Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 novembre 1994, 93-81.294, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze novembre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MOUILLARD, les observations de la société civile professionnelle Alain MONOD et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Emmanuel, contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 3 mars 1993, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et à 30 000 francs d'amende, outre la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de fraude fiscale et l'a, en conséquence, condamné à une peine de huit mois de prison avec sursis et à une amende de 30 000 francs, ainsi qu'à la publication du dispositif de l'arrêt au Journal officiel et dans le Dauphiné Libéré et à son affichage sur les panneaux de la commune et sur les portes extérieures de l'établissement professionnel de Y... ;

"aux motifs qu'il est constant que Y..., responsable de la société Rhône Alpes Environnement en sa qualité de gérant, a omis de déclarer dans les délais prescrits une partie du chiffre d'affaires imposable à la TVA pour une somme HT de 1 689 132 francs en 1987 et de 1 730 980 francs pour l'année 1988 éludant ainsi des droits d'un montant de 314 178 francs en 1987 et de 321 970 francs pour l'année 1988 ; que le caractère volontaire résulte de l'inscription au bilan comptable de ces montants de taxe due ; que Y... a admis lui-même dans ses conclusions que "nombre de créances escomptées par le mécanisme de la loi Dailly ont été omises dans le cadre des déclarations de chiffre d'affaires imposable à la TVA" ; que les fautes ou l'incompétence du comptable salarié X... ou de tout autre société comptable à laquelle il a pu être fait appel par le prévenu, à les supposer établies, ne sauraient constituer une excuse absolutoire ;

"alors que, d'une part, il appartient au ministère public et à l'Administration d'établir la preuve du caractère intentionnel des omissions déclaratives, lequel ne résulte pas de la seule qualité de dirigeant légal de société du prévenu ; qu'ainsi, en se bornant, après avoir relevé la qualité de gérant légal de Y..., à déduire le caractère volontaire des omissions déclaratives litigieuses de la seule inscription au bilan comptable des sommes soustraites à l'impôt et à constater que Y... a reconnu la réalité de certaines omissions, sans préciser quelle participation personnelle il avait, de mauvaise foi, prise à ces faits matériels de fraude fiscale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

"alors que, d'autre part, se prévalant des lettres des 13 octobre, 6 décembre 1988 et 17 février 1989 versées aux débats (cf Prod), Y... faisait valoir, que la société Eficor, qui était chargée (conclusions p. 5) de tenir la comptabilité de l'entreprise et d'effectuer les déclarations fiscales, accomplissait sa tâche de manière incomplète et tardive, en sorte qu'il n'avait pas la possibilité matérielle de contrôler le bilan avant de le déposer au fisc et qu'il a dû, à plusieurs reprises, mettre en demeure la société Eficor de mettre en ordre les dossiers de déclarations de TVA, puis de lui restituer ces dossiers ; qu'ainsi en se bornant à retenir que les fautes ou l'incompétence de la société comptable ne constituait pas une "excuse absolutoire" (sic) ce qui n'était pas soutenu par le demandeur, sans rechercher si les circonstances invoquées par Y... n'excluaient pas que celui-ci ait eu conscience de méconnaître la loi fiscale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles visés au moyen ;

"alors qu'enfin, pour établir que la preuve de l'élément intentionnel de l'infraction qui lui était reprochée n'était pas rapportée par les parties poursuivantes, Y... invoquait également la faute de Mme X..., comptable de la société Rhône Alpes Environnement, qui a établi les déclarations de TVA à partir des seuls relevés bancaires, sans prendre en considération le "compte-clients" des documents comptables, de sorte qu'elle omettait de tenir compte des règlements effectués de banque à banque et du produit des créances cédées par bordereau Dailly ;

qu'ainsi, en se bornant à retenir que cette faute ne constituait pas une excuse absolutoire, ce qui n'était pas soutenu par le demandeur, sans rechercher si la faute commise par Mme X... n'excluait pas que Y... ait pris part de mauvaise foi aux omissions déclaratives litigieuses, la cour d'appel encore privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Attendu qu'après avoir constaté que les déclarations de chiffre d'affaires de la société dont Emmanuel Y... était le gérant avaient été minorées et qu'ainsi avait été éludée la TVA due à ce titre, l'arrêt attaqué, pour déclarer ce dernier coupable de fraude fiscale et écarter ses conclusions dans lesquelles il invoquait sa propre incompétence ainsi que les défaillances des comptables à qui il s'en était remis, énonce que le caractère volontaire de l'infraction résulte de l'inscription au bilan comptable des montants de taxe due, que nombre des créances escomptées par le mécanisme de la loi Dailly ont été omises dans les déclarations et que les fautes ou l'incompétence du comptable salarié ou de toute autre société comptable à laquelle il a pu être fait appel, à les supposer établies, ne sauraient constituer une excuse absolutoire ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs déduits de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant eux, la cour d'appel a justifié sa décision au regard tant des textes visés au moyen que de l'article 49 alinéa 5 de la loi du 24 juillet 1966 ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, Mme Mouillard conseiller rapporteur, MM. Gondre, Hecquard, Culié, Roman, Schumacher, Martin conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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