Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 mai 1996, 95-84.766, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mai mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me COSSA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL;

Statuant sur le pourvoi formé par : - NERI X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 15 juin 1995, qui, pour gestion de sociétés commerciales malgré une interdiction, banqueroute, abus de biens sociaux et travail clandestin, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis, 200 000 francs d'amende, 10 ans d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler toute personne morale, et a ordonné la publication de la décision;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 186 et 216 de la loi du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude Y... coupable de gestion d'entreprises malgré une interdiction, et condamné celui-ci à 30 mois d'emprisonnement dont 30 avec sursis simple et 200 000 francs d'amende;

"aux motifs que, selon jugement du 31 mai 1994, le tribunal correctionnel de Tarascon a déclaré Claude Y... coupable d'avoir à Arles et sur le territoire national, depuis 1983 et depuis un temps non prescrit, exercé les fonctions de gérant des société I.B.F. et C.D.F. en violation d'une interdiction de diriger, gérer, administrer, contrôler directement ou indirectement une entreprise commerciale qui lui était faite à la suite du prononcé de la faillite personnelle en 1983, infraction prévue et réprimée par les articles 186 et 216 de la loi du 25 janvier 1985; qu'en l'état des aveux passés par le prévenu, la Cour ne peut que se référer à l'exacte et complète analyse qui en a été faite par les premiers juges dont il ressort que Claude Y..., sous le coup d'une interdiction de gérer (découlant du prononcé par le tribunal de commerce de Tarascon le 6 juillet 1984 de sa faillite personnelle suite à la faillite de ses trois S.A.R.L. (à savoir Y... Mat, Traser et Y... frères), a, dès le mois de novembre 1983, créé d'autres sociétés (à savoir I.B.F., C.D.F.) ou des entreprises en nom personnel (Mille carrelages, Boutique du carrelage et Centre-auto) à la tête desquelles il avait placé des membres de sa famille;

"alors d'une part que, l'interdiction découlant de la faillite personnelle de Claude Y... n'ayant été prononcée que par jugement du 6 juillet 1984, les juges du fond ne pouvaient, sans contradiction de motifs, lui reprocher d'avoir, dès le mois de novembre 1983 été le dirigeant de fait des sociétés et entreprises créées par ses enfants et sa concubine;

"alors d'autre part que la violation commise avant le 1er janvier 1986 d'une interdiction professionnelle prononcée antérieurement ne tombe pas sous le coup de l'article 216 de la loi du 25 janvier 1985; qu'en se fondant sur ce texte pour entrer en voie de déclaration de culpabilité et de condamnation à l'encontre de Claude Y... pour des faits antérieurs au 1er janvier 1986, la cour d'appel a violé ledit texte";

Attendu que, s'il est vrai que la violation de l'interdiction de gérer une entreprise commerciale à forme individuelle ou sociale découlant du jugement de faillite personnelle prononcé le 6 juillet 1984, n'était assortie d'aucune sanction pénale avant le 1er janvier 1986, date d'entrée en vigueur de l'article 216 de la loi du 25 janvier 1985, la déclaration de culpabilité et la peine n'en sont pas moins justifiées dès lors que les juges ont relevé que le prévenu avait géré en fait les sociétés Construction de France et Importation bâtiment de France jusqu'à la fin de l'année 1989;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 et 132-24 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Claude Y... à la peine de trois ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis simple dans les conditions prévues aux articles 132-29 et suivants du Code pénal;

"aux motifs que, la décision déférée doit être réformée en ce qui concerne la peine d'emprisonnement prononcée pour tenir compte tant de la gravité des délits que des éléments de personnalité portés à la connaissance de la Cour;

"alors qu'il résulte des articles 132-19 et 132-24 du Code pénal qu"en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine" et que cette motivation doit tenir compte "des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur"; que ne satisfait pas aux exigences de ce texte la cour d'appel qui, comme en l'espèce, prononce une peine d'emprisonnement assortie seulement d'un sursis partiel sans donner aucune précision ni sur les circonstances de l'infraction ni sur la personnalité de son auteur qui lui apparaissent justifier un emprisonnement ferme";

Attendu que, pour prononcer une peine d'emprisonnement en partie sans sursis, les juges retiennent la gravité des délits commis, les conséquences pécuniaires qu'ils ont eues pour les créanciers des entreprises gérées en fait par Claude Y... et dont le passif s'élève à plusieurs millions de francs, ainsi que les éléments de personnalité du prévenu, déjà condamné;

Qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a satisfait aux exigences des articles 132-19 et 132-24 du Code pénal et n'encourt par les griefs allégués;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Culié conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Martin conseiller rapporteur, MM. Roman, Schumacher conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac appelé à compléter la chambre, M. de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance, M. Desportes conseillers référendaires;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Arnoult ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre;

le Rapporteur

le Président

le Greffier de chambre

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