Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 24 novembre 1998, 97-84.547, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PINSSEAU, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gérard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 20 juin 1997, qui, pour outrages à magistrat, l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement et a ordonné son maintien en détention ;

Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;

Sur la recevabilité du mémoire personnel :

Attendu que ce mémoire ne vise aucun texte de loi dont la iolation serait alléguée et n'offre à juger aucun point de droit, ne remplissant pas les conditions exigées par l'article 590 du Code de procédure pénale, il ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Gérard X... pris de la violation des articles 6 3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 222 de l'ancien Code pénal, 434-24, alinéa, 1er, du nouveau Code pénal, 41, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, 437, 444, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, la cour d'appel a reconnu Gérard X... coupable des fins de la prévention d'outrage à magistrat et l'a condamné à une peine de 6 mois ferme d'emprisonnement ;

"aux motifs que, le 12 juin 1996, Gérard X... comparaissait devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour des faits de violences commises de novembre 1993 à septembre 1994 et du 16 août 1994 au 10 septembre 1994 ; qu'au cours de l'audience, il accusait M. le procureur de la République de "forfaiture" et il ajoutait que "ce parquet est la honte de la nation";

qu'entendu sur ces faits le 12 juin à 17h30 Gérard X... déclarait "j'ai tout dit, tout a été consigné par le greffier" ; qu'à l'audience du 6 septembre 1996, il reconnaissait les faits, précisant que tous les mots avaient été dits mais à des moments différents et pas dans l'ordre où ils avaient été écrits ; que Gérard X... accepte de comparaître : il indique qu'il a adressé une lettre d'excuse à M. le procureur général et demande qu'un témoin présent dans la salle soit entendu, car il précise qu'il a proféré ces outrages face à la provocation du ministère public ; qu'il sollicite l'indulgence ; que M. l'avocat général requiert la confirmation de la déclaration de culpabilité et la condamnation de Gérard X... à une peine de 12 mois d'emprisonnement ferme ; que la Cour considère que la culpabilité de Gérard X... est établie par les notes d'audience tenues par le greffier lors de l'audience du 12 juin 1996 et les aveux du prévenu ; que, dès lors, elle estime qu'il n'est pas nécessaire de procéder à l'audition du témoin sollicitée par le prévenu et elle confirmera le jugement entrepris sur la culpabilité ; que sur la peine, elle estime qu'en raison de la nature des faits seule une peine d'emprisonnement ferme est de nature à sanctionner de façon appropriée le délit commis par le prévenu ; que, toutefois, tenant compte des circonstances de l'espèce et de la personnalité du prévenu, la Cour, dans le sens de l'apaisement, minorera la peine en condamnant Gérard X... à 6 mois ferme ; que pour assurer l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée pour des faits ayant gravement troublé l'ordre public et pour éviter le renouvellement de l'infraction, le prévenu ayant déjà été condamné, la Cour maintiendra Gérard X... en détention ;

1 )"alors que tout prévenu a le droit de faire interroger un témoin à décharge en cause d'appel dès lors qu'il n'a pu user de cette faculté devant les premiers juges ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher si Gérard X... avait été mis en mesure d'user de cette faculté devant le tribunal pour rejeter sa demande d'audition d'un témoin à décharge en cause d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 437 et 444 du Code de procédure pénale ;

2 )"alors que le délit d'outrage à magistrat est une infraction intentionnelle ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher si le prévenu avait proféré les paroles incriminées à l'endroit du ministère public dans l'intention délibérée de l'outrager ès qualités, et non sous le coup de l'émotion, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction intentionnelle qu'elle relevait à l'encontre de Gérard X..., a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

3 )"alors que dans les circonstances particulières de l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si en l'état du contenu du réquisitoire du ministère public, les paroles du prévenu restaient circonscrites dans les limites des droits de la défense et tombaient sous le coup de l'immunité s'y attachant, a privé sa décision de base légale au regard des textes précités au moyen" ;

Sur la première branche du moyen :

Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir rejeté sa demande d'audition d'un témoin, dès lors, ainsi que la Cour de Cassation est en mesure de s'en assurer, qu'il n'a pas usé devant les premiers juges, du droit qu'il tient des articles 437 et 444 du Code de procédure pénale, de faire lui-même citer et interroger tout témoin de son choix ;

Sur les deuxième et troisième branches du moyen :

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, le 12 juin 1996, Gérard X..., qui comparaissait devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour des faits de violences, a, au cours de l'audience, interpellé le procureur de la République qu'il a accusé de "forfaiture", en ajoutant que "ce parquet est la honte de la nation" ; que le prévenu a reconnu les faits avant d'adresser une lettre d'excuse au procureur général :

Attendu qu'en l'état de ces énonciations déduites d'une appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance, caractérisé en tous ses éléments matériels et intentionnel, le délit d'outrage à magistrat dont elle a déclaré le prévenu coupable et justifié sa décision ;

Attendu, par ailleurs, que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que les propos incriminés ont excédé les limites des droits de la défense et que, dès lors, l'immunité de l'article 41, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 ne pouvait recevoir application ;

Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Pinsseau conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller doyen, M. Joly, Mme Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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