, de blessures involontaires et de conduite sous l'empire d'un état alcoolique en récidive, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 113-2, 3 , L. 113-8, L. 113-9 du Code des assurances, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a annulé le contrat d'assurances conclu par le demandeur, déchargeant la compagnie AXA Assurances de toute obligation pécuniaire;

"aux motifs qu'Arnaud Y... a souscrit le 2 mars 1996 auprès du Groupe AXA un contrat d'assurance automobile, que pour ce faire il a répondu au questionnaire habituel permettant à l'assureur d'apprécier les risques présentés par l'assuré ; que les conditions générales précisaient que l'assuré avait l'obligation de faire connaître à l'assureur toute modification concernant tout élément ayant servi à bâtir le contrat ; que la formulation est large mais non équivoque ; qu'il s'agit bien d'informer l'assureur de la survenance depuis la signature du contrat d'un élément qui n'aurait pas existé alors ; que les conditions particulières visaient notamment parmi les affirmations du souscripteur le fait de n'avoir pas fait l'objet d'une condamnation pour état d'ivresse dans les cinq dernières années, ni d'un retrait de permis supérieur à 60 jours pendant les trois ans précédant la souscription ; que si les expressions relevées ne correspondent pas aux formules juridiquement adéquates, il n'existe aucune ambiguïté quant à leur sens ; que le 23 juin 1996 Arnaud Y... commettait des faits de conduite en état alcoolique ; que, par jugement du 6 septembre 1996 il était condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis et deux mois de suspension du permis de conduire ; que ce n'est qu'à l'occasion de la présente procédure consécutive à l'accident du 1er février 1998, que l'assureur a eu connaissance de la condamnation du 6 septembre 1996 ; qu'en application de l'article L. 113-2 du Code des assurances, l'assuré est obligé de déclarer en cours de contrat les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux, et rendant de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur lors de la conclusion du contrat ; que ces dispositions légales n'ont pas été respectées en l'espèce, non plus que les dispositions contractuelles qui en étaient l'expression ;

qu'une condamnation pénale ne constitue pas un événement anodin, qui n'aurait pas spécialement retenu l'attention de l'intéressé ; que si Arnaud Y... n'a pas informé son assureur de la condamnation en cause ce ne peut être que volontairement pour échapper aux conséquences qui pouvaient en être tirées ; que ladite condamnation était bien de nature à modifier pour l'assureur son appréciation du risque, ledit risque s'étant d'ailleurs concrétisé le 1er février 1998 par un mort et un blessé grave ; que c'est à bon droit que la compagnie AXA Assurances a contesté sa garantie ;

"alors, d'une part, que l'assuré n'est obligé de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles ayant pour conséquence d'aggraver les risques ou d'en créer de nouveaux que lorsqu'elles rendent, de ce fait, inexactes ou caduques les réponses faites, lors de la conclusion du contrat, aux questions posées par l'assureur ; qu'en l'espèce, les conditions particulières du contrat, qui ne comportaient pas l'énoncé de questions, énuméraient les "déclarations du preneur d'assurances" et parmi celles-ci la déclaration que "le conducteur principal et les conducteurs autorisés n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pour état d'ivresse dans les 5 dernières années, ni d'un retrait de permis supérieur à 60 jours, pendant les 3 années précédant la souscription" ; qu'Arnaud Y... faisait valoir (conclusions p. 4) qu'au regard de la formulation de ce document contractuel qui ne se référait qu'à la situation judiciaire de l'assuré antérieure à la souscription de la police d'assurance, il n'avait pas à faire état d'une condamnation intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, dès lors qu'une telle circonstance ne pouvait avoir pour effet de rendre inexactes ou caduques ses déclarations initiales ;

qu'en se bornant pour annuler le contrat, à retenir que la condamnation pénale infligée à Arnaud Y... postérieurement à la conclusion du contrat était de nature à modifier l'appréciation du risque pour l'assureur, sans qu'il ressorte des motifs de l'arrêt que l'une des déclarations faites par l'assuré lors de la souscription du contrat ait été rendue inexacte ou caduque par la survenance de sa condamnation pénale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, que l'annulation du contrat d'assurance pour réticence ou fausse déclaration implique que l'assuré ait été animé d'une intention de tromper qu'il appartient à l'assureur de prouver ; que cet élément intentionnel s'apprécie in concreto ; qu'en tirant de la seule circonstance générale qu'une condamnation pénale n'est pas anodine, la conséquence qu'Arnaud Y... a nécessairement eu la volonté d'échapper aux effets de cette condamnation sur le contrat d'assurance, la cour d'appel, qui n'a relevé aucune circonstance autre que le silence gardé par l'assuré à propos de la survenance de sa condamnation pénale, n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'Arnaud Y... a, le 1er février 1998, perdu le contrôle de son véhicule qu'il conduisait en état d'ivresse, et provoqué la mort de Luis X... et des blessures ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de 3 mois au préjudice de Pierre de Z... ; que, condamné des chefs d'homicide et de blessures involontaires, ainsi que de conduite sous l'empire d'un état alcoolique en récidive, il a été déclaré responsable des conséquences dommageables de l'accident ; que, sur la constitution de partie civile de Pierre de Z..., la compagnie AXA a décliné sa garantie, invoquant la nullité du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle, le 2 mars 1996, par l'automobiliste ;

Attendu que, pour accueillir cette exception et prononcer l'annulation du contrat d'assurances, la cour d'appel retient que, condamné le 6 septembre 1996 à un mois d'emprisonnement avec sursis et deux mois de suspension du permis de conduire pour des faits de conduite en état alcoolique commis le 23 juin 1996, l'assuré n'a pas déclaré à l'assureur, dans le délai de quinze jours suivant la condamnation, ces circonstances nouvelles ayant eu pour conséquence d'aggraver les risques et rendant de ce fait inexactes ses réponses aux questions posées dans le formulaire de déclaration du risque incorporé aux conditions particulières du contrat ; que les juges ajoutent que la réticence de l'assuré, ayant pour objet de le faire échapper aux conséquences de l'aggravation du risque, a été intentionnelle ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, et procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Fromont ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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