Cour de cassation, Chambre criminelle, du 26 février 1991, 90-83.517, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingtsix février mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de Me GUINARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur le pourvoi formé par :

A... Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS (11ème chambre) en date du 26 février 1990 qui, pour obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du travail, l'a condamné à une amende de 5 000 francs ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article L. 631-1 du Code du travail et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; d

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré A... coupable du délit d'obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du travail ; "aux motifs que A... a, par courrier du 26 février 1988, saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement concernant Mme X..., membre suppléante du comité d'entreprise, en produisant, à l'appui de sa demande, la photocopie du procèsverbal des réunions des 4 et 22 février 1988 de ce comité d'entreprise faisant apparaître que la procédure réglementaire avait été respectée ; qu'après enquête, il apparaissait que si le comité d'entreprise s'était bien réuni le 22 février 1988, son ordre du jour ne comportait pas le projet de licenciement de Mme Y... ; qu'en fait, c'était au cours d'une réunion de ce comité, le 4 février 1988, que cette question avait été évoquée ; que, par un montage de photocopies réalisé à partir du procèsverbal du 4 février 1988, A... a donc fait croire que c'était le 22 février 1988 que le comité d'entreprise avait délibéré sur le cas de Mme X..., l'entretien avec celleci ayant eu lieu le 15 février 1988 ; qu'en agissant ainsi, le prévenu a donc bien tenté délibérément de tromper l'autorité administrative compétente ; qu'à sa charge doit être retenue l'existence d'un acte positif constitutif d'obstacle à la mission d'un inspecteur du travail ; que peu importe qu'il ait voulu régulariser une erreur dans la procédure ; que le fait de produire un document comportant volontairement des inexactitudes établit l'élément intentionnel du délit (cf. arrêt, p. 3, 1er considérant) ;

"1) alors que le délit prévu par l'article L. 631-1 du Code du travail suppose qu'il ait été mis un obstacle à l'accomplissement des devoirs de l'inspecteur du travail ; que pour retenir le délit, la cour d'appel a considéré que A... avait voulu tromper l'inspecteur du travail sur le fait que le projet de licenciement avait été soumis au comité d'entreprise dans sa réunion du 4 février 1988, soit avant l'entretien préalable ; qu'en statuant de la sorte sans rechercher si, comme le faisait valoir A... et comme il l'avait indiqué dans la demande d'autorisation à l'inspecteur du travail, A... n'avait pas procédé à une régularisation de la procédure de licenciement en soumettant à nouveau, postérieurement à l'entretien préalable, le projet de licenciement au comité d'entreprise dans sa réunion du 22 février 1988, une telle régularisation, clairement d exprimée dans la demande d'autorisation, étant exclusive de tout obstacle apporté au contrôle de l'inspecteur du travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ; "2) alors que le délit prévu par l'article L. 631-1 du Code du travail n'est constitué que pour autant que les réponses mensongères faites par le prévenu à l'inspecteur du travail ont pour but de tromper celuici et d'éluder sa surveillance ; qu'en énonçant dès lors que le seul fait de produire un document comportant volontairement des inexactitudes établissait l'élément intentionnel du délit sans rechercher si A..., qui avait clairement exprimé dans la demande d'autorisation l'existence d'une régularisation de la procédure de licenciement avait été animé de l'intention de tromper l'inspecteur du travail, la cour d'appel qui a considéré qu'il était sans importance que le prévenu ait voulu procéder à une telle régularisation, a violé les textes visés au moyen" ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme sur la culpabilité, et du procès-verbal de l'inspecteur du travail base de la poursuite, que Philippe A..., directeur des relations humaines de la société Mendès, a le 4 février 1988 consulté le comité d'entreprise sur le projet de licenciement économique de Mme Z..., membre suppléant dudit comité et qu'il a procédé le 15 février à l'entretien préalable au licenciement ; qu'il a le 26 février adressé à l'inspecteur du travail une demande d'autorisation de licenciement dans laquelle il expliquait que le comité d'entreprise avait examiné cette demande lors de ses réunions des 4 et 22 février et qu'il a produit en photocopie des extraits des procèsverbaux de ces réunions ; qu'il est apparu de l'enquête à laquelle a procédé l'inspecteur du travail que l'extrait du procès-verbal de la réunion du 22 février n'était qu'un montage de photocopie réalisé à partir du procès-verbal de la réunion du 4 février afin de faire croire que le comité d'entreprise avait délibéré le 22 février sur le projet de licenciement et qu'il avait été ainsi consulté, comme le veut la loi, après l'entretien préalable alors qu'il l'avait été en réalité avant cet entretien ;

que Philippe A..., poursuivi en application de l'article L. 631-1 du Code du travail, pour avoir mis obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du travail, a été déclaré coupable ; Attendu que, pour confirmer le jugement d entrepris et rejeter l'argumentation du prévenu qui soutenait que, même s'il avait produit un document inexact, il n'avait pas voulu tromper l'administration mais avait seulement voulu régulariser la situation en soumettant une deuxième fois au comité d'entreprise le projet de licenciement de la salariée, la juridiction du second degré énonce par des motifs propres et par des motifs adoptés des premiers juges que l'examen du projet de licenciement ne figurait pas à l'ordre du jour de la réunion du 22 février, que Mme Z... n'assistait pas à cette réunion et que c'est seulement le 4 février que le comité d'entreprise s'était prononcé sur cette question ; qu'elle observe que le prévenu avait ainsi tenté délibérément de tromper l'autorité administrative,

qu'il n'importe "qu'il ait voulu régulariser une erreur de procédure" et "que le fait de produire un document comportant volontairement des inexactitudes établit l'élémént intentionnel du délit" ; Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel qui a caractérisé en tous ses éléments, y compris l'élément intentionnel, le délit poursuivi, n'a pas encouru les griefs allégués par le moyen, lequel ne peut qu'être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :

M. Berthiau conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Zambeaux, Dardel, Fontaine, Milleville, Alphand, Guerder conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Robert avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;

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