Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 2 juin 1999, 98-80.307, Inédit
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 2 juin 1999, 98-80.307, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 98-80.307
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 02 juin 1999
Décision attaquée : cour d'appel de Paris, 9ème chambre 1997-11-27, du 27 novembre 1997- Président
- Président : M. GOMEZ
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me CHOUCROY, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Christian, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 27 novembre 1997, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende, ordonné la confusion de cette condamnation avec une autre peine prononcée le 3 juillet 1996 et la publication de la décision, et prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 47 du Livre des procédures fiscales, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1984 du Code civil, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure invoquée par le prévenu et tirée de la violation de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; "aux motifs que, sur le refus du mandat donné à Me Chevrier, les premiers juges ont exactement relevé que ce document, rédigé en vue de la vérification de la situation fiscale des époux X..., était imprécis dans sa rédaction, ce qui avait justifié la décision du vérificateur ; qu'en outre, il résulte des documents joints à la plainte de l'Administration que de nombreux courriers ont été échangés entre le vérificateur et Christian X... ; que, de même, des lettres émanant de Me Chevrier ont été prises en considération, puisqu'il y a été répondu ; qu'ainsi, il est démontré que le rejet ponctuel du mandat donné est demeuré sans influence sur la suite de la vérification et sur l'exercice effectif des droits de la défense ; "alors que l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales prévoyant expressément qu'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans être précédé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification qui doit, sous peine de nullité de la procédure, mentionner expressément que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix, il découle nécessairement de ces dispositions qu'un contribuable auquel un tel avis a été adressé ne peut, sans violation de ce texte de nature à entraîner la nullité de la procédure, se voir refuser par le vérificateur le droit de se faire représenter par un avocat de son choix au cours des opérations effectuées par le vérificateur ; que dès lors, en l'espèce où les juges du fond ont dû reconnaître qu'un tel refus avait été opposé à la demande du prévenu avant, pour tenter de justifier ce refus non motivé par le vérificateur, d'invoquer l'imprécision du mandat général donné à l'avocat pour représenter le prévenu, son épouse et la SARL dont le demandeur était le gérant, sans expliquer en quoi un tel mandat pouvait être imprécis, la cour, qui a également fait état de l'échange de courriers entre le vérificateur et le prévenu ou son avocat pour rejeter l'exception de nullité invoquée par ce dernier, a ainsi violé le texte susvisé" ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la société Triple Axel, gérée par Christian X..., dont l'objet était la réalisation d'études et de recherches portant sur les possibilités de création ou d'agrandissement de magasins à grande surface, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée d'octobre 1993 à juillet 1994 ; que, lors du troisième rendez-vous avec le vérificateur, ce dernier a refusé qu'un avocat représente Christian X..., qui ne s'était pas présenté à la convocation, fixée au 23 juin 1994 ; Que, pour écarter l'exception de nullité de la procédure soulevée par le prévenu et tirée de ce que les opérations de vérification s'étaient déroulées hors la présence et sans le concours du contribuable ou de son conseil, l'arrêt, par motifs propres ou adoptés des premiers juges, énonce notamment que le vérificateur avait rencontré Christian X... auparavant, avait échangé des courriers avec lui, que le mandat refusé le 23 juin 1994 était imprécis dans sa rédaction, qu'aucun document n'a été produit ce jour-là par le conseil et que le vérificateur a tenu compte des courriers adressés par lui ultérieurement ; que les juges ajoutent que le rejet ponctuel du mandat donné est demeuré sans influence sur la suite de la vérification et sur l'exercice effectif des droits de la défense ; Qu'en l'état de ces énonciations, relevant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des Impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve ; "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Christian X... coupable de soustraction à l'établissement et au paiement partiel de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1991, de la TVA afférente à la période 1992 ainsi que de soustraction totale à l'impôt dû au titre de l'année 1992 par omission de déclaration et d'omission de passation d'écritures comptables ; "aux motifs adoptés des premiers juges, sur les déclarations, qu'en matière de TVA, malgré l'envoi de mises en demeure, les déclarations afférentes aux mois de juillet, août et novembre 1989, février 1990, juillet 1991, juin et juillet 1992 n'ont pas été souscrites ; qu'en matière d'impôt sur les sociétés, la déclaration relative à l'exercice clos le 31 décembre 1992 n'a pas été déposée en dépit de deux mises en demeure effectivement reçues ; que sur la comptabilité, aucun document comptable n'a été présenté ; que le prévenu a alors prétendu que la comptabilité était détenue par son ancien comptable, la société Sogecoma, déclarée en liquidation judiciaire ; qu'il a produit une assignation adressée à la liquidation de la Sogecoma afin d'obtenir la restitution des documents comptables ; qu'il n'est pas démontré que les documents réclamés par l'administration fiscale aient effectivement été perdus par la société Sogecoma, cette disparition ne demeurant qu'une éventualité non vérifiée ; que sur les montants dissimulés, un contrôle de facturation ayant été mis en oeuvre à l'encontre de la société Triple Axel au titre de la période du 1er juillet 1989 au 30 mai 1992, ont été présentées des factures de charges (sous-traitance) établies à l'en-tête d'entreprises inconnues des greffes des tribunaux de commerce ou des services fiscaux ou ayant cessé leur activité depuis plusieurs années ; que le prévenu a reconnu que les sommes déduites au titre des charges externes étaient majorées du fait de la mise en place de fausses factures destinées à permettre la rémunération d'intermédiaires chargés de faire aboutir les demandes d'autorisation d'ouverture ou d'agrandissement de centres commerciaux ; que le gérant a fortement minoré les déclarations mensuelles de TVA afférentes à l'année 1992 en déduisant abusivement une taxe d'amont non justifiée et correspondant à des factures de sous-traitance fictives ; que les résultats déclarés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1991 se sont révélés minorés du fait de la déduction abusive de charges non justifiées ou correspondant à des prestations fictives ; que, sur l'élément intentionnel de la fraude, le recours systématique à la déduction de fausses factures de sous-traitance en vue de minorer la déclaration de résultats de l'exercice 1991 et les relevés de TVA de l'année 1992 témoigne clairement de la volonté délictueuse du prévenu ; "alors, d'une part, qu'en déclarant qu'il n'était pas démontré que les documents comptables de la société Triple Axel avaient été effectivement perdus par son ancien comptable pour déclarer le prévenu coupable du délit d'omission de passation d'écritures au livre d'inventaire ou au livre-journal qui lui était reproché, les juges du fond n'ont pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction prévue par l'article 1743 du Code général des Impôts qui ne peut s'appliquer en cas de disparition des documents comptables ; "alors, d'autre part, que le délit d'omission de passation d'écritures prévu par l'article 1743 du Code général des Impôts devant, aux termes de ce texte, avoir été accompli sciemment pour être punissable et l'article L. 227 du Livre des procédures fiscales prévoyant expressément que la preuve du caractère intentionnel de cette infraction incombe au ministère public et à l'Administration, les juges du fond, qui sont entrés en voie de condamnation sur le fondement de l'article 1743 du Code général des Impôts parce que le prévenu ne rapportait pas la preuve que la comptabilité de sa société dont il avait été le gérant avait été perdue par son comptable, ont, ce faisant, violé le texte susvisé ; "alors, enfin, que le prévenu ayant, dans ses conclusions d'appel, invoqué l'existence des pratiques de corruption en vigueur devant les commissions départementale et nationale d'urbanisme commercial et de certains intermédiaires qui exigeaient le versement occulte de sommes d'argent pour autoriser la création ou l'agrandissement de grandes surfaces constituant l'activité de la société qu'il dirigeait, en sorte qu'il avait dû avoir recours à des fausses factures pour justifier de tels paiements, les juges du fond, qui ont cru pouvoir déclarer le demandeur coupable de soustraction frauduleuse au paiement partiel de l'impôt sur les sociétés et de la TVA en se contentant de faire état de l'existence des fausses factures figurant dans la comptabilité de la société dirigée par le demandeur, sans répondre à ce moyen pourtant de nature à exclure toute volonté de dissimulation fiscale ni même rechercher si les paiements figurant sur les factures avaient ou non été exposés, ont ainsi violé à nouveau les articles 1741 du Code général des Impôts et L. 227 du Livre des procédures fiscales" ; Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de fraude fiscale pour avoir omis de souscrire la déclaration de résultats pour l'exercice 1992 et les déclarations de chiffres d'affaires pour les mois de juin et juillet 1992, dissimulé une partie des encaissements et des bénéfices de la société en payant des dépenses indues par le moyen de fausses factures et omis de passer des écritures en comptabilité, aucun document comptable n'ayant été remis au vérificateur, l'arrêt se prononce par les motifs repris au moyen ; Qu'en statuant ainsi, et dès lors que l'enregistrement, reconnu par le prévenu, de fausses factures en comptabilité caractérise le délit prévu à l'article 1743 du Code général des impôts par passation d'écritures inexactes ou fictives, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ; Avocat général : M. Lucas ; Greffier de chambre : Mme Krawiec ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;