Cour de cassation, Chambre criminelle, du 15 février 1993, 92-80.277, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de MORDANT de MASSIAC, les observations de la société civile professionnelle LESOURD et BAUDIN et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Serge, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre correctionnelle, en date du 24 octobre 1991, qui, pour fraudes fiscales et tenue irrégulière de comptabilité, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 30 000 francs d'amende, outre la publication et l'affichage du jugement et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, de l'article L. 227 du Livre des procédures fiscales et de l'article 593 du Code de procédure pénale, pour défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X..., gérant de la société Aquarium, coupable de fraude fiscale en matière de TVA et de passation d'écritures inexactes ou fictives, l'a condamné à diverses peines et mesures de publicité et l'a déclaré solidairement responsable des impôts et pénalités dus par la société ;

"aux motifs que la comptabilité de la société était régulière en la forme ; que les factures enregistrées en 1983 et 1984 émanant des sociétés Sofabco et SMR pour des sommes représentant respectivement 15 % et 11 % du chiffre d'affaires de ces deux exercices ne laissaient apparaître aucune distorsion permettant de mettre en doute la réalité et l'importance des opérations auxquelles correspondaient les factures en cause ; qu'il n'était donc pas établi que ces factures étaient fictives ; qu'il résultait seulement des déclarations de Blankerberg, gérant des deux sociétés facturières, que ces factures étaient fausses et servaient à couvrir une activité réelle de travail effectuée par des tiers qui, pour une raison quelconque, ne pouvaient les facturer eux-mêmes ; qu'ainsi doit être admise la réalité des prestations facturées effectuées par des façonniers autres que SMR ou Sofabco ; que le prévenu soutient avoir ignoré cette situation ; qu'il justifie avoir pris la précaution de se faire remettre par ces deux sociétés les extraits K Bis attestant de leur inscription régulière au registre du commerce ainsi que des attestations émanant des services fiscaux et de l'URSSAF établissant qu'elles étaient en règle au regard des déclarations de TVA, des déclarations de salaires et du paiement des cotisations sociales ; qu'il produit ainsi six attestations de l'URSSAF et douze attestations de la DGI, pour chacune des sociétés ; que ce luxe de précautions tend à prouver sa méfiance et sa crainte que les façonniers ne présentent pas toutes les garanties nécessaires de sérieux, mais qu'il s'est en revanche abstenu de toute

vérification matérielle par une visite des ateliers, une vérification de l'identité et de la qualité de ses interlocuteurs, un contrôle de la réalité du siège social, et que cette abstention conduit à admettre que le prévenu avait connaissance de la fausse facturation émanant des sociétés susvisées ;

"alors que le ministère public et l'Administration doivent apporter la preuve du caractère intentionnel des faits prévus et réprimés par les articles 1741 et 1743 du CGI et que cette preuve ne saurait être tirée de la seule inefficacité des précautions prises par le donneur d'ouvrages pour s'assurer que les façonniers auxquels il s'adressait présentaient toutes les garanties nécessaires de sérieux ; qu'à peine de renverser la charge de la preuve on ne saurait imposer au prévenu justifiant d'attestations remises par les services sociaux et fiscaux compétents de n'avoir pas effectué les contrôles matériels nécessaire pour vérifier l'exactitude desdites attestations et de n'avoir pas de la sorte pallié les déficiences de l'URSSAF et des services fiscaux" ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, de l'article 1741 du Code général des impôts, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur pour fraude fiscale en matière de TVA en 1984 et 1985 et l'a déclaré solidairement responsable du paiement des impôts fraudés et des pénalités ;

"aux motifs que le prévenu savait que la TVA n'était pas payée par les sociétés facturières, qu'en effet l'économie du système des factures fictives ou fausses implique nécessairement que le facturier -que la prestation soit réellement accomplie ou soit inexistanteconserve pour lui au moins le montant de la TVA à titre de commission, que le petit secteur d'activité réelle qu'aménagent certains facturiers plus astucieux que d'autres n'a pour finalité que de donner l'apparence trompeuse d'un fonctionnement régulier ;

"alors, d'une part que, pour rechercher si un prévenu a commis le délit qui lui est reproché, le juge doit essentiellement fonder sa décision sur les faits propres au cas d'espèce qui lui est soumis et prive sa décision de motifs s'il retient comme seule preuve de la mauvaise foi des considérations générales sur les méthodes habituellement pratiquées par une catégorie de délinquants sans rechercher les éléments propres au cas d'espèce de nature à démontrer que le demandeur n'avait pas été lui-même victime de la tromperie organisée par ses cocontractants ;

"et alors, d'autre part, que le demandeur n'ayant été déclaré en première instance coupable de fraude fiscale en matière de TVA que pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1984, la Cour n'a pas justifié sa décision en le déclarant sans le moindre motif coupable de fraude fiscale en matière de TVA en 1984 et 1985" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Serge X... était gérant d'une société Aquarium dont l'activité était la confection de vêtements ; qu'une vérification de comptabilité a mis en évidence que deux

sous-traitants, auxquels la société avait recours, étaient, non des entreprises de confection, mais des "officines de facturation" ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de fraudes à la TVA et de tenue irrégulière de comptabilité, la cour d'appel relève que X... savait que les entreprises précitées n'étaient que de pure façade puisqu'elles avaient leur siège à l'adresse d'une société de domiciliation où un de ses associés avait lui-même le siège de ses activités ; qu'elle ajoute que le prévenu n'avait eu recours à ces deux entreprises que pour la délivrance de fausses factures relatives à des prestations que d'autres avaient effectuées de manière occulte, il n'avait établi à leur égard ni bon de commande ni bon de livraison, ni registre de confié ; que les juges en concluent que c'était donc frauduleusement que le prévenu avait entré en comptabilité un crédit de taxes qui n'avaient nullement été acquittées ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a, sans encourir aucun des griefs allégués aux moyens, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits visés à la prévention ;

Que, dès lors, les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

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