Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 28 février 1996, 94-82.530, Inédit
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 28 février 1996, 94-82.530, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 94-82.530
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation Rejet
Audience publique du mercredi 28 février 1996
Décision attaquée : cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, 1994-04-11, du 11 avril 1994- Président
- Président : M. Jean SIMON conseiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit février mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire VERDUN, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, et de Me BLANC, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ; Statuant sur les pourvois formés par : 1 ) - Y... Henri, prévenu, - LA MACIF, partie intervenante, 2 ) - A... Jean-Jacques, prévenu et partie civile, - LA GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES, partie intervenante, contre l'arrêt de cour d'appel de RENNES, chambre correctionnelle, du 11 avril 1994, qui a condamné Henri Y..., pour blessures involontaires et refus de priorité, à une amende de 5 000 francs pour le délit et de 1 000 francs pour la contravention, Jean-Jacques A..., pour blessures involontaires, défaut de maîtrise et franchissement d'une ligne continue, à une amende de 5 000 francs pour le délit et à deux amendes de 1 000 francs chacune pour les contraventions, a, en outre, prononcé la suspension du permis de conduire de chacun des prévenus pour une durée de six mois, et statué sur les intérêts civils ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires ampliatifs et les mémoires en défense produits ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Jean-Jacques A..., gêné dans sa progression par l'irruption, sur sa voie de circulation, d'une automobile provenant d'une voie d'accélération, et conduite par Henri Y..., a déporté son véhicule vers la gauche et est entré en collision avec la voiture d'Yves E..., qui arrivait en sens inverse ; que ces deux derniers ont été blessés dans cet accident ainsi que Claire E... ; Qu'à la suite de ces faits, Jean-Jacques A... et Henri Y... ont été cités devant le tribunal correctionnel, le premier pour défaut de maîtrise, franchissement d'une ligne continue et blessures involontaires sur les personnes de Claire et Yves E..., le second pour blessures involontaires sur ces mêmes personnes ainsi que sur celle de Jean-Jacques A..., et refus de priorité ; qu'ils ont été condamnés de ces chefs en première instance ; En cet état ; I - Sur le pourvoi de Jean-Jacques A... et la GMF : Sur l'action publique : Attendu que les contraventions reprochées au prévenu ont été commises avant le 18 mai 1995 ; qu'elles ne sont pas visées à l'article R. 256-2 du Code de la route ; qu'elles sont, dès lors, amnistiées par application de l'article 1er de la loi du 3 août 1995 ; Sur l'action civile : Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du deuxième alinéa de l'article 593 du Code de procédure pénale ; "en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les conséquences civiles d'un accident de la circulation dans lequel trois véhicules étaient impliqués, a condamné Jean-Jacques A... et Henri Y... à indemniser M. Le B... et Henri Y... à indemniser Jean-Jacques A... ; "au motif que la manoeuvre éminemment perturbatrice commise par Henri Y... justifie que l'on maintienne à sa charge l'indemnisation intégrale des dommages causés à Jean-Jacques A... ; "alors que les arrêts sont déclarés nuls lorsqu'il a été omis de prononcer sur une demande des parties ; que la cour d'appel a omis de se prononcer sur la demande de Jean-Jacques A... tendant à être garanti par Henri Y... de sa condamnation prononcée au profit de M. E..." ; Attendu que Jean-Jacques A... - non plus que son assureur, partie intervenante, - ne saurait faire grief aux juges d'appel d'avoir omis de se prononcer sur sa demande tendant à être garanti par son coprévenu des condamnations prononcées en faveur des consorts E..., dès lors qu'une telle question, qui n'affectait que les rapports des codébiteurs entre eux, échappait à la compétence de la juridiction répressive ; Que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ; II - Sur le pourvoi de Henri Y... et la MACIF : Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 320 et R. 40-4 du Code pénal, L. 14, alinéas 1 et 2, L. 15 c/ I et III, L. 16, R. 26, R. 28-1, R. 232-4 , R. 232, R. 266-7 du Code de la route, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henri Y... coupable des infractions de blessures involontaires et refus de priorité ; "aux motifs que sans être capable de préciser à quel moment le véhicule Renault 11 -de Henri Z... s'était inséré dans le couloir de circulation du CD 13, le témoin M. D... a toutefois constaté que l'intervalle entre cette auto et la Golf rouge de Jean-Jacques A... s'était rapidement amenuisé au point que celui-ci avait tenté un dépassement pour éviter la collision ; que le témoin M. C... a pour sa part déclaré avoir vu deux véhicules arriver sur le CD 13 à allure rapide et le premier d'entre eux "de couleur sombre" s'engager sur la voie prioritaire au moment où arrivait la Golf rouge, la gênant dans sa progression ; que ces témoignages contredisent les affirmations de Henri Y... selon lesquelles il se serait engagé très tôt sur le CD 13 et aurait ensuite été rattrapé par la voiture de Jean-Jacques A... ; que la déposition de B..., conducteur de la Renault Espace accidentée, faisant état dans les instants précédant l'accident d'une conduite dangereuse de Jean-Jacques A... qui aurait effectué deux dépassements successifs inexplicables, "doit être relativisée" en fonction du témoignage de M. C..., qui n'a pas remarqué un tel comportement, et de la présence d'un îlot directement surélevé rendant pratiquement impossible une telle manoeuvre de dépassement ; "alors que les demandeurs avaient précisément soutenu, dans leurs conclusions d'appel, que la configuration des lieux, matérialisée par le procès-verbal de gendarmerie, et notamment l'existence d'îlots directionnels, séparant les deux couloirs du CD 13 à l'endroit ou le CD 13 s'y rattache et bien après ce rattachement, rendait impossible tout dépassement, par un usager du CD 13, d'un usager venant du CD 13 et lui refusant -éventuellement- la priorité, ce dont il résultait nécessairement que Jean-Jacques A... avait entrepris le dépassement de Henri Y..., non à la jonction des chemins par suite du refus de priorité de celui-ci, mais bien après, rattrapant, du fait de sa vitesse excessive, ce conducteur qui s'était engagé normalement ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions décisives d'où il résultait l'impossibilité matérielle absolue de la survenance de l'accident conformément aux indications de Jean-Jacques A... et du témoin M. C..., la cour d'appel a violé les textes susvisés" ; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, partiellement reprises au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du second degré, qui n'avaient pas à répondre mieux qu'ils l'ont fait aux conclusions dont ils étaient saisis, ont, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les infractions de blessures involontaires et de refus de priorité reprochées à Henri Y... ; Que, dès lors, le moyen, qui revient à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ; Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 55 (ancien) du Code pénal, 480-1 et 593 (nouveau) du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué, statuant sur l'action civile, a condamné d'une part, Henri Y... in solidum avec son assureur, la MACIF, d'autre part, Jean-Jacques A... in solidum avec son assureur, la GMF, à indemniser M. B..., agissant en son nom personnel et en tant que représentant légal de sa fille, Claire, des conséquences de l'accident et, avant dire droit, à lui verser, chacun pour sa part, une indemnité de 35 000 francs ; "alors que les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des dommages-intérêts ; qu'en ne prononçant pas la condamnation solidaire de Henri Y... et Jean-Jacques A... à indemniser les passagers de la Renault Espace mais en condamnant distinctement chacun d'eux, in solidum avec son assureur, à cette indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ; Attendu que les demandeurs sont sans qualité à se plaindre de la méconnaissance par les juges d'appel des dispositions de l'article 55 alinéa 1 du Code pénal - devenu l'article 480-1 du Code de procédure pénale- la solidarité édictée par ces textes n'étant qu'un mode d'exécution des réparations civiles bénéficiant aux seules victimes ; Que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ; Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 593 du Code de procédure pénale, 1 et 4 de la loi du 5 janvier 1985, défaut et contradiction de motifs, défaut de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a condamné in solidum Henri Y... et son assureur, la MACIF, à indemniser intégralement Jean-Jacques A... des conséquences de l'accident ; "aux motifs que le véhicule de Henri Y..., qui a joué un rôle causal dans la "genèse" de l'accident, est impliqué au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ; que la manoeuvre éminemment perturbatrice commise par Henri Y... justifie que l'on maintienne à sa charge l'indemnisation intégrale des dommages causés à Jean-Jacques A... ; "alors que la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur a pour effet, si elle a contribué à la réalisation de son dommage, de limiter ou exclure son indemnisation ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a, par motifs propres, retenu à l'encontre de Jean-Jacques A... un manque de maîtrise dans la conduite de son véhicule (arrêt p. 10, dernier alinéa) et un franchissement non inéluctable d'une ligne continue (arrêt p. 11, alinéa 1er) comme autant de fautes ayant contribué à la réalisation de l'accident, donc de son propre dommage ; que le jugement confirmé a, pour sa part, énoncé que "si Henri Y... a (vait) pu le surprendre par son refus de priorité Jean-Jacques A... aurait dû rester maître de sa vitesse..., ce qui n'a pas été le cas" ; que ces motifs propres et adoptés caractérisaient à l'encontre de Jean-Jacques A..., conducteur d'un véhicule impliqué, des fautes susceptibles à tout le moins de réduire son indemnisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ; Vu lesdits articles ; Attendu que, selon l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur a pour effet, si elle a contribué à la réalisation de son dommage, de limiter ou d'exclure son indemnisation ; Attendu qu'en outre, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu que, prononçant sur l'indemnisation des dommages subis par Jean-Jacques A..., constitué partie civile dans la procédure suivie contre son coprévenu pour blessures involontaires sur sa personne, la juridiction du second degré retient que la manoeuvre éminemment perturbatrice accomplie par ce dernier justifie que l'on maintienne à sa charge l'indemnisation intégrale des dommages causés à la partie civile ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, tout en condamnant Jean-Jacques A... pour des fautes pénales dont elle relevait expressément le rôle causal dans la survenance de l'accident dont il a été victime avec d'autres parties civiles, la cour d'appel a méconnu les principes et textes susrappelés ; Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ; Par ces motifs, I - Sur le pourvoi de Jean-Jacques A... et de la GMF ; Constate L'EXTINCTION de l'action publique en ce qui concerne les contraventions ; REJETTE le pourvoi pour le surplus ; II - Sur le pourvoi de Henri Y... et de la MACIF ; CASSE ET ANNULE, l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, en date du 11 avril 1994, mais seulement en ce que, statuant sur l'indemnisation des dommages subis par Jean-Jacques A..., il a condamné Henri Y... à l'indemniser intégralement de ses dommages, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de RENNES autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de RENNES, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents : M. Jean Simon conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Verdun conseiller rapporteur, MM. Blin, Aldebert, Grapinet, Challe, Mistral conseillers de la chambre, Mmes X..., de la Lance, Karsenty conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;