Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 23 mai 2007, 04-17.473, Inédit
Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 23 mai 2007, 04-17.473, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 04-17.473
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 23 mai 2007
Décision attaquée : cour d'appel d'Agen (1re chambre) 2004-03-01, du 01 mars 2004- Président
- Président : M. WEBER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Donne acte à la société Nardi Partecipazioni SRL du désistement de son pourvoi principal ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 1er mars 2004), que la société Parquets Marty, assurée auprès de la société Axa France, fabrique des parquets à partir de bois d'essences diverses nécessitant un séchage préalable ; qu'elle a passé commande, à plusieurs reprises, à la société Nardi, de cellules de séchage fixées sur des plates-formes en béton réalisées par M. X..., assuré auprès de la société Préservatrice foncière assurances (PFA), aux droits de laquelle se trouve la société Assurances générales de France (AGF) ; que le béton utilisé a été fourni par la société Béton chantiers du Lot ; que des désordres étant apparus sur cet ensemble, sous la forme de corrosion affectant les parties métalliques et le béton, due à la formation d'acides provenant des essences de bois séchés, la société Parquets Marty a assigné les divers intervenants à cette opération en réparation de son préjudice, tandis que la société Axa France est intervenue volontairement à l'instance afin d'obtenir dédommagement des avances qu'elle a consenties à son assurée ; Sur le premier moyen du pourvoi provoqué de la société AGF : Attendu que la société AGF fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir M. X... des condamnations prononcées à son encontre et ce, à hauteur de 169 893,02 euros, alors, selon le moyen : 1 / que la garantie décennale des constructeurs ne joue qu'à l'égard des ouvrages, c'est-à-dire des constructions ou travaux faisant appel aux techniques du bâtiment ou de génie civil ; que pour affirmer que les travaux réalisés par M. X... nécessitaient de recourir aux techniques du bâtiment, la cour d'appel s'est bornée à relever que "la construction des séchoirs est réalisée sur une dalle en béton qui constitue le sol des séchoirs et par assemblage d'éléments en aluminium" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'installation des séchoirs litigieux nécessitait de recourir aux techniques du bâtiment ou de génie civil, et, par conséquent, à caractériser leur qualité d'ouvrage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792 du code civil ; 2 / que la garantie décennale des constructeurs ne joue qu'à l'égard des désordres qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'il est constant et incontesté que les séchoirs litigieux ont été utilisés sans interruption depuis leur installation entre 1987 et 1992 ; que pour justifier la condamnation de M. X... sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la cour d'appel, qui a statué plus de dix ans après la livraison des dernières cellules, a énoncé que "l'expert précise dans son rapport que la formation d'acides acétique et formique, provenant des essences de bois séchés, est à l'origine de la corrosion de l'aluminium et du béton et que pour faire face à ces problèmes, la société Marty a fait des réparations en plus de la maintenance classique au fur et à mesure que les avaries apparaissaient afin d'éviter de compromettre l'étanchéité et l'isolation des séchoirs et qu'ils ne deviennent pas impropres à leur destination" et a affirmé que "ces éléments démontrent que les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination" ; qu'en statuant ainsi, sur le seul fondement de constatations de l'expert relatives à un risque futur d'impropriété, dans un délai indéterminé, sans dire sur quel élément elle se fondait pour affirmer que ce risque s'était effectivement réalisé au stade actuel, pour chacune des cellules de séchage en cause, et rendait celles-ci impropres à leur destination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792 du code civil ; 3 / que l'irrésistibilité de l'événement caractérise à elle seule la force majeure ; que, dans ses conclusions récapitulatives, la société AGF faisait valoir que, selon le rapport de l'expert, le phénomène de corrosion en cause était un problème international affectant l'ensemble de l'industrie de la transformation du bois, auquel aucune solution définitive n'a encore été trouvée ; que, pour écarter la force majeure, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il appartenait à M. X..., en tant que professionnel, de mettre en oeuvre une qualité de béton susceptible de répondre aux exigences de l'environnement ambiant au besoin en recourant à un bureau d'étude ; qu'en statuant par ces seuls motifs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le phénomène en cause n'était pas irrésistible en l'état des connaissances actuelles, la cour dappel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792 du code civil ; Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait du rapport d'expertise et des explications des parties que la construction des séchoirs à bois était réalisée sur une dalle de béton constituant le sol et par assemblage d'éléments en aluminium, nécessitant le recours à des techniques du bâtiment, constaté que si les séchoirs avaient pu être utilisés malgré les désordres les affectant, c'était en raison des réparations effectuées au fur et à mesure par la société Parquets Marty, en plus de la maintenance habituelle, afin d'éviter que les installations ne deviennent impropres à leur destination, et retenu que la société Nardi connaissait les exigences et les conditions opératoires des procédures de séchage du bois, pour les satisfaire, que M. X..., qui avait accepté de réaliser les dalles de béton, devait, en sa qualité de professionnel, mettre en oeuvre une qualité de béton susceptible de répondre aux exigences de l'environnement ambiant en faisant, éventuellement, appel à un bureau d'études, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que les séchoirs constituaient des ouvrages et que la responsabilité de plein droit des constructeurs était engagée en application de l'article 1792 du code civil, sans que la preuve soit rapportée d'une cause étrangère exonératoire, a légalement justifié sa décision de ce chef ; Sur le second moyen du pourvoi provoqué de la société AGF et le moyen unique du pourvoi provoqué de M. X..., réunis : Attendu que M. X... et la société AGF font grief à l'arrêt de les débouter de leur appel en garantie formé à l'encontre de la société Béton chantiers du Lot, alors, selon le moyen : 1 / que la réception sans réserve de la chose vendue ne peut couvrir que les défauts apparents de conformité ; qu'en énonçant, pour débouter la compagnie AGF et M. X... de leur action en garantie contre la société Béton chantiers du Lot, qu'en l'absence de réserve sur les bons de livraison versés aux débats par la société Béton chantiers du Lot, M. X... ne rapportait pas la preuve d'une non-conformité du béton livré, sans constater que le défaut de conformité affectant le béton fourni par cette société ait été apparent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du code civil ; 2 / que les juges doivent en toutes circonstances respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office l'absence de recours par M. X... à un bureau d'études sans provoquer au préalable les explications des parties sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ; 3 / qu'il ne pèse sur l'entrepreneur aucune obligation de recourir à un bureau d'études ; que l'absence de cet intervenant ne peut, dès lors, que renforcer l'obligation pesant sur le fabricant en matière d'information et de conseil ; qu'en se fondant sur la seule absence de bureau d'études pour dénier à M. X... la possibilité de se prévaloir d'un manquement à son obligation de conseil par la société Béton chantiers du Lot, la cour d'appel a violé les articles 1135 et 1147 du code civil ; 4 / que tout vendeur d'un produit doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s'informer des besoins de son acheteur, et informer celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché, peu important que l'acquéreur puisse prendre les conseils d'un tiers ; qu'en retenant, pour décharger la société Béton chantiers du Lot de son devoir de conseil, qu'il appartenait à M. X... de solliciter l'avis d'un bureau d'études, la cour d'appel a déduit un motif inopérant ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1147 du code civil ; Mais attendu qu'ayant retenu que M. X..., professionnel de la construction, devait mettre en oeuvre une qualité de béton susceptible de répondre aux exigences de l'environnement ambiant et relevé qu'il résultait du rapport d'expertise que M. X... aurait dû prendre en compte les préconisations de la norme AFNOR P 18-011 ce qui l'aurait conduit à utiliser un béton d'une résistance supérieure, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant, a pu en déduire que M. X... ne pouvait faire grief à la société Béton chantiers du Lot d'avoir manqué à son obligation de conseil, en sa qualité de fournisseur du béton ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois provoqués ; Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Nardi Partecipazioni SRL à payer à la société Parquets Marty la somme de 2 000 euros, à M. X... la somme de 2 000 euros et à la société Axa France la somme de 2 000 euros ; rejette les autres demandes de ce chef ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille sept.