Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 28 juin 1994, 93-82.824, Inédit
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 28 juin 1994, 93-82.824, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 93-82.824
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 28 juin 1994
Décision attaquée : Cour d'appel de Caen 1993-04-19, du 19 avril 1993Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juin mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ; Statuant sur les pourvois formé par : - Y... Jacques, - A... France, - La SA WAELES, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 19 avril 1993, qui, pour atteinte à l'exercice régulier des fonctions des délégués du personnel, et entraves à l'exercice du droit syndical et au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, a condamné les deux premiers à deux mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, a prononcé sur les intérêts civils et déclaré la troisième civilement responsable ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu le mémoire ampliatif produit, commun aux demandeurs et le mémoire en défense ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 412-17, L. 424-, L. 434-1, L. 481-2, L. 482-1 et L. 483-1 du Code du travail, 427, 551 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Baudinault et Paty coupables des chefs d'entrave à l'exercice des fonctions des délégués du personnel, d'entrave à l'exercice des fonctions des délégués syndicaux, d'entrave à l'exercice des fonctions des membres du comité d'entreprise et les a condamnés chacun à deux mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 francs d'amende ; "aux motifs, d'une part, qu'"en vertu des articles L. 424-3, L. 412-7 et L. 434-1 les délégués du personnel, délégués syndicaux et membres du comité d'entreprise doivent pouvoir, tant durant leurs heures de délégation qu'en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l'entreprise pour l'accomplissement de leurs mandats ; que la pose sur la porte d'un local professionnel d'un verrou à code secret et le refus de donner ce code secret aux représentants du personnel, constituent des entraves à la liberté de circulation instituée par les textes susvisés ; "alors que, le principe de la libre circulation des représentants du personnel pour l'exercice de leurs fonctions s'interdit pas à l'employeur responsable de la sécurité et de la bonne marche de l'entreprise d'exiger de ceux qui y circulent la justification de leur qualité, et qu'en subordonnant l'accès des locaux administratifs à l'ouverture d'un verrou commandé par une hôtesse d'accueil, les demandeurs avaient ainsi établi une simple modalité de contrôle valable pour l'ensemble du personnel et ne comportant aucune discrimination à l'encontre des personnes investies d'un mandat, de sorte qu'en décidant dans ces circonstances, que ces faits constituaient une entrave, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 412-17, L. 424-3, L. 434-1, L. 481-2, L. 482-2 et L. 483-1 du Code du travail ; "aux motifs, d'autre part, que selon la procédure instaurée et précisée à l'audience devant la Cour par Paty, chaque salarié désirant se rendre dans les locaux administratifs devait s'adresser à une employée postée à un guichet d'accueil et lui décliner son nom, le but de sa visite ainsi que le nom de la personne à rencontre, l'accès n'étant donné que si cette personne était présente, que, peu important que cette mesure visait l'ensemble des salariés, il est ainsi établi que l'employeur et son représentant Paty qui a reconnu avoir été à l'origine de ce système de filtrage d'entrée, pouvaient ainsi et de manière préalable, connaître les missions entreprises par les représentants du personnel, leur finalité et les personnes ainsi rencontrées et le cas échéant faire obstacle à ces missions ainsi que le rapportent certains témoignages ; que dès lors, la procédure imposant aux représentants du personnel de se présenter à un salarié désigné à cet effet et de lui décliner le but de sa démarche, avant de pouvoir pénétrer dans les locaux professionnels, constitue une entrave manifeste à l'exercice des fonctions de ces représentants et excède notablement les pouvoirs de discipline générale de l'employeur dans son entreprise ; que dès lors la matérialité des faits est établie, l'élément intentionnel des infractions se déduit nécessairement des agissements volontaires des prévenus, lesquels ne pouvaient méconnaître en l'espèce l'atteinte manifeste qu'ils portaient aux droits des représentants du personnel dans l'exercice de leurs missions ; "alors, qu'il ne résulte ni des attestations de Caurette, Adrien, Paumard et Hinarjos, ni du constat établi par la société civile profesionnelle Sebron-Gesmier, huissiers de justice, le 22 septembre 1992, ni des notes rendant compte de l'instruction à l'audience (interrogatoire de Paty), ni même de la citation, elle-même, que le salarié désirant se rendre dans les locaux administratifs ait été astreint d'indiquer le but de sa visite, de sorte qu'en se fondant sur cet élément pour retenir à la charge des prévenus qu'ils se seraient ainsi ménagés la possibilité de connaître les missions entreprises par les représentants du personnel, leur finalité et auraient excédé notablement les pouvoirs et discipline générale de l'employeur dans l'entreprise, la cour d'appel a : - statué sur des faits hors de la prévention privant ainsi les demandeurs d'organiser leur défense sur ce point particulier, en violation de l'article 551 du Code de procédure pénale ; - violé l'article 427 du même Code ; "qu'au surplus, en retenant les attestations de MM. X... et Z... d'ailleurs non datées, selon lesquelles ces salariés auraient été victimes d'une interdiction d'accès aux bureaux, sans préciser aucunement si ces interdictions étaient ou non consécutives au refus des intéressés de décliner leur identité à l'hôtesse selon les modalités du contrôle mis en place, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ; Attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, dont ils ont déduit que les prévenus avaient, sans concertation préalable, mis en place dans l'entreprise un dispositif interdisant l'accès de locaux professionnels à certains salariés, et notamment aux délégués syndicaux et aux représentants élus du personnel, ayant pour effet de limiter l'exercice du droit syndical et d'entraver les fonctions de ces délégués et représentants ; Qu'un tel moyen ne peut être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents : M. Le Gunehec président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Dumont, Milleville, Guerder, Pinsseau, Joly conseillers de la chambre, Mmes Fossaert-Sabatier, Fayet, M. de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;