Cour de cassation, Chambre criminelle, du 5 septembre 1988, 86-95.187, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le cinq septembre mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GONDRE, les observations de Me BARBEY et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard -

contre un arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9° chambre correctionnelle, en date du 26 juin 1986, qui, pour fraude fiscale et omission de passation d'écritures en comptabilité, l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743, 1745 du Code général des impôts, L. 228 et L. 230 du livre des procédure fiscales, 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a décidé que l'action publique n'était pas prescrite ; "aux motifs que la commission des infractions fiscales a été saisie le 20 octobre 1981, a émis son avis le 21 décembre 1981 et que l'administration a déposé plainte le 29 décembre 1981 ; que les pièces produites font voir que le prévenu a été avisé de la saisine de la commission à son adresse le 3 novembre 1981 et qu'il n'a pas réclamé le pli ; que les conclusions du prévenu sont inopérantes et mal fondées notamment en ce qui concerne les modalités de la présentation de la lettre recommandée par le préposé des postes ; "alors que dans un chef péremptoire de ses conclusions demeurées sans réponse, le prévenu a fait valoir que la preuve de ce qu'il avait été régulièrement avisé de la saisine de la commission ne peut résulter de la seule production de l'enveloppe revêtue de deux cachets datés du bureau de poste ainsi que de la mention "non réclamée - retour à l'envoyeur" mais seulement de la justification du dépôt du premier avis de passage par le préposé du service des postes et qu'il appartient au service expéditeur d'en établir la réalité par la production d'une attestation de l'administration postale ; qu'à défaut d'information régulière du prévenu de la saisine de la commission, il s'est trouvé privé du droit d'assurer sa défense, et que l'action publique a été irrégulièrement mise en oeuvre à la suite de l'avis irrégulier de la commission des infractions fiscales, de sorte que l'action se trouvait atteinte par la prescription" ; Attendu que Bernard X..., gérant de la SARL "French Electronic Corporation" (FEC) a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour omission de passation d'écritures en 1977 et 1978, fraude à la TVA du 1er décembre 1977 au 31 décembre 1978, fraude à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu au titre des années 1977 et 1978 ;

Attendu que pour écarter l'exception de prescription en ce qui concerne les chefs de la prévention autres que l'omission de passation d'écriture en 1977, la cour d'appel, après avoir relevé que la commission des infractions fiscales, saisie le 20 octobre 1981, a émis un avis favorable aux poursuites le 21 décembre 1981, énonce que la plainte de l'administration des impôts, en date du 29 décembre 1981, a été déposée conformément aux dispositions de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, avant l'expiration de la troisième année qui a suivi celle au cours de laquelle les infractions ont été commises ; Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, 2 de la loi du 29 décembre 1977, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures ; "aux motifs adoptés des premiers juges que l'intention délictuelle exigée par l'article 2 de la loi du 29 décembre 1977 résulte de la persistance du prévenu à envoyer, en dehors des délais prescrits, des déclarations de chiffre d'affaires et de résultats de sa société et à en minorer le montant, et ce malgré des mises en demeure et une précédente vérification ; "alors que l'article 2-1 de la loi du 29 décembre 1977 met à la charge des parties poursuivantes la preuve du caractère intentionnel de la soustraction ou de la tentative de soustration à l'établissement et au paiement des impôts visée par les articles 1741 et 1743 du Code, que l'intention délictuelle du prévenu ne pouvait résulter du seul établissement au sein de la société de déclarations tardives et minorées, sans que soit prouvé ni la participation personnelle du prévenu à l'établissement et à l'envoi des déclarations, ni sa connaissance du caractère minoré des déclarations de la société" ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que, pour déclarer Bernard X... coupable de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures en comptabilité, les juges énoncent que la SARL "FEC", dont le prévenu était le gérant, n'a pas déposé de déclaration de résultat pour l'exercice 1978, qu'elle a déposé hors délai celle relative à l'exercice 1977, qu'elle n'a pas fait connaître à l'administration les noms des bénéficiaires des distributions, que les déclarations concernant la TVA ont, pour la plupart, été déposées avec retard, que le livre d'inventaire n'a pas été ouvert et que le journal général n'a pas été tenu ;

Qu'ils observent que les déclarations produites ne reflètent pas la réalité des opérations commerciales, que le chiffre d'affaires arreté par le comptable est supérieur à celui reconstitué par l'administration, que les versements en espèces effectués sur les comptes bancaires excèdent le montant des recettes déclarées, que les dissimulations de chiffre d'affaires et de résultat dépassent la tolérance légale ; Qu'ils ajoutent que l'intention délictuelle du prévenu se déduit de la persistance de celui-ci à adresser les déclarations fiscales en dehors des délais prescrits, malgré les mises en demeure, et à minorer les recettes ainsi que les résultats, malgré une précédente vérification ; qu'ils soulignent enfin que les dissimulations constatées ont donné lieu à autant d'omissions d'écritures en comptabilité ; Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui relèvent de son appréciation souveraine des circonstances de la cause soumises au débat contradictoire, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments, y compris intentionnel, les infractions reprochées ; D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1745 du Code général des impôts, 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le prévenu serait solidairement tenu avec la société au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes, sans motiver sa décision, ni répondre aux motifs péremptoires des conclusions du prévenu tendant à ce qu'il ne lui soit pas fait application de la solidarité et soulignant que celle-ci n'est que facultative pour le juge" ; Attendu que pour dire, sur la demande de l'administration, que Bernard X... sera solidairement tenu avec la société "FEC" au paiement des impôts fraudés ainsi que des pénalité fiscales y afférentes, et rejeter les conclusions du prévenu tendant à ce qu'il soit tenu compte de l'enrichissement des associés pour apprécier l'étendue de la solidarité, l'arrêt énonce que le juge répressif ne peut intervenir, même indirectement, dans la détermination de l'assiette de l'impôt en cantonnant la solidarité ; Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ; Qu'en effet, en vertu de l'article 1745 du Code général des impôts, il appartient au juge repressif, dont la décision n'a pas a être spécialement motivée sur ce point, d'apprécier souverainement s'il y a lieu d'ordonner la solidarité pour le paiement des impôts fraudés et des pénalités fiscales y afférentes, entre le redevable légal de l'impôt et celui qui a été condamné par application des articles 1741 et 1743 du même Code ; Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi

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