Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 8 juillet 2003, 00-16.916, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont acquis, le 29 octobre 1993, un appartement sis à Paris, pour le prix de 5 000 000 francs, soit 22 727 francs le mètres carré ; qu'une notification de redressement leur a été adressée par l'administration fiscale fixant la valeur vénale de l'appartement à 7 700 000 francs, soit 35 000 francs le m ; que la commission de conciliation a estimé la valeur vénale à 6 600 000 francs, soit 30 000 francs le m montant ensuite repris par l'Administration dans l'avis de mise en recouvrement ; qu'ayant vainement contesté le redressement, M. et Mme X... ont saisi le tribunal de grande instance, qui a annulé l'avis de mise en recouvrement et prononcé le dégrèvement des droits ; que le directeur des services fiscaux de Paris-Ouest a fait appel du jugement ;

Sur le premier moyen pris en ses trois branches :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré régulière la procédure de recouvrement engagée à leur encontre en ce qu'elle a pour base l'avis rendu par la commission de conciliation et d'avoir en conséquence rejeté leur demande tendant à la décharge des rappels de droits d'enregistrement et des pénalités y afférentes auxquels ils ont été assujettis, alors, selon le moyen :

1 / que la motivation de l'avis de la commission départementale de conciliation est obligatoire et constitue une formalité substantielle dont le non-respect entraîne l'annulation des impositions maintenues à la charge du contribuable et fondées sur l'avis rendu ; que, pour être motivé l'avis de la commission doit comporter les éléments d'appréciation sur lesquels ladite commission a fondé sa position, de telle manière que le contribuable soit à même de les discuter devant le juge de l'impôt ; que cet avis doit comporter, même succinctement, les éléments d'appréciation qui ont conduit la commission a retenir l'évaluation qu'elle a faite d'un bien, en particulier, lorsque cette évaluation est différente de celle proposée respectivement par l'administration et le contribuable ;

qu'en retenant que l'avis de la commission de conciliation était motivé parce qu'il comportait de manière suffisamment précise la description et les caractéristiques par lot du bien qu'ils ont acquis et qu'il faisait référence, par la formule "compte tenu de ceux-ci", aux éléments de comparaison décrits en annexe, sans avoir recherché si la commission de conciliation avait apprécié l'adéquation de ces éléments de comparaison avec l'appartement dont la valeur vénale était contestée, par des éléments d'appréciation propres, de nature à justifier la valeur vénale qu'elle a retenue et différente de celle avancée par chaque partie, les juges d'appel n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des exigences de l'article R. 60-3 du Livre des procédures fiscales ;

2 / que les éléments de comparaison retenus pour évaluer la valeur vénale d'un immeuble, doivent être intrinsèquement similaires, c'est-à-dire qu'en particulier, les caractéristiques physiques, tels la qualité de construction et l'état d'entretien, des immeubles retenus à titre de comparaison doivent être identiques, indépendamment de l'environnement et de l'emplacement desdits biens par rapport au bien objet du litige ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, ils faisaient valoir que leur appartement de catégorie B était en mauvais état au même titre que les parties communes et la cage d'escalier de l'immeuble, à la différence des éléments de comparaison retenus par l'administration fiscale, de catégorie 2A ou I et que l'avis de la commission départementale de conciliation ne se prononçait pas sur la similitude des constructions et de l'état d'entretien des différents biens considérés ;

qu'en décidant néanmoins que l'avis litigieux était suffisamment motivé sous prétexte qu'il comportait en annexe le descriptif et les caractéristiques de chaque élément de comparaison retenu sans avoir recherché si cet avis précisait que la qualité des constructions et leur état d'entretien étaient similaires à ceux de l'appartement litigieux, les juges d'appel n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des exigences des articles R. 60-3, L. 17 du Livre des procédure fiscales et 666 du Code général des impôts ;

3 / que les éléments de comparaison retenus pour évaluer la valeur vénale d'un immeuble, doivent être intrinsèquement similaires, c'est-à-dire qu'en particulier, les caractéristiques physiques, tels l'état d'entretien, la qualité de la construction et la superficie des immeubles retenus à titre de comparaison, doivent être identiques, indépendamment de l'environnement et de l'emplacement desdits biens par rapport au bien objet du litige ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, ils faisaient valoir que leur appartement de catégorie 2B était en mauvais état au même titre que les parties communes et la cage d'escalier de l'immeuble, à la différence des éléments de comparaison retenus par l'administration fiscale, de catégorie 2A ou I ou d'une superficie moitié moindre, de 85 ou 90 m au lieu de 220 m pour leur appartement ; qu'en considérant néanmoins que les éléments de comparaison retenus étaient suffisamment voisins de leur appartement pour être regardés comme intrinsèquement similaires sans avoir recherché si la qualité de la construction, l'état d'entretien et la superficie des différents biens retenus comme éléments de comparaison étaient similaires à ceux de l'appartement litigieux, les juges d'appel n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des exigences des articles L. 17 du Livre des procédures fiscales et 666 du Code général des impôts ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'avis de la commission départementale de conciliation doit être motivé de manière à permettre aux parties, à défaut d'accord, de poursuivre utilement leur discussion devant le juge au vu des éléments qu'elle a pris en considération ; que l'arrêt constate que l'avis de la commission de conciliation contient de manière suffisamment précise la description par lot, la situation et les caractéristiques du bien acquis par M. et Mme X..., qu'il indique que la commission a statué après avoir procédé à l'audition de l'avocat de ces derniers, de M. X... et de l'inspecteur de la fiscalité immobilière, ce qui lui a permis de connaître la position de chacune des parties et de disposer d'éléments d'information et de réflexion ; que l'arrêt constate encore que se trouvent annexés à cet avis trois termes de comparaison portant sur trois biens immobiliers vendus en janvier, mai et juin 1993, le dernier étant situé dans la même avenue que le bien en cause, dont la situation, les caractéristiques, la description et le prix de cession global et au mètre carré sont précisés, ainsi que deux termes de comparaison complémentaires concernant deux autres biens immobiliers vendus en janvier 1992 et 1993 sis également à la même adresse et présentés avec les mêmes renseignements que les précédents ; que l'arrêt, qui relève que les biens immobiliers qui ont servi de termes de comparaison à la commission sont intrinsèquement similaires, constate en outre que l'avis de la commission fait expressément référence, dans le paragraphe consacré à "l'évaluation", aux termes de comparaison et aux caractéristiques du bien litigieux en précisant que l'évaluation est faite "compte tenu" de ceux-ci, que par l'annexion de ces termes de comparaison à la décision proprement dite, ceux-ci s'y trouvent incorporés et permettent de porter à la connaissance des intéressés les éléments comparatifs qui ont été pris en compte par la commission ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que la troisième branche du moyen vise un motif surabondant ;

Qu'il s'ensuit que le moyen, irrecevable en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé en sa première branche ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles R. 202-1 et R. 202-3 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu qu'en vertu des dispositions combinées de ces textes, dans les instances en matière d'enregistrement, l'expertise est de droit si elle est demandée par le contribuable ou par l'Administration, lorsque l'action tend à contester les décisions prises par l'Administration sur les réclamations relatives notamment à la valeur vénale réelle d'immeubles ;

Attendu qu'en infirmant le jugement sans ordonner de mesure d'expertise, après avoir relevé que M. et Mme X... concluait, à titre principal, à la confirmation de la décision déférée, et, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise, l'arrêt rendu le 17 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne le directeur général des Impôts aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne le directeur général des Impôts à payer à M. et Mme X... la somme globale de 1 800 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille trois.

Retourner en haut de la page