Cour de Cassation, Chambre sociale, du 26 mai 2004, 02-40.395, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Z 02-40.395, A 02-40.557 et M 02-41.119 ;

Donne acte à Mme X... de son désistement de pourvoi ;

Sur le moyen unique des pourvois des salariés :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 14 décembre 2001) d'avoir débouté MM. Y..., Z..., A..., B..., C..., D... et Mmes E... et F... de leur demande tendant à ce que le licenciement pour faute lourde prononcé à leur encontre par la société Klinos Ile-de-France soit déclaré nul en application des articles L. 122-45 et L. 521-1 du Code du travail alors, selon le moyen :

1 / que la partie sur laquelle repose la charge de la preuve ne peut se constituer de preuve à elle-même ; qu'il incombe à l'employeur de démontrer la réalité du fait imputé à faute lourde, ainsi que l'imputabilité de cette faute au salarié licencié pris individuellement ; que la cour d'appel, qui a relevé que l'identification des exposants dont les noms étaient mentionnés dans les constats d'huissier avait été faite par l'employeur (arrêt p. 11, dernier alinéa) aurait dû en déduire que cette identification constituait une preuve faite par l'employeur à lui-même, et qu'en conséquence, celui-ci ne rapportait pas la preuve de la faute lourde qu'il alléguait à l'encontre de chacun des salariés ainsi identifiés ; qu'en décidant le contraire au motif inopérant que l'huissier ne pouvait procéder à des mesures de contrôle d'identité par la contrainte, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé, par refus d'application, les articles 1315 du Code civil, L. 122-45 et L. 521-1 du Code du travail ;

2 / qu'en considérant, qu'à la différence des demandeurs, Mme X... apportait la preuve de son absence du piquet de grève pendant les constats par la production aux débats d'un certificat médical et d'un acte de décès, la cour d'appel, qui a ainsi mis à la charge des salariés grévistes la preuve qu'ils n'avaient pas commis la faute lourde qui leur étaient reprochée, a, de nouveau, inversé la charge de la preuve en violation des articles L. 122-45 et L. 521-1 du Code du travail et 1315 du Code civil ;

3 / que la grève est présumée licite ; que la faute lourde doit être démontrée par l'employeur ; qu'elle génère un préjudice distinct de la gêne nécessairement occasionnée à l'entreprise par l'exercice normal du droit de grève ; qu'en déduisant de la seule absence de propreté des lieux une obstruction continue des exposants à l'intervention de l'équipe de substitution, quand cette absence de propreté était présumée découler de l'exercice normal du droit de grève, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 122-45 et L. 521-1 du Code du travail et 1315 du Code civil ;

4 / que la faute lourde est une faute caractérisée, d'une gravité particulière révélant l'intention de nuire, qui ne peut être excusée par les circonstances et qui doit être appréciée dans chaque cas individuel ; que le préjudice causé par la faute lourde est distinct de la réduction de la production inhérente à l'exercice normal du droit de grève ;

que l'atteinte à la liberté du travail ne constitue pas une faute lourde lorsqu'elle est de courte durée et qu'elle consiste en une participation à un piquet de grève ayant momentanément empêché d'intervenir une équipe de substitution envoyée par une filiale du groupe dont faisait partie l'employeur, en l'absence d'atteinte à la liberté de ne pas faire grève des salariés non grévistes de l'entreprise ; qu'en se bornant à constater que les exposants s'étaient, chacun une fois lors d'un constat d'huissier, interposés entre les accès au site et l'équipe de substitution d'une filiale du groupe ou sa balayeuse, sans relever aucun fait de nature à ôter aux salariés non grévistes de l'entreprise de la liberté de faire grève ou de ne pas faire grève, ni même à désorganiser l'entreprise mais seulement la production, la cour d'appel, qui n'a caractérisé l'existence d'aucune faute lourde, a violé les articles L. 122-45 et L. 521-1 du Code du travail ;

5 / qu'un abus commis par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction de l'entreprise peut retirer aux agissements des salariés grévistes le caractère d'une faute lourde ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitaient les demandeurs dans leurs conclusions d'appel, si le refus par la société Klinos Ile-de-France de participer à une réunion de médiation avec l'inspecteur du travail et les représentants du personnel sollicités par l'Union Syndicale de La Défense CGT ne retirait pas aux agissements reprochés aux exposants le caractère de faute lourde, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-45 et L. 521-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a constaté que les salariés grévistes, dont l'identité était établie par les éléments soumis à son appréciation, avait interdit l'accès des lieux de travail aux salariés non grévistes et qu'ils avaient persisté dans cette obstruction en dépit de la décision du juge des référés leur enjoignant de cesser d'occuper les accès du chantier ; qu'elle a pu déduire de ses constatations et énonciations, en l'absence de manquement grave et caractérisé de l'employeur à ses obligations, que le comportement de chacun des intéressés constituait une faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de Mme X... était, à défaut de faute lourde imputable à celle-ci, nul de plein droit, d'avoir ordonné sous astreinte la poursuite du contrat de travail de la salariée et d'avoir condamné la société Klinos Ile-de-France à lui verser des sommes à titre de rappel de salaires et au titre des primes de fin d'année, alors, selon le moyen, qu'en se déterminant selon ses propres constatations au vu d'une pièce produite aux débats la veille de l'audience, sans dès lors que la société Klinos Ile-de-France ait pu être en mesure d'analyser cette pièce ni d'en rechercher la crédibilité, la cour d'appel a violé les articles 16 et 132 du nouveau Code de procédure civile, ensemble le principe du contradictoire ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'employeur ait invoqué devant les juges d'appel la tardiveté de la production d'un élément de preuve par la salariée ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Klinos à payer à Mme X... la somme de 1 500 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille quatre.

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