Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 13 avril 1992, 91-81.674, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize avril mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller HEBRARD, les observations de Me X... et de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;

Statuant sur les pourvois formés par :

Z... Jean-Paul,

Y... Christian,

B... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, chambre correctionnelle, en date du 31 janvier 1991 qui, le premier, pour faux en écritures et usage, les deux autres, pour complicité desdits faux et usage de faux, les a condamnés, chacun, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, et qui a prononcé sur les réparations civiles ;

Joignant les pourvois en raison de la d connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen additionnel commun aux demandeurs et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 398, 85, 512, 591 à 593 du Code de procdédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir énoncé que l'affaire avait été appelée à l'audience publique de la Cour du 10 janvier 1991 ou siégeaient M. Chantry, président, M. A... et Mme Hannecart, conseillers, mentionne qu'à l'audience du 31 janvier 1991, la Cour ne pouvait se constituer de la même façon, M. Chantry, président, a rendu l'arrêt en usant de la faculté résultant des dispositions de l'article 485 du Code de procédure pénale ;

"1°) alors que, d'une part, la différence de composition de la Cour entre l'audience des débats et celle du prononcé ne permet à la chambre criminelle de s'assurer ni de l'existence d'un délibéré, ni en tout état de cause de la régularité de la composition ayant délibéré ;

"2°) alors que, d'autre part, l'arrêt ne peut être prononcé par le président ou un assesseur qu'à la condition que ledit magistrat ait participé aux débats et au délibéré et ainsi concouru à la décision" ;

Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les mêmes magistrats ont assisté aux débats et participé au délibéré et que le magistrat qui présidait l'audience et qui a concouru à la décision en a fait la lecture conformément à l'article 485 du Code de procédure pénale ;

Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 2 du protocole additionnel n° 7 à ladite Convention,59 et 60, 147, 150, 151, 405 alinéa 3, 406 et 408 du Code pénal, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, ensemble violation des d droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a requalifié les faits de la prévention et a condamné les prévenus à une peine de trois mois

d'emprisonnement avec sursis des chefs de faux et usage pour Z... et du chef de complicité par instructions données ;

"aux motifs que le ministère public près la Cour fait valoir l'inadéquation des qualifications retenues contre les prévenus pour les faits poursuivis qui seraient susceptibles de constituer des faits de faux et de complicité de faux ; que les prévenus spécialement interpellés à l'audience déclarent accepter de s'expliquer sur cette requalification nonobstant les peines plus fortes ainsi encourues ; qu'il échet de leur en donner acte et, s'il échet, en cas de culpabilité, de retenir cette attitude en leur faveur ; que le maire d'Achicourt a déposé plainte à la suite de l'aveu écrit de Z... chef de travaux de la commune, d'avoir commandé sur le compte de la mairie du matériel de clôture pour B..., secrétaire général, et de la peinture pour Y..., employé à la comptabilité ; que Z... et B... ont soutenu avoir passé cette commande au nom de la mairie dans le seul but de bénéficier d'une remise, le règlement de la facture restant l'affaire personnelle du secrétaire général ; qu'une telle pratique était possible mais le bon de commande aurait alors dû impérativement porter l'inscription "paiement comptant", ce qui le distinguait d'une commande mairie, ce qui en l'occurrence n'est pas le cas ; les deux bons incriminés soit le n° 11 961 du 11 juillet 1989 pour le grillage et le n° 11 979 du 15 juillet 1989 pour la peinture précisant au contraire que ces commandes étaient passées pour les écoles de la commune ; que les factures ont été établies au nom de la mairie et qu'un des fournisseurs a précisé que pour lui il n'existait aucune équivoque possible, la commande n° 11 961 était bien une commande mairie (...) ; que les faits reprochés aux trois prévenus sont établis dans leur matérialité ; que le bon n° 11 979 du 15 juillet 1989 a pu être antidaté ; que les deux bons ont été établis de mauvaise foi par Z... qui les a affectés indûment à des dépenses supposées effectuées pour les écoles municipales alors qu'ils ont en fait servi à des intérêts purement privés ; que Z... s'est donc rendu coupable de faux "par fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharge" et en a fait usage en faveur de ses coprévenus, lesquels se sont rendus respectivement complices du délit de faux par instructions données ; sur les intérêts civils, qu'il d échet de limiter le montant des dommages-intérêts aux montants des livraisons fraudées et de condamner Y... seul à payer 1 157,60 francs et Lepreux et B... solidairement à 2 910,25 francs au profit de la partie civile outre l'application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure civile ;

"1°) alors que, d'une part, s'il appartient aux cours d'appel de changer la qualification des faits et de substituer une qualification nouvelle à celle qui leur était déférée, c'est à la condition qu'il ne soit rien changé aux faits de la prévention et qu'ils restent tels qu'ils ont été retenus dans l'acte saisissant la juridiction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les faits d'abus de confiance et de complicité reprochés aux prévenus constituaient des délits de faux et usage pour Z... et de complicité de faux et usage pour Y... et B... et, après disqualification, a condamné les demandeurs de ces chefs ; que cependant les éléments constitutifs de ces nouvelles infractions, en particulier les éléments caractéristiques de faux et usage,

n'étaient pas compris dans les faits poursuivis ; qu'ainsi la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;

"2°) alors que, d'autre part, la Cour ne pouvait indiquer que l'acceptation des prévenus sur l'extension de l'objet du litige serait, en cas de culpabilité, retenue en leur faveur ; que manque en effet à son devoir d'impartialité le juge qui accompagne de promesses ou de menaces l'offre faite aux prévenus d'accepter de se défendre sur une nouvelle qualification ;

"3°) alors que, de troisième part, la confection d'un bon de commande sur un carnet à souches de la commune ne réalise pas un faux punissable dès lors que pareil document, d'ailleurs sujet à vérification, n'emporte en lui-même fabrication d'aucune convention, obligation ou décharge du préjudice de la commune ;

"4°) alors que, de quatrième part, les factures correspondant aux deux commandes ayant été réglées par Y... et B... sur leurs deniers personnels, la prévention retenues à l'endroit de ces derniers et de Z... était entièrement privée de fondement ;

"5°) alors enfin, qu'il ne résulte pas des motifs retenus par la Cour que Y... et B... eussent donné des instructions à Z... pour commettre deux faux et user au préjudice de la commune desdits faux" ; d

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, reproduites au moyen mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle ne l'a fait à l'argumentation dont elle était saisie, a, sans encourir aucun des griefs allégués, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits de faux en écritures privées dont elle a déclaré coupable Jean-Paul Z..., et la complicité par instructions données pour les commettre et l'usage desdits faux retenus contre Christian Y... et Jean-Pierre B..., lesquels avaient accepté de s'expliquer sur ces qualifications ;

Que le moyen ne saurait donc être admis ;

Sur le second moyen de cassation commun aux deux demandeurs et pris de la violation des articles L. 11220 et L. 316-1 du Code des communes, 2 à 10, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré recevable l'action civile de la commune exercée par son maire et a fait droit à partie des conclusions indemnitaires de la partie civile ;

"aux motifs sur les intérêts civils qu'il échet de limiter les montants de dommagesintérêts aux montants des livraisons fraudées et de condamner Y... seul (les conclusions de la partie civile ayant omis de viser Z... avec lui) à payer 1 157,62 francs d'une part, et B... solidairement avec Z... à verser à la partie civile la somme de 2 910,25 francs d'autre part ; que la partie civile ayant dû exposer des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge, il échet de condamner Y... à lui verser 1 000 francs de ce chef et de condamner B... et Z... à lui verser 2 000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"1°) alors que, d'une part, le maire ne peut porter plainte et se constituer partie civile que s'il a été régulièrement habilité à le faire par délibération du conseil municipal ; qu'en s'abstenant de rechercher, au besoin d'office, si la constitution de partie civile

du maire es-qualité était recevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2°) alors subsidiairement que la Cour ne pouvait allouer à la partie civile les sommes de d 1 157,20 francs et de 2 910,25 francs qui avaient directement été payées aux fournisseurs par Y... et B..." ;

Sur la première branche du moyen ;

Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni d'aucunes conclusions que les prévenus aient contesté la régularité de la constitution de partie civile du maire de la commune d'Achicourt agissant au nom de celle-ci ;

Attendu qu'en cet état, les demandeurs font vainement grief à la cour d'appel, qui n'en était pas requise, de ne pas avoir, d'office, recherché si la plainte du maire avait été précédée d'une délibération du conseil municipal l'habilitant à agir devant le tribunal correctionnel ;

Que le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau et comme tel irrecevable ;

Sur la seconde branche du moyen ;

Attendu qu'en condamnant les prévenus déclarés coupables, notamment de faux et d'usage de faux, à payer à la commune d'Achicourt les sommes visées au moyen, égales au montant de "livraisons fraudées", la cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir qui appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement, dans les limites des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le préjudice causé par l'infraction ;

Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Hébrard conseiller rapporteur, MM. Tacchella, Souppe, Gondre, Hecquard, Culié, Jorda conseillers de la chambre, MM. Bayet, de Mordant de Massiac, Mme Batut conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, d Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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