Cour de cassation, Chambre criminelle, du 15 janvier 1991, 89-86.352, Inédit
Cour de cassation, Chambre criminelle, du 15 janvier 1991, 89-86.352, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 89-86.352
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 15 janvier 1991
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris 1989-10-19, du 19 octobre 1989Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le quinze janvier mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIRIMAND, les observations de Me COSSA, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ; Statuant sur le pourvoi formé par :
B... Marc,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 19 octobre 1989 qui, pour délit de blessures involontaires et infraction à la réglementation protectrice de la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende, ainsi qu'à l'affichage et à la publication de la décision, et qui a prononcé sur l'action civile ; Vu le mémoire produit ; d
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 231-3-1 et R. 231-32 et suivants du Code du travail, 319 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré B... coupable des chefs de non-respect des règles relatives à la sécurité du travail et de blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à trois mois et en répression, l'a condamné aux peines de deux mois d'emprisonnement avec sursis et de 5 000 francs d'amende ; "aux motifs propres qu'en l'espèce, Raymond E..., ouvrier intérimaire n'a reçu qu'une formation faite "sur le tas" alors qu'il aurait dû recevoir une formation pratique et appropriée en matière de sécurité ayant changé de poste de travail et étant exposé ainsi à des risques nouveaux ; qu'à cet égard, (la Cour) remarquera que E... , après avoir travaillé dix jours sur une rotative de grande dimension pourvue de plusieurs dispositifs de sécurité, avait été affecté le jour même de son accident, soit le 24 mai 1983, sans aucune formation préalable en matière de sécurité à une rotative plus petite et ancienne ; "et aux motifs adoptés des premiers juges qu'aux termes de l'article L. 231-3-1 du Code du travail tout chef d'établissement est tenu d'organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité, au bénéfice des travailleurs qu'il embauche et de ceux qui changent de poste de travail, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène et de sécurité obligatoirement consultés sur les programmes de formation et devant veiller à leur mise en place effective ; qu'en l'espèce, Raymond E..., ouvrier intérimaire, après avoir travaillé environ 10 jours sur une rotative de grande dimension pourvue de plusieurs dispositions modernes de sécurité, avait été affecté le jour même de son accident, le 24 mai 1983, à une plus
petite rotative, ancienne, dépourvue notamment de grilles de sécurité et d'un klaxon avertisseur de la mise en marche ; que certes si, comme l'expose l'autre ouvrier receveur offset, M. D..., avec qui E... avait travaillé toute la matinée, l'accident s'étant produit l'après-midi, la victime avait été avertie des dangers supplémentaires que présentait cette machine, et avait bénéficié de plusieurs heures de démonstration, il n'en demeure pas moins que les prescriptions du Code du travail n'ont pas d été respectées, aucun enseignement théorique organisé n'ayant été allégué et effectivement donné en plus de cette formation "sur le tas" ; "alors, d'une part, qu'il était acquis que E..., qualifié comme receveur offset, avait été informé du fonctionnement et des précautions à prendre et notamment de l'interdiction de poser la main sur le dessus de la machine, ce qu'il avait reconnu lui-même lors de son audition ; qu'en reprochant cependant à l'entreprise d'avoir affecté Toundé sur une machine rotative sans rechercher si l'ensemble des instructions données à ce salarié ne constituaient pas une formation suffisante, compte tenu de la taille de l'établissement, la nature de son activité, les risques encourus et les types d'emplois occupés, l'accident n'étant d'ailleurs pas dû à une carence de l'enseignement mais à la grave imprudence de la victime qui a enfreint les instructions et les consignes de sécurité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; "alors d'autre part que Marc B... faisait valoir, dans des conclusions régulièrement déposées, que c'est à l'entrepreneur de travail temporaire qu'il appartient d'assurer la formation du personnel qu'il place chez ses clients, ce qu'est venue rappeler la loi du 13 janvier 1989 ; qu'en se bornant à adopter les motifs des premiers juges sans répondre à ce chef des conclusions qui en imputant la responsabilité pénale à une tierce personne, faisaient disparaître l'infraction reprochée à B..., la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ; "et que, du même coup, en laissant planer un doute sur l'étendue des obligations de Marc B..., la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur ce point et privé ainsi sa décision de base légale ; "alors, enfin que, Marc B... avait également soutenu que, n'ayant pas lui-même l'obligation d'être technicien ou mécanicien, il s'était conformé aux instructions du constructeur et que les examens antérieurs à l'accident, opérés par les organismes de sécurité (inspecteur du travail, caisse régionale d'assurance maladie, et service médical du syndicat du Livre) lui avaient fait savoir que les machines étaient pourvues des éléments de sécurité nécessaires ; que, dès lors, en s'abstenant de rechercher si l'existence de tels contrôles étaient de nature à exonérer Marc B... b de sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés" ; Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement que, le 24 mai 1983, Raymond E..., travailleur intérimaire mis à la
disposition de l'imprimerie dirigée par Marc B..., a été blessé à la main et au bras par les engrenages d'entraînement d'une rotative au moment où il passait la main au-dessus de la machine pour poser des cales ; que cet accident est survenu le jour même où Raymond E..., après avoir travaillé depuis son embauche le 11 mai 1983, avec la qualification de "receveur-offset", sur une rotative de grande dimension pourvue de plusieurs dispositifs de sécurité, venait d'être chargé du fonctionnement d'une machine plus ancienne dotée de pièces mobiles à portée de main et démunie de grilles de protection ainsi que d'avertisseur sonore de mise en marche ; Attendu que devant les juges du fond, saisis des poursuites exercées contre Marc B... pour infractions aux articles 320 du Code pénal, L. 231-3-1, R. 231-36 à R. 231-38 du Code du travail, le prévenu a sollicité sa relaxe en soutenant que l'accident était dû à la seule imprudence de la victime qui, malgré sa qualification, n'avait pas respecté les consignes de travail ; qu'il a aussi fait valoir que l'installation de dispositifs de sécurité particuliers sur la machine utilisée n'avait été préconisée ni par l'inspection du travail, ni par les services de la caisse régionale d'assurance maladie ; Attendu que pour écarter cette argumentation et dire la prévention établie, les juges du second degré, retenant des témoignages et les conclusions des experts commis au cours de l'information, énoncent que Raymond E..., après s'être servi d'une machine équipée de divers dispositifs de sécurité, a été blessé alors que venant de changer de poste de travail, il n'avait pas bénéficié d'une formation de nature à le prémunir contre les dangers inhérents à l'utilisation d'une rotative ancienne ne comportant pas de protections suffisantes ; Attendu qu'en l'état de ces motifs qui résultent de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus et qui établissent que le prévenu, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 231-3-1 du Code du travail dans sa rédaction applicable aux faits poursuivis, n'avait pas organisé d une formation appropriée en matière de sécurité au bénéfice d'un salarié appelé à changer de poste de travail, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions déposées devant elle, a justifié sa décision ; que contrairement à ce qui est soutenu, les circonstances invoquées à la dernière branche du moyen n'étaient pas de nature à éxonérer le chef d'entreprise de sa responsabilité pénale ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
M. Berthiau conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Guirimand conseiller rapporteur, MM. Y..., Z..., A..., C..., X...,
Guerder conseillers de la chambre, Mme Pradain avocat général, Mme Gautier greffier de chambre