Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 novembre 1997, 96-85.304, Inédit
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 novembre 1997, 96-85.304, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 96-85.304
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 06 novembre 1997
Décision attaquée : cour d'appel de SAINT-deNIS-de-LA-REUNION, chambre correctionnelle 1996-10-24, du 24 octobre 1996- Président
- Président : M. ROMAN conseiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de Z... de MASSIAC, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Philippe, contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, chambre correctionnelle, en date du 24 octobre 1996, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, L. 228 du Livre des procédures fiscales, 385 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'exception de nullité des poursuites fondée sur le défaut de plainte du directeur des services fiscaux et déclaré Philippe X... coupable de fraude fiscale, d'omission volontaire d'écritures au livre d'inventaire et au livre journal et d'écritures inexactes ou fictives sur les mêmes documents comptables ; "aux motifs que les juges ne peuvent prononcer la nullité des poursuites que s'ils ont été saisie par voie d'exception présentée par les parties dans les conditions prévues par l'article 385 du Code de procédure pénale, dernier alinéa, tel que modifié par les lois des 4 janvier et 24 août 1993, c'est-à-dire avant toute défense au fond; que cette règle s'applique à toutes les nullités même substantielles touchant à l'ordre public, à l'exception de celles affectant la compétence et exclut qu'elles soient relevées d'office par la juridiction répressive; qu'il en est ainsi de l'exception de nullité présentée par le prévenu pour la première fois en cause d'appel tendant à faire déclarer nulles les poursuites pour défaut de qualité à agir du ministère public ; que la Cour constate que les poursuites ont été régulièrement engagées dans le délai puisque, nonobstant le défaut de date de la plainte, le parquet a délivré, le 28 février 1994, soit postérieurement, un soit transmis visant cette plainte aux fins d'audition de Philippe X..., qui a été effectivement entendu par le gendarme Vergne ; "1°) alors que, d'une part, l'exception de nullité fondée sur le défaut de plainte préalable de l'administration fiscale, en cas de poursuites pénales des chefs de fraude fiscale et des délits assimilés, est une exception qui affecte la compétence des juridictions répressives, celles-ci n'étant plus valablement saisies en pareille hypothèse l'action publique n'ayant pas été mise en mouvement, de sorte qu'en déclarant irrecevable l'exception soulevée par Philippe X..., fondée sur le défaut de plainte du directeur des services fiscaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "2°) alors que, d'autre part, il résulte des articles 1741 du Code général des impôts et L. 228 du Livre des procédures fiscales que, sous peine d'irrecevabilité, les poursuites pénales des chefs de fraude fiscale et des délits assimilés dont l'omission d'écritures comptables ou la passation d'écritures comptables inexactes, ne peuvent être engagées par le ministère public que sur plainte préalable de l'administration fiscale; qu'il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que la plainte du directeur des services fiscaux n'est pas datée de sorte que son antériorité aux poursuites pénales n'est pas établie ; qu'en refusant néanmoins d'annuler la procédure subséquente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "3°) alors qu'enfin, la circonstance selon laquelle le soit transmis du procureur de la République, en date du 28 février 1994, vise la plainte du directeur des services fiscaux ne suffit pas à établir l'antériorité de celle-ci par rapport aux poursuites pénales à défaut de date portée sur la plainte et d'enregistrement de celle-ci au parquet ; qu'en se fondant sur cette seule référence pour établir le caractère préalable de la plainte du directeur des services fiscaux, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés" ; Attendu que Philippe X... a soutenu devant la cour d'appel que, faute d'être datée, la plainte des services fiscaux n'avait pas d'existence légale et qu'ainsi, les poursuites étaient irrégulières ; Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu sur ce point, la cour d'appel énonce que, pour n'avoir pas été régulièrement soulevée avant toute défense au fond devant les premiers juges, l'exception de nullité invoquée est irrecevable, par application des dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale ; Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, L. 228 et L. 230 du Livre des procédures fiscales, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a dit qu'il n'y a pas extinction de l'action publique par l'effet de la prescription et déclaré Philippe X... coupable de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures comptables et d'écritures comptables ou fictives ; "aux motifs que la Cour constate que les poursuites qui devaient être engagées avant le 11 avril 1995, compte tenu de la suspension du délai par la saisine de la Commission des infractions fiscales, l'ont été régulièrement dans le délai puisque, nonobstant le défaut de date de la plainte, le parquet a délivré, le 28 février 1994, soit postérieurement, un soit transmis visant cette plainte aux fins d'audition de Philippe X... qui a été effectivement entendu par le gendarme Vergne, officier de police judiciaire, le 3 avril 1995; que ce procès-verbal, à l'exclusion de la citation intervenue postérieurement, est interruptif de prescription ; "1°) alors que, d'une part, sous peine d'irrecevabilité, les poursuites pénales en matière de fraude fiscale doivent être précédées d'une plainte du directeur des services fiscaux; que la référence dans le soit transmis du parquet à une plainte de l'administration fiscale, sans autre précision, ne saurait, à elle seule, à défaut de date sur la plainte ou de timbre d'enregistrement au parquet, établir son antériorité par rapport aux poursuites, de sorte que la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "2°) alors que, d'autre part, la plainte du directeur des services fiscaux étant la condition préalable de mise en mouvement de l'action publique, tout procès-verbal antérieur ne peut être interruptif de prescription; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la plainte de l'administration fiscale n'était pas datée, de sorte que son caractère préalable n'était pas établi; qu'en déclarant néanmoins le procès-verbal d'audition du 3 avril 1995 interruptif de prescription, l'arrêt attaqué a violé le principe énoncé et les textes susvisés ; "3°) alors qu'enfin, il résulte de l'article L. 230 du Livre des procédures fiscales que la plainte de l'administration fiscale doit être déposée avant le 31 décembre de la troisième année suivant celle où l'infraction a été commise, que la plainte n'étant pas datée, il n'est pas établi qu'elle ait été déposée dans ce délai; qu'en déclarant néanmoins l'action publique non éteinte par l'effet de la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ; Attendu que Philippe X... a fait valoir devant la cour d'appel qu'en l'absence de plainte de l'Administration intervenue - avec date certaine - dans les délais prévus par l'article L. 230 du Livre des procédures fiscales, les faits visés à la prévention étaient nécessairement couverts par la prescription ; Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu, la cour d'appel énonce que ce dernier a été cité directement devant la juridiction correctionnelle, par le ministère public, sur plainte des services fiscaux, après avis conforme de la Commission des infractions fiscales ; Que les juges ajoutent que, si la plainte de l'Administration n'est pas datée, son antériorité par rapport aux poursuites est établie par les instructions écrites du parquet prescrivant l'audition de Philippe X... et la visant expressément; que ce premier acte de poursuite étant intervenu avant le 11 avril 1995, date à laquelle, compte tenu de la saisine de la Commission des infractions fiscales, les faits auraient été couverts par la prescription, et la citation de l'intéressé étant également intervenue dans les trois ans de ce premier acte, les faits ne sont nullement prescrits ; Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ; Qu'ainsi le moyen doit être écarté ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 1351 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe X... coupable de fraude fiscale et d'omission volontaire d'écritures au livre d'inventaire et au livre journal et écritures inexactes ou fictives sur les mêmes documents comptables ; "aux motifs que Philippe X... ne saurait soutenir que les omissions d'impôts ont été causées par la gérance de fait de la BFCOI qui aurait, après que la société ait été mise en redressement judiciaire, refusé certains paiements; qu'en effet, outre qu'il n'est pas établi que l'établissement financier avait l'obligation de tenir ou rédiger les déclarations fiscales, aucune excuse ne peut être invoquée au titre d'un soutien abusif de la banque à l'entreprise en difficulté par le dirigeant de droit condamné lui-même au comblement du passif pour fautes de gestion et poursuites d'activités déficitaires moyennant des concours bancaires obtenus au moyen de garanties personnelles ; qu'en effet, personne n'a obligé Philippe X... à souscrire pour le compte de la SARL Somanutrans des déclarations minorées de TVA ou à s'abstenir de déposer ses déclarations fiscales ; "1°) alors que, d'une part, les actes de gérance de fait de la BFCOI, dans la société Somanutrans, constatés par le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion, du 13 décembre 1994, devenu définitif, consistent dans l'entier contrôle des comptes clients, fournisseurs et salariés de cette société pendant deux ans entre mi-1991 et mi-1993 avant l'ouverture de la procédure collective; qu'en limitant cette gestion de fait à un simple soutien abusif de la banque à la société Somanutrans et au fait qu'elle aurait refusé certains paiements, après le redressement judiciaire de la société, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée de ce jugement ; "2°) alors que, d'autre part, la condamnation pour fraude fiscale suppose une participation matérielle et de mauvaise foi du prévenu aux actes de fraude qui lui sont reprochés; qu'il résulte du jugement du tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion, en date du 13 décembre 1994, devenu définitif, que la banque française commerciale de l'océan indien a été le gérant de fait de la société Somanutrans au cours des années 1991 et 1992, visées par la prévention, pour avoir contrôlé l'ensemble des comptes clients et fournisseurs et décidé ainsi du sort commercial et financier de cette société; qu'en ne recherchant si, dans ces conditions, Philippe X... avait commis librement et volontairement les actes qui lui sont reprochés, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et de base légale ; "3°) alors qu'enfin, la Cour ne relève aucun acte de participation matérielle et volontaire de Philippe X... au délit d'écritures comptables inexactes ou fictives qui lui est reproché, de sorte qu'elle a, derechef, privé sa décision de base légale" ; Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits visés à la prévention, la cour d'appel relève que la société Somanutrans n'a satisfait à aucune de ses obligations fiscales et comptables pendant la période visée à la prévention, et que Philippe X..., en sa qualité de dirigeant de droit, doit être tenu pour responsable des carences constatées, sans qu'il puisse se retrancher derrière l'immixtion d'un tiers dans la gestion de l'entreprise, aucun élément du dossier n'établissant que le prévenu ait donné mission à quiconque de tenir la comptabilité ou rédiger les déclarations fiscales de la société ; Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que le demandeur, tenu pour responsable en sa qualité de dirigeant social des obligations fiscales et comptables de l'entreprise, n'invoquait aucune délégation de pouvoirs accordée à un de ses préposés, la cour d'appel a, sans encourir les griefs allégués, justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 et 1745 du Code général des impôts, 47, 53 et 180 de la loi du 25 janvier 1985, 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil ; "en ce que l'arrêt attaqué a condamné Philippe X... au paiement solidaire de l'impôt fraudé au titre de la TVA pour les années 1991 et 1992, soit la somme de 555 403 francs ; "aux motifs que Philippe X... est condamné au paiement de l'impôt fraudé au seul titre de la TVA pour les années 1991 et 1992, soit la somme de 555 403 francs; que la peine accessoire de solidarité dans la condamnation est confirme aux prescriptions de l'article 1745 du Code général des impôts et ne fait pas double emploi avec la condamnation de combler partiellement le passif de la SARL Somanutrans à hauteur de 15 millions de francs ; "1°) alors que, d'une part, Philippe X... avait fait valoir dans ses conclusions que, par jugement du 31 août 1993 du tribunal de grande instance, section commerciale, de Saint-Pierre de la Réunion, il avait été mis personnellement en redressement judiciaire de sorte que la demande de l'administration fiscale tendant au paiement solidaire de l'impôt fraudé, créance née antérieurement au jugement d'ouverture, était irrecevable en application de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985; qu'il avait également soutenu que l'administration fiscale n'avait pas justifié avoir produit sa créance à son redressement judiciaire; qu'ainsi sa créance était éteinte en application de l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985; qu'en ne répondant pas à ces deux moyens, l'arrêt attaqué a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ; "2°) alors que, d'autre part, la condamnation solidaire au paiement des droits fraudés ne peut être prononcée, lorsque le débiteur fait l'objet d'une procédure collective, en dehors des conditions prévues par les articles 47 et 48 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il résulte des pièces de la procédure que Philippe X... a été mis personnellement en redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion du 31 août 1993 de sorte que la demande de l'administration des Impôts postérieure audit jugement tendant à sa condamnation solidaire au paiement des impôts fraudés et des pénalités afférentes, créance née avant le jugement d'ouverture, est irrecevable; que l'arrêt attaqué qui l'a néanmoins accueillie a donc violé les textes susvisés ; "3°) alors que, de troisième part, qu'il résulte de l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 que les créances dont l'origine est antérieure au jugement d'ouverture de la procédure judiciaire qui n'ont pas été déclarés, sont éteintes; que Philippe X... a été personnellement mis en redressement judiciaire par jugement du 31 août 1993 du tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion; qu'en ne recherchant pas, comme pourtant l'y invitaient les conclusions du prévenu, si l'administration fiscale avait régulièrement produit sa créance dans le cadre de cette procédure, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; "4°) alors qu'enfin, la réparation du préjudice subi ne peut excéder les limites de celui-ci; que Philippe X... a été condamné à combler le passif de la SARL Somanutrans sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, à hauteur de 15 000 000 de francs, passif dans lequel figure nécessairement la créance de l'administration fiscale résultant des droits fraudés et des pénalités y afférentes au paiement desquels Philippe X... a été solidairement condamné; qu'en jugeant que cette décision ne faisait pas obstacle à une nouvelle condamnation du prévenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ; Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'appel de l'avoir, en dépit de l'existence d'une procédure collective ouverte à son encontre et d'une condamnation au comblement du passif social, déclaré solidairement tenu envers l'Administration, avec la société Somanutrans, au paiement de la TVA fraudée, dès lors qu'une telle mesure, à caractère pénal, est sans incidence sur la détermination des droits dus et sur l'obligation pour les services fiscaux d'avoir à déclarer leurs créances dans les conditions prévues par la loi du 25 janvier 1985, lesquelles ne relèvent, ni l'une ni l'autre, de la compétence de la juridiction répressive ; Qu'ainsi le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. de Mordant de Massiac conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau, Challe, Pelletier, Ruyssen conseillers de la chambre, Mme de la Lance conseiller référendaire ; Avocat général : M. de Gouttes ; Greffier de chambre : Mme Nicolas ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;