Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 5 février 2002, 98-21.441, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° E 98-21.441 formé par la Pharmacie des Teppes, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 15 septembre 1998 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile), au profit :

1 / de M. Robert Y..., pris en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société Pharmacie des Teppes, demeurant ...,

2 / de M. Jean X..., pris en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société Pharmacie des Teppes, dmeurant ...,

3 / de la Banque nationale de Paris (BNP), société anonyme, dont le siège est ...,

défendeurs à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° Z 98-21.850 formé par la Banque nationale de Paris (BNP),

en cassation du même arrêt rendu au profit :

1 / de la Pharmacie des Teppes,

2 / de M. Robert Y..., ès qualités,

3 / de M. Jean X..., ès qualités,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse au pourvoi n° E 98-21.441 invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n° Z 98-21.850 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 décembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Besançon, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Besançon, conseiller, les observations de la SCP Defrénois et Levis, avocat de Banque nationale de Paris (BNP), de la SCP Ghestin, avocat de la Pharmacie des Teppes, de Me Blanc, avocat de M. Y..., ès qualités, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n° E 98-21.441 formé par la société Pharmacie des Teppes et Z 98-21.850 formé par la Banque nationale de Paris qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 septembre 1998) que la SARL Pharmacie des Teppes (la société), qui exploitait une officine de pharmacie, a été mise en redressement judiciaire le 7 mai 1996 ; que la BNP a déclaré des créances pour les sommes de 13 767 578,23 francs à titre privilégié et nanti et de 3 846,75 francs à titre chirographaire ;

Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Pharmacie des Teppes :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance de la BNP à la somme de 8 405 839,32 francs soit 8 258 654,22 francs en capital et 147 185,10 francs en intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 mai 1996, à titre privilégié en capital et intérêts mais dans la limite de deux années s'agissant de ces derniers, alors, selon le moyen, que selon l'article 4 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt d'argent ; que ce texte a vocation à s'appliquer à toute stipulation d'un intérêt, quel que soit le taux de celui-ci ;

qu'après avoir constaté l'absence de mention écrite d'un taux effectif global dans le contrat de prêt litigieux, la cour d'appel devait, ainsi que cela lui était demandé, constater la nullité de la stipulation d'intérêts et ordonner la restitution des excédents versés ; qu'en substituant le taux légal au taux conventionnel, pour fixer la créance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 1907, alinéa 2, du Code civil, qu'en matière de prêt d'argent à titre onéreux, à défaut d'écrit fixant le taux de l'intérêt conventionnel, le taux légal est applicable ; que la cour d'appel a jugé à bon droit que la BNP pouvait prétendre aux intérêts au taux légal au titre du prêt de 10 460 000 francs ; que le moyen est sans fondement ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en ses trois branches :

Attendu que la société fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que dans ses conclusions d'appel régulièrement signifiées le 24 octobre 1997, elle avait fait valoir qu'une pharmacie d'officine ne pouvait faire l'objet du nantissement prévu par l'article 8 de la loi du 17 mars 1909 de sorte que la BNP ne pourrait en toute hypothèse être admise qu'à titre de créancier chirographaire ; que ce moyen était péremptoire dans la mesure où aux termes de l'article L. 570 du Code de la santé publique, modifié par l'article 40 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987, l'ouverture ou le transfert d'une officine ne peut intervenir sans un acte administratif fondé sur les besoins de la population ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en déclarant par des motifs contradictoires, d'une part, que par acte du 20 octobre 1988, le fonds avait "été donné en nantissement par la SARL Pharmacie des Teppes" et, d'autre part, que "le nantissement donné le 20 octobre l'a été par tous les futurs associés de la SARL en cours de constitution", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que dans leurs conclusions d'appel les parties avaient soutenu que la société Pharmacie des Teppes, qui n'avait été immatriculée au registre du commerce et des sociétés que le 22 novembre 1988, était encore formation lors de l'inscription de nantissement le 20 octobre 1988 et avaient demandé à la cour d'appel de se prononcer sur la régularité du

nantissement d'un fonds en formation ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur la régularité du nantissement d'un fonds en formation, au motif qu'il n'était pas justifié que la société Pharmacie des Teppes n'avait pas acquis la personnalité morale lors de l'inscription de nantissement, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, sans se contredire, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre au moyen inopérant dont fait état la première branche, a relevé que les statuts de la société prévoyaient que les engagements pris en commun par les futurs associés seraient repris de plein droit par celle-ci lorsqu'elle serait immatriculée et constaté que le nantissement donné le 20 octobre 1988 l'a été par tous les futurs associés de cette société en cours de constitution ; qu'ainsi, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi :

Attendu que la société fait en outre grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance qui avait "confirmé" l'admission de la créance de la BNP à titre privilégié, au titre du prêt de 500 000 francs, à concurrence de la somme de 397 772,80 francs, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel régulièrement signifiées le 29 avril 1998, elle avait fait valoir que la créance alléguée par la BNP au titre du prêt de 500 000 francs, n'avait pas été déclarée à titre privilégié, de sorte qu'elle ne pourrait en toute hypothèse, qu'être admise à titre chirographaire ; qu' à l'appui de ce moyen, elle avait offert en preuve la déclaration de créance ; qu'en admettant la créance alléguée à titre privilégié sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que seules les décisions du juge-commissaire rendues sur contestation peuvent faire l'objet d'un appel en vertu de l'article 102 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-105 du Code de commerce ; qu'ayant constaté, par motifs adoptés, que les créances complémentaires, dont la créance au titre du prêt de 500 000 francs, n'étaient pas contestées, la cour d'appel n'avait pas à répondre au moyen invoqué, qui était irrecevable ; que par ce motif de pur droit l'arrêt se trouve justifié ;

Sur le quatrième moyen de ce même pourvoi :

Attendu que la société fait enfin grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance de la BNP aux sommes de 8 405 839,32 francs et de 397 772,80 francs à titre privilégié, alors, selon le moyen, qu'opposable à tous, le jugement arrêtant le plan de cession qui désigne les personnes tenues de l'exécuter et mentionne les engagements portant sur le règlement du passif né antérieurement au jugement d'ouverture, entraîne la répartition du prix de cession entre les créanciers suivant leur rang ; qu'après avoir établi que devant le Tribunal ayant arrêté le plan de cession, la BNP avait renoncé à se prévaloir des dispositions de l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985 selon lesquelles la charge du nantissement est transmise au cessionnaire, la cour d'appel devait en déduire que cette renonciation de la BNP entraînait renonciation à son rang dans la répartition du prix de cession ; qu'en décidant du contraire, pour admettre la créance de la BNP à titre privilégié, la cour d'appel a violé ensembles les articles 62, 64, 91 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 92, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-95, alinéa 2, du Code de commerce que le prix de cession est réparti par le commissaire à l'exécution du plan entre les créanciers suivant leur rang ; que la cour d'appel a énoncé exactement que le fait que la BNP ait renoncé à se prévaloir des dispositions du troisième alinéa de l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-96 du Code de commerce, selon lesquelles la charge des sûretés spéciales est transmise au cessionnaire, n'entraîne pas renonciation à son rang dans la répartition du prix de cession ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi formé par la BNP, pris en ses deux branches :

Attendu que la BNP fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle l'inscription du privilège du vendeur prise le 3 novembre 1988, alors, selon le moyen :

1 / qu'en ne recherchant pas si les parties à l'acte de vente du fonds de commerce de pharmacie avaient fait de la réitération de cette vente avec la BNP, prêteur de deniers, un élément essentiel constitutif de leur consentement, en sorte que le délai d'inscription du privilège n'avait pu courir qu'à compter de la date à laquelle la vente était parfaite, soit la date de réitération, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1583 du Code civil et 2 de la loi du 17 mars 1909 ;

2 / que lorsque la vente du fonds de commerce fait l'objet d'une réitération, le délai d'inscription du privilège du vendeur d'un fonds de commerce court à compter de la date à laquelle la vente est réitérée ; qu'en déclarant nulle l'inscription de privilège du vendeur d'un fonds de commerce opérée le 3 novembre 1988, après avoir relevé que la vente de ce fonds avait été réitérée par acte du 20 octobre 1988 la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2 de la loi du 17 mars 1909 ;

Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt que la BNP ait soutenu que les parties à l'acte de vente avaient fait de la réitération de cette vente avec la BNP un élément essentiel constitutif de leur consentement ;

que, mélangé de fait et de droit, le grief est nouveau ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la vente du fonds avait fait l'objet d'un acte sous-seing privé le 8 juin 1988, la cour d'appel en a exactement déduit que l'inscription du privilège du vendeur prise le 3 novembre 1988 était nulle comme faite hors délai ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la Pharmacie des Teppes et la Banque nationale de Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la Banque nationale de Paris et de M. X..., ès qualités ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille deux.

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