Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 15 mai 2007, 06-11.391, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique du 30 décembre 1998, les sociétés Sicomi Rhône Alpes et Natiocrédibail ont consenti à la SCI Les Anémones, un crédit-bail portant sur un immeuble exploité en hôtel par la société Them à laquelle la SCl Les Anémones a consenti une sous-location ; que la SCl Les Anémones a délégué le montant des loyers de la location aux crédit-bailleurs à titre de nantissement et subrogé le crédit-bailleur dans ses droits, actions et privilèges à l'encontre des sous-locataires délégués ; que la SCI Les Anémones n'ayant pas honoré ses engagements, le juge des référés a, le 22 février 2000, constaté la résiliation de plein droit du contrat de crédit-bail au 30 décembre 1998, et ordonné l'expulsion de la SCI Les Anémones ; que par jugement du 29 mars 2001, la SCI Les Anémones et les cautions ont été condamnées à payer à la société Sicomi Rhône Alpes, la somme de 2 067 152,30 euros et à la société Natiocréditbail, celle de 2 178 795,11 euros, outre les intérêts légaux, correspondant au montant des loyers arrétés au 31 juillet 2000 ; que le 11 juillet 2001, la société Them a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ; que les sociétés Natiocréditbail et Sicomi Rhône Alpes ont, le 2 septembre 2001, déclaré leurs créances au titre de la délégation de loyers et au titre de l'indemnité d'occupation; que ces créances ont été contestées, par le représentant des créanciers, le 4 mai 2004, pour sa totalité en ce qui concerne celle fondée sur la délégation de paiement au motif que cette délégation ne porterait pas sur les sommes déclarées à ce titre, et, en partie, en ce qui concerne celle réclamée au titre de l'indemnité d'occupation, pour la période commençant à courir le 30 novembre 1998, la débitrice reconnaissant devoir la somme de 10 084,50 euros ; que le juge-commissaire a rejeté la créance de la société Natiocrédibail d'un montant de 144 922,17 euros au motif que la délégation stipulée à l'acte notarié ne visait que le montant des loyers de la sous-location et qu'il s'agissait d'une délégation imparfaite ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu que M. X..., liquidateur judiciaire de la société Them, fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'admission à titre privilégié de la créance de la société Natiocrédibail alors, selon le moyen :

1 / que la convention par laquelle un débiteur délègue à son créancier son propre débiteur ne crée d'obligation à la charge de ce dernier que s'il s'est personnellement engagé à payer le délégataire ;

qu'en l'espèce, la clause du contrat de crédit-bail, par laquelle la SCI Les Anémones (délégant) délègue aux crédit-bailleurs (délégataire) le montant des loyers de la sous-location, a été convenue seulement entre le délégant et le délégataire et n'a pas été acceptée par la société Them (délégué), de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1275 du code civil ;

2 / que dans ses conclusions d'appel, M. X..., ès qualités, soutenait que la société Them n'avait pas accepté la délégation de créance représentée par le montant des loyers de la sous-location ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, d'où résultait l'absence de dette de la société Them envers la société Natiocrédibail, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

3 / que la cour d'appel a énoncé que le liquidateur ne contestait pas le principe de la créance ni son objet, alors que, précisément, le liquidateur contestait la délégation de créance, et donc la créance déclarée au passif ; qu'ainsi, elle a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que par acte du 30 décembre 1998, la société Natiocrédibail a consenti à la SCI Les Anémones un crédit-bail portant sur un immeuble destiné à être exploité comme hôtel, que, par ce même acte, la SCI Les Anémones, en cours de formation, représentée par Mme Y... a consenti une sous-location de l'immeuble à la société Them dont Mme Y... est également présidente du conseil d'administration, qu'elle a délégué le montant des loyers de la sous-location au crédit-bailleur à titre de nantissement et a subrogé le crédit-bailleur par préférence à elle-même jusqu'à concurrence des sommes dues pour quelque cause que ce soit à raison du contrat de crédit-bail dans tous ses droits et actions et privilèges ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société Them, n'ignorait pas la délégation de créance née du crédit-bail et l'avait tacitement acceptée, la cour d'appel, qui a recherché l'intention commune des parties en analysant l'ensemble des dispositions du contrat de crédit-bail, et qui n'a pas dénaturé les termes du litige, a répondu au moyen invoqué par la deuxième branche et a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches :

Vu les articles 1275 et 1134 du code civil ;

Attendu que pour admettre la créance de la société Natiocrédibail qui portait, notamment, sur des indemnités d'occupation, la cour d'appel retient que par l'acte du 30 décembre 1988 la société Them a affecté le fonds qu'elle exploite en nantissement au profit du crédit-bailleur pendant toute la durée du crédit-bail et que la créance porte sur les sommes dues en vertu de ce contrat de crédit-bail ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi par des motifs impropres à établir que l'affectation du nantissement du fonds de commerce au crédit-bailleur était faite en garantie du paiement, outre des loyers dus par la société Them à la SCI Les Anémones, des indemnités d'occupation dues par la SCI Les Anémones, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne la société Natiocrédibail aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille sept.

Retourner en haut de la page