Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 25 février 2004, 02-20.481, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 septembre 2002), que MM. André et Jacques X... ont assigné la commune de Mosset en revendication de propriété des parcelles situées sur cette commune au lieudit "Le Village" et en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de constater que la commune de Mosset est propriétaire par prescription acquisitive de la place de l'Aire, alors, selon le moyen :

1 / que, selon les dispositions des articles 2228 et 2229 du Code civil, pour pouvoir prescrire il faut une possession à titre de propriétaire, la possession étant exercée personnellement ou par un autre qui la tient ou l'exerce au nom du possesseur, et que si, en vertu de l'article 2227 du Code civil, les personnes publiques peuvent opposer les mêmes prescriptions que les particuliers, et donc se prévaloir du bénéfice de la prescription de l'article 2262 du Code civil, les faits de possession invoqués par une commune doivent être imputables à ses représentants, élus ou agents, ou aux personnes agissant en son nom, et ne sauraient en revanche résulter d'actes accomplis par des tiers ; qu'en l'espèce, en se fondant sur l'utilisation par le public de la place en cause, pour retenir l'existence d'actes caractérisant une possession trentenaire de la commune de Mosset, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2 / que, selon les dispositions des articles 2228 et 2229 du Code civil, pour pouvoir prescrire il faut une possession à titre de propriétaire, la possession étant exercée personnellement ou par un autre qui la tient ou l'exerce au nom du propriétaire ; que les actes de passage accomplis par le propriétaire d'un fonds enclavé au titre d'une servitude de passage résultant des articles 682 et suivants du Code civil, ne sauraient être regardés comme des actes de possession accomplis à titre de propriétaire ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la topographie des lieux, d'où il ressort que plusieurs immeubles bâtis donnent sur cette place, qui est leur seul accès à la voie publique et qui est donc d'usage commun aux riverains, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les intimés dans leurs conclusions, si les actes de passage accomplis par les riverains ne disposant pas d'un accès direct à la voie publique, ne l'étaient pas au titre d'une servitude de passage et ne pouvaient donc être accomplis au nom de la commune en qualité de propriétaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

3 / que, selon les dispositions de l'article 2229 du Code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession à titre de propriétaire ; que les personnes publiques peuvent être conduites à entreprendre, sur des propriétés privées, des travaux publics, à savoir des travaux de nature immobilière effectués dans un but d'intérêt général, pour la réalisation d'une mission de service public, sans que de tels travaux manifestent la volonté de la collectivité publique de se comporter comme propriétaire du fonds sur lequel sont réalisés les travaux ; qu'en l'espèce, en se bornant à constater la réalisation de travaux de goudronnage de la place, d'éclairage public et de restauration d'un mur de soutènement, travaux susceptibles d'être effectués par une personne publique sur une propriété privée dans un but d'intérêt général, sans constater que ces travaux avaient été accomplis par la commune de Mosset en se considérant comme propriétaire de la place, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

4 / que, selon les dispositions de l'article 2229 du Code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession à titre de propriétaire ; que les personnes publiques, auxquelles incombe la responsabilité des services publics de desserte en eau et d'assainissement, peuvent implanter des canalisations d'eau et d'assainissement sous des terrains et voies privées, grevés à cet effet d'une servitude légale en vertu de l'article L. 162-6 du Code de la voirie routière et de l'article 1er de la loi n° 62-904 du 4 août 1962 (article L. 152-1 du nouveau Code rural) ; qu'en se bornant en l'espèce à constater, pour retenir l'existence d'actes de possession trentenaire, la réalisation de ces travaux d'implantation de canalisations, sans rechercher si de tels travaux avaient été effectués non pas à titre de propriétaire, mais sur le fondement d'une servitude légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

5 / que toute décision juridictionnelle doit, à peine de nullité, être motivée, en vertu des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en l'espèce, les intimés faisaient valoir dans leurs conclusions du 31 mai 2002 un moyen tiré de l'aveu extrajudiciaire que constituait l'attestation en date du 24 août 1987 émanant de M. Y..., ancien maire de la commune de Mosset de 1947 à 1981, selon lequel la place en cause avait toujours été la propriété des consorts X... Z... et la circonstance que celui-ci ait fait procéder à son goudronnage n'en altérait pas la propriété ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision et a méconnu les dispositions susvisées ;

6 / que toute décision juridictionnelle doit, à peine de nullité, être motivée, en vertu des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en l'espèce, les intimés faisaient valoir dans leurs conclusions du 31 mai 2002 que le tribunal de grande instance de Perpignan par jugement du 14 novembre 1991 avait condamné M. Sire, voisin de Mme Jacqueline X... , et reconnu la propriété de cette dernière sur la parcelle en cause, aux motifs notamment que n'était pas rapportée la preuve de ce que la commune aurait acquis la propriété de la parcelle litigieuse, le fait de goudronner une aire, d'y installer l'éclairage ou l'évacuation des eaux, puis une plaque la baptisant "place" ne pouvait être considéré comme une possession non équivoque, et que ledit jugement, même frappé d'appel, bénéficiait de l'autorité de chose jugée conformément à l'article 480 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que les consorts X... n'ayant pas soutenu, devant la cour d'appel, que les faits de possession invoqués par une commune devaient être imputables à ses représentants, élus ou agents, ou aux personnes agissant en son nom, et ne sauraient résulter d'actes accomplis par les tiers, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et, partant, irrecevable ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant souverainement retenu que les consorts X... n'établissaient pas leur propriété sur la place de l'Aire par titre, que les actes de possession accomplis par eux sur cette place étaient équivoques et que la commune justifiait d'actes de possession trentenaire par des aménagements publics, un entretien constant et une ouverture au public de la totalité de la place laquelle avait toujours servi au passage public des hommes et des véhicules et était ouverte à la circulation générale sans restriction, la cour d'appel, qui n'était tenue de répondre ni à des conclusions relatives à l'existence d'une servitude de passage que ses constatations rendaient inopérantes, ni à un simple argument et n'était tenue ni de s'expliquer sur une attestation qu'elle décidait d'écarter, ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur le fondement des travaux d'implantation de canalisations effectués par la commune, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à la commune de Mosset la somme de 1 900 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille quatre.

Retourner en haut de la page