Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 22 mai 2007, 05-17.082, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° W 05-17.082, formé par la société Soprema, et n° J O5-18.750, formé par la société Efisol, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mai 2004), que l'entreprise générale, chargée de la réalisation d'une maison d'accueil pour personnes âgées, a sous-traité le lot étanchéité à la société Soprema, qui

a utilisé des panneaux d'isolation thermique, fournis par la société Efisol, assurée auprès de la société GAN eurocourtage IARD, lesquels ont subi une déformation ayant entraîné des déchirures du complexe d'étanchéité ; que la société Soprema et la société Efisol ont été déclarées responsables in solidum à l'égard du maître de l'ouvrage des dommages ainsi causés ; que la société Efisol a été condamnée à garantir la société Soprema de la moitié de la condamnation prononcée ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° W 05-17.082 :

Attendu que la société Soprema fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Efisol à la garantir à concurrence de la seule somme correspondant à la moitié de 12 769,73 euros, rejetant ainsi sa demande tendant à voir condamner la société Efisol à supporter l'intégralité du coût des reprises, outre les dommages-intérêts en réparation du trouble commercial généré par les désordres résultant du défaut d'étanchéité de panneaux isolants fabriqués par cette société ;

Mais attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Soprema fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le fabricant est tenu envers son cocontractant d'une obligation d'information et de conseil ; que le défaut d'information ou la diffusion d'une information erronée quant aux conditions d'emploi du matériau fabriqué et aux précautions à prendre, engage la responsabilité du fabricant dès lors que l'utilisateur n'a pu faire un usage correct du matériau, conforme à sa destination ; que cette obligation d'information et de conseil demeure quand bien même le fabricant d'un matériau destiné à la construction justifie d'un avis technique favorable à celui-ci donné par le CSTB sur la seule base des informations qui ont été préalablement transmises par ce fabricant ; qu'en énonçant que la société Efisol ne pouvait se voir reprocher un manquement à son devoir d'information et de conseil quand bien même la méthode de pose dite en "semi-dépendance" préconisée par le fabricant et mise en oeuvre par la société Soprema s'avérait manifestement inappropriée, au seul motif que la société Efisol justifiait lors de la vente des matériaux, d'un avis technique favorable émanant du CSTB avis supprimé par la suite en raison des multiples désordres provoqués par l'inadaptation du mode de pose expressément préconisé par le fabricant, la cour d'appel a violé les articles 1602 et 1615 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le devoir d'information auquel est tenu le fabricant envers son client ne peut être apprécié à la lumière de sinistres postérieurs à la date de la vente et que, lors de la vente intervenue en 1990, la pose en semi-indépendance sous étanchéité auto-protégée préconisée par la société Efisol faisait l'objet d'un avis technique favorable du CSTB, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que les inconvénients du mode de pose retenu n'étaient pas alors connus, a pu en déduire que la société Efisol n'avait pas violé son devoir d'information ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Soprema fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le fabricant est tenu de connaître les vices de la chose qu'il commercialise ; qu'en ne recherchant pas, bien qu'y ayant été expressément invitée, si la société Efisol ne devait pas supporter seule les conséquences des désordres nés de ce que les panneaux d'isolation étaient réactifs à la présence d'humidité sous-jacente et se déformaient sous l'effet de celle-ci, d'où il résultait que ces panneaux, impropres à l'usage auquel ils étaient destinés, étaient affectés d'un vice caché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les panneaux litigieux remplissaient parfaitement leur office là où il n'existait aucune humidité sous-jacente, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Soprema fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que le juge doit en toutes circonstances respecter le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever d'office un moyen de droit sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en énonçant que la directive UEA tc "pour l'agrément des systèmes isolants supports d'étanchéité pour toitures plates et inclinées" avait pour seul objet de contrôler la durabilité du matériau aux températures limites conventionnelles et non des risques de déformation des matériaux à ces mêmes températures, la cour d'appel a relevé d'office un moyen de droit et a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que manque à son obligation de délivrer un produit conforme à sa destination le fabricant qui commercialise un matériau destiné à la construction sans avoir procédé au préalable aux expérimentations explicitement imposées par la directive fixant les normes de fabrication de ce produit ; qu'en énonçant qu'il importait peu que la société Efisol ait ou non respecté les normes de fabrication imposées par la directive UEA tc "pour l'agrément des systèmes isolants supports d'étanchéité pour toitures plates et inclinées" applicable en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que c'est sans violer le principe de la contradiction que la cour d'appel, saisie d'un moyen tiré du défaut de respect par la société Efisol des normes d'expérimentation du produit telles que fixées par l'article 2-31 de la directive UEA tc, a apprécié l'objet de ce texte ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que l'article précité concernait les tests de durabilité du matériau aux températures limites conventionnelles de service tandis que le litige portait non pas sur la durabilité du produit mais sur sa déformation sous l'effet de la vapeur, la cour d'appel, qui a retenu qu'à supposer non respectée la norme invoquée, le lien de causalité entre cette violation et le dommage n'était pas établi, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° J O5-18.750 :

Attendu que la société Efisol fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir la société Soprema à concurrence de la moitié des sommes de 10 769, 76 euros et 2 000 euros payées par elle, alors, selon le moyen :

1 / que l'obligation d'information du fabricant à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés ; qu'en constatant que la société Soprema était " hautement spécialisée dans les travaux d'étanchéité ", pour néanmoins reprocher à la société Efisol de n'avoir pas attiré son attention spécialement sur la sensibilité des panneaux litigieux à l'action conjuguée de l'humidité et de la chaleur, en cas de pénétration accidentelle d'eau dans le complexe d'étanchéité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1602 du code civil ;

2 / que l'arrêt constate que "là où il n'existe aucune humidité sous-jacente, (le panneau) remplit parfaitement son office", que " s'il n'y avait pas eu les entrées d'eau par les joints de façade et les perforations du complexe d'étanchéité lors du capotage de la VMC, les panneaux EFISOL seraient restés plans " et que " la société Soprema, quoi qu'elle en dise, n'est pas exempte de faute dans cette affaire alors qu'elle est hautement spécialisée dans les travaux d'étanchéité puisqu'elle n'a pas respecté les consignes de collage à plein du matériau, telles qu'elles ressortissent des DTU et règles de l'art, pour lui préférer un collage par plots", ce dont il résultait que les déformations des panneaux étaient exclusivement consécutives à des défaillances de mise en oeuvre des panneaux par la société Soprema et à l'intervention des sociétés Duchemin et Sofat ; qu'en retenant la responsabilité de la société Efisol pour la moitié des désordres, nonobstant l'absence de lien de causalité entre le défaut d'information qui lui était reproché, et le gonflement des panneaux ayant conduit aux désordres, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1602 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la compétence de la société Soprema, spécialisée dans le domaine des travaux d'étanchéité, que la cour d'appel a retenu que la société Efisol, qui lui vendait des panneaux d'isolation thermique, avait violé son devoir d'information en ne la mettant pas en garde contre la sensibilité extrême de ces produits à l'effet de la vapeur d'eau ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le collage à plein, auquel n'avait pas procédé la société Soprema, empêchait la pénétration d'eau au contact des panneaux et que l'indication de leur sensibilité extrême à l'effet de la vapeur d'eau aurait été de nature à informer les utilisateurs sur les risques de condensation ou d'infiltrations ponctuelles, la cour d'appel a pu en déduire que la part de responsabilité de la société Efisol dans les conséquences dommageables que la vulnérabilité de ses produits avait entraînées était de 50 % ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille sept.

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