Cour de cassation, Chambre criminelle, du 2 mars 1988, 87-81.652, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le deux mars mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MALIBERT, les observations de la société civile professionnelle Philippe et Claire WAQUET et FARGE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Marcel,

- X... Yvette, épouse Y...,

contre un arrêt de la cour d'appel de RENNES, chambre correctionnelle, en date du 27 février 1987 qui les a condamnés chacun à 5 000 francs d'amende, le premier pour vol, la seconde pour recel ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen de cassation, pris de la violation des articles 379 du Code pénal, 716 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y... et Mme Y... à la peine de 5 000 francs d'amende chacun, respectivement des chefs de vol et de recel ; " aux motifs, d'une part, que différents éléments démontrent que les bons du Trésor, découverts par eux dans l'appartement qu'ils avaient acquis de la succession de Mme Z..., et négociés par eux, étaient la propriété de Mme Z... ; que la vente ne portait que sur des droits et biens immobiliers et ne saurait valoir renonciation des héritiers à ces titres, comme le révèlent les fouilles qu'ils ont effectuées dans l'appartement pour les retrouver ; " aux motifs, d'autre part, que le comportement ultérieur des deux prévenus démontre à lui seul leur connaissance du caractère frauduleux de la soustraction commise et une volonté immédiate d'appropriation en fraude aux droits des deux héritiers ; " alors que, d'une part, le fait pour des héritiers de vendre sans réserve l'appartement de leur auteur après y avoir cherché en vain le trésor qu'ils y croyaient caché implique nécessairement de leur part renonciation à la propriété de cet éventuel trésor, renonciation sur laquelle ils ne pouvaient plus revenir après la découverte de ce trésor par d'autres qu'eux-mêmes ; que la cour d'appel ne pouvait donc décider, à la faveur notamment de l'attitude des héritiers après leur renonciation, que ceux-ci étaient demeurés propriétaires des bons du Trésor découverts après la vente par les acquéreurs ;

" alors que, d'autre part, l'intention frauduleuse en matière de vol s'entend de la volonté de soustraire la chose d'autrui, et donc de la connaissance que la chose appartient effectivement à autrui ; que l'arrêt attaqué qui ne s'explique pas sur l'erreur commise par les époux Y... à propos de la notion de " trésor " au sens du droit civil, ni sur la circonstance que ceux-ci ont pu légitimement croire que la règle posée par l'article 716 du code civil s'appliquait à toute chose trouvée, et non pas seulement à une chose dont l'appropriation antérieure n'est pas possible, n'a pas caractérisé l'intention coupable des prévenus et se trouve privé de toute base légale " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'ayant entrepris dès le 5 avril 1984 la rénovation de l'appartement dépendant de la succession de la veuve Z... que lui-même et son épouse Yvette X..., avaient acquis le 3 avril précédent, Marcel Y... découvrait au cours de la démolition d'un placard un paquet contenant 133 bons du Trésor d'un valeur nominale de 10 000 francs et 9 autres d'une valeur nominale de 1 000 francs ; que le jour même, après examen et inventaire par les deux époux, les bons étaient déposés d'un commun accord entre eux dans un coffre bancaire ; que le lendemain 6 avril 1984, trois premiers bons venus à échéance étaient négociés par Yvette X... puis jusqu'au début du mois de juillet 1985, par l'un ou l'autre des époux, 30 autres pour un montant total de 390 987 francs utilisés d'ailleurs en partie pour régler le prix d'achat de l'appartement ; Attendu que pour déclarer Marcel Y... et Yvette X... coupables respectivement de vol et de recel de vol, les juges d'appel énoncent que " la veuve Z... était bien la propriétaire des bons du Trésor " ainsi que l'établissent notamment d'une part la découverte dans l'appartement vendu, domicile de l'intéressée, des bordereaux d'achat desdits bons et d'autre part des confidences faites à des tiers sur la possession d'un " magot ", éléments qui avaient d'ailleurs entraîné de la part des héritiers des recherches demeurés vaines ; qu'au décès de la propriétaire les bons sont entrés dans le patrimoine de ses héritiers, lesquels n'ont à aucun moment entendu en céder la propriété " ; que dès lors si les bons étaient cachés en un lieu ignoré, ils ne sauraient constituer un trésor au sens de l'article 716 du Code civil " ; que " la vente intervenue, portant expressément sur des droits et biens immobiliers ne saurait, même en l'absence de clause expresse de réserve de propriété " valoir vente ou renonciation des héritiers à tout droit sur ces titres " ;

Attendu que par ces énonciations et constatations déduites souverainement des éléments de preuve soumis aux débats contradictoires et qui, abstraction faite de motifs surabondants, caractérisent à la charge des prévenus la soustraction frauduleuse et le recel d'objets mobiliers appartenant à autrui, la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;

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