Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 novembre 1996, 95-82.196, Inédit
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 novembre 1996, 95-82.196, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 95-82.196
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 05 novembre 1996
Décision attaquée : cour d'appel de Paris, 11ème chambre 1995-03-15, du 15 mars 1995- Président
- Président : M. Le GUNEHEC
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y...; Statuant sur le pourvoi formé par : - A... Jean-Marie, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, du 15 mars 1995, qui, pour atteinte à l'exercice régulier des fonctions des délégués du personnel, entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise et discrimination syndicale, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2,1° de la loi d'amnistie du 3 août 1995; "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-Marie A... coupable, notamment, du délit de discrimination syndicale commis en 1991 et 1992; "aux motifs que, par lettre du 24 février 1992, une délégation de l'union locale CGT de Gentilly et du Kremlin-Bicêtre a demandé à être reçue le 2 mars 1992 par le chef d'entreprise en raison de la dégradation du climat social; que, par lettre du 26 février 1992, Mme B..., au prétexte de restructurations, s'est vu notifier la mutation de son lieu de travail avec prise d'effet au 2 mars 1992 et avec, comme contrepartie, une augmentation de 500 francs par mois ; que cette décision a été notifiée le jour de la première réunion du comité d'entreprise; que la salariée ayant refusé, Jean-Marie A... a procédé, le 2 mars 1992, à une mise à pied immédiate de la salariée, qui a été convoquée, le 4 mars, à un entretien préalable; que, le 20 mars 1992, l'inspection du travail a refusé le licenciement de la salariée, annulant ainsi les effets de la mise à pied au motif que cette dernière mesure avait été prise en considération de la prévision d'une action syndicale annoncée le 2 mars 1992 et que la proposition de mutation et la procédure de licenciement avaient été motivées par le souci d'évincer Mme B...; que Jean-Marie A... n'a pas, à l'audience, mis en cause les qualités professionnelles de Mme B..., mais a, une nouvelle fois, contesté les opinions et l'activité syndicale de Mme B...; que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu à l'encontre du prévenu le délit de discrimination syndicale, constitué à la fois : - par la décision de mutation de l'intéressée, motivée par son appartenance syndicale, - par la mise à pied injustifiée de la salariée, - par le refus opposé à Jean-Marie A... d'accepter la
présence de Mme B... dans l'établissement de Gentilly alors que l'autorisation de la licencier avait été refusée; "alors que sont amnistiés les délits commis avant le 18 mai 1995 à l'occasion de conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives de salariés; "qu'en l'état des énonciations de l'arrêt selon lesquelles l'inspecteur du travail a annulé la mesure de mise à pied au motif qu'elle avait été prise en considération de la prévision d'une action syndicale annoncée pour le 2 mars 1992, il en résulte que cette mesure a été prise dans le contexte d'une action syndicale et revendicative, de sorte que le délit de discrimination, retenu à l'encontre de Jean-Marie A..., à raison, en particulier, de la mise à pied, se trouve amnistié"; Attendu qu'il n'y a pas lieu de rechercher si le délit de discrimination syndicale imputé à Jean-Marie A..., commis en 1991 et 1992 et poursuivi en application de l'article L. 412-2 du Code du travail, est amnistié par application de l'article 2, alinéa 2,1 , de la loi du 3 août 1995, dès lors que, puni d'une seule peine d'amende lorsque le prévenu n'est pas en état de récidive, ce qui est le cas en l'espèce, ce délit se trouve amnistié de plein droit sur le fondement de l'alinéa 1er du texte précité et qu'ainsi, l'action publique est éteinte de ce chef; Que, dès lors, le moyen est inopérant ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 432-1, L. 434-3 et L. 483-1 du Code du travail, ensemble de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale; "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-Marie A... coupable du délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise; "aux motifs que le comité d'entreprise a été élu le 4 novembre 1991 et qu'il n'a été réuni que les 26 février et 4 mars 1992 ; que, le 14 octobre 1991, a été conclue une promesse unilatérale de vente de la totalité des parts sociales de la société ADF à la société LLD sous condition suspensive de l'embauche de M. X... et de la remise d'une garantie de l'état du passif; que les cessions de parts devaient intervenir le 15 décembre 1991; que, postérieurement, la société ADF a fait part aux services de l'inspection du travail de Melun de son rapprochement avec la société LLD ainsi que du transfert à venir d'un atelier de fabrication de Melun à Gentilly et des conséquences de ces mesures pour l'ensemble du personnel; qu'il y a lieu d'estimer que la décision de restructuration de la société LLD est intervenue le 15 décembre 1991; qu'à cette époque, le comité d'entreprise était constitué; qu'il est établi qu'entre le mois de novembre 1991 et le mois de février 1992, le comité n'a pas été réuni régulièrement au moins une fois par mois, ainsi que l'exige l'article L. 434-3 et qu'il n'a pas été davantage informé et consulté entre le mois de novembre et le 15 décembre 1991 en ce qui concerne le projet de restructuration de la société LLD alors que la cession des parts de la société ADF et le transfert consécutif des ateliers de fabrication de ces deux établissements constituaient, au sens de l'article L. 432-1, des questions de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, les conditions d'emploi, de travail et de formation du personnel; que les modifications envisagées intéressaient, de par leur importance, la marche générale de l'entreprise, dès lors que la société LLD était amenée à prendre une participation importante dans la société ADF et que la restructuration projetée entraînait, entre autres conséquences, le transfert de Gentilly à Melun de l'atelier de fabrication d'un produit original de la société LLD; que se trouve ainsi établi le délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise; que, compte tenu du caractère éminemment volontaire du comportement de Jean-Marie A..., alors que l'inspection du travail lui avait rappelé le contenu de ses obligations, le prévenu ne saurait faire valoir qu'il a agi sans intention délictuelle; qu'il ne saurait davantage invoquer sérieusement le fait qu'il avait eu la confirmation de la validation des élections du comité d'entreprise après le 21 janvier 1992, alors qu'il avait organisé et suivi les élections le 4 novembre 1991; "alors, d'une part, que la Cour ne pouvait s'abstenir de toute explication sur les conclusions d'appel de Jean-Marie A..., montrant l'absence d'élément intentionnel, faisant valoir qu'il avait été saisi, le 4 novembre 1991, par M. Z..., représentant syndical, d'une demande d'annulation des élections du comité d'entreprise et de la mise en place de nouvelles élections, ce qui expliquait qu'il n'ait eu confirmation de la validation de l'élection que le 21 janvier 1992, date à laquelle il avait alors décidé sa convocation; "alors, d'autre part, que la Cour ne pouvait retenir le caractère volontaire du comportement de Jean-Marie A..., dès lors qu'elle relevait que la promesse de parts avait été signée le 14 octobre 1991, soit avant l'élection du comité d'entreprise et que cette promesse prévoyait déjà la restructuration par le déplacement d'activités"; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la juridiction du second degré, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle ne l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, notamment intentionnel, le délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise dont elle a déclaré le prévenu coupable; Que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être admis; Attendu que la déclaration de culpabilité, les peines prononcées et les réparations civiles allouées étant justifiées de ce chef, il n'y a pas lieu d'examiner le deuxième moyen de cassation relatif au délit d'atteinte à l'exercice régulier des fonctions des délégués du personnel; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; Par ces motifs, DECLARE l'action publique ETEINTE en ce qui concerne le délit de discrimination syndicale; REJETTE le pourvoi pour le surplus ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus; Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Le Gunehec président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Milleville, Guerder, Pinsseau, Joly, Blondet conseillers de la chambre, Mme Fossaert-Sabatier, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires; Avocat général : M. de Gouttes ; Greffier de chambre : Mme Mazard ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;