Cour de cassation, Chambre criminelle, du 6 novembre 1990, 89-86.526, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six novembre mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de Me DELVOLVE et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur le pourvoi formé par :

LA SOCIETE BOCAMA, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 13 octobre 1989, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre Roger Y... pour non-respect du principe de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, a déclaré réunis les éléments constitutifs de l'infraction et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en d défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 140-2 et R. 154 du Code du travail, des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Bocama à payer un franc de dommages-intérêts à l'Union locale CGT de Saint-Priest, pour inégalité de rémunération entre les hommes et les femmes ;

"alors, d'une part, que la Cour a statué par un motif hypothétique en affirmant que la durée de formation des ouvriers masculins ne paraît pas devoir être supérieure à celle de leurs collègues féminins ;

"alors, d'autre part, qu'elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations concernant les polyvalences des ouvriers masculins qui exercent leur travail de manutention dans les différents secteurs de l'atelier" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme sur les intérêts civils et du procès-verbal de l'inspecteur du travail, base de la poursuite, que Roger Y..., président du conseil d'administration de la société Bocama, a versé à treize ouvrières affectées à un travail sur presses, appartenant à la catégorie 2 et classées au coefficient 145, une rémunération inférieure à celle de trois ouvriers de mêmes catégorie et coefficient ; qu'il a été poursuivi pour infraction aux dispositions des articles L. 140-2 et L. 140-3 du Code du travail devant le tribunal de police qui l'a déclaré coupable ;

Attendu qu'après l'extinction de l'action publique résultant du décès du prévenu, la société Bocama a prétendu en cause d'appel que la disparité de rémunération constatée s'expliquait par le caractère plus pénible du travail des ouvriers qui manipulaient des objets lourds ainsi que par la polyvalence de leurs tâches qui exigeait une durée de formation plus longue que celle des femmes ;

Attendu que pour rejeter cette argumentation et considérer, quant aux seuls intérêts civils, que l'infraction était constituée, la cour d'appel énonce notamment que la fatigue nerveuse subie par les ouvrières équivalait aux contraintes physiques imposées aux hommes, qu'il ne résultait des pièces versées aux d débats aucun élément de nature à établir que la durée de formation de ces derniers était plus longue que celle des premières, enfin que la polyvalence invoquée ne correspondait pas à l'exercice de tâches exigeant des qualifications différentes mais ne consistait que dans l'accomplissement d'un même travail de manipulation dans des secteurs différents de l'atelier ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que le travail des ouvriers et des ouvrières était de valeur égale, la cour d'appel, abstraction faite d'énonciations surabondantes critiquées par la première branche du moyen, a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents :

M. Berthiau conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Zambeaux, Dardel, Fontaine, Milleville, Alphand, Culié, Guerder conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Libouban avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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