Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 19 février 2002, 99-13.100, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Les Chapiteaux de Paris (CP), société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 27 janvier 1999 par la cour d'appel de Bourges (1re chambre), au profit :

1 / de la société Voileries du Sud-Ouest (VSO), société anonyme, dont le siège est ...,

2 / de la société Construction matériels de festivités (CMF), dont le siège est ...,

3 / de la compagnie Préservatrice foncière assurances (PFA), assureur de la société Voileries du Sud-Ouest (VSO), dont le siège est 1 cours Michelet, La Défense 10, 92800 Puteaux,

4 / de M. François Brucelle, pris en sa qualité de liquidateur de la société Construction matériels de festivités (CMF), domicilié ...,

5 / de la société Agibat MTI, société anonyme, dont le siège est ...,

6 / de la compagnie Préservatrice foncière IARD, assureur de la société Construction matériels de festivités (CMF), dont le siège est 1, cours Michelet, La Défense 10, 92800 Puteaux,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 janvier 2002, où étaient présents : M. Dumas, président, M. de Monteynard, conseiller référendaire rapporteur, M. Tricot, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. de Monteynard, conseiller référendaire, les observations de Me Cossa, avocat de la société Les Chapiteaux de Paris, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la société Préservatrice foncière assurances (PFA), de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de la société Voileries du Sud-Ouest (VSO), les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Bourges, 27 janvier 1999), que la société Les Chapiteaux de Paris (société CP), qui s'était fait livrer une toile de chapiteau par la société Voileries du Sud-Ouest (société VSO) et des mâts par la société Construction de matériels de festivité (société CMF), a assigné ces dernières sociétés en résolution de ces ventes ; que, de son côté, la société VSO a appelé en garantie la société Préservatrice foncière assurances (société PFA), son assureur ; que la cour d'appel a rejeté les demandes principales ;

Sur le premier moyen, pris en ses six branches :

Attendu que la société CP reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en garantie et en réparation formées, sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, à l'encontre de la société VSO et de la société CMF, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, M. Brucelle, alors, selon le moyen :

1 / que le vendeur d'une chose affectée de vices rédhibitoires ne peut être exonéré de son obligation de garantie que dans l'hypothèse où l'acquéreur a conclu la vente sans ignorer le caractère vicié de la chose vendue ; que, dès lors, en déboutant la société CP de sa demande en garantie des vices rédhibitoires affectant la toile qu'elle avait acquise de la société VSO en la seule considération, inopérante en elle-même, que ladite société avait soi-disant assuré la maîtrise d'oeuvre des opérations de réalisation du chapiteau réalisé avec la toile en question, mais sans caractériser précisément la connaissance par la société CP, à la date des ventes litigieuses, des vices dénoncés par cette dernière, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1641 et suivants du Code civil ;

2 / qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que l'expert s'était abstenu de démontrer la maîtrise d'oeuvre de fait assurée par la société VSO sans s'expliquer sur les constatations expertales selon lesquelles cette société avait assuré une maîtrise d'oeuvre intégrée dans ses prestations en sous-traitant les calculs et les plans de découpe de la toile litigieuse au bureau d'études Agibat MTI, en renseignant oralement la société CMF sur les efforts à prendre en compte et en communiquant à la société CP les plans des issues, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'il résultait tant du jugement entrepris que des conclusions d'appel de la société VSO que le bureau d'études Agibat MTI et M. X... n'étaient pas intervenus pour le compte de la société CP mais avaient agi en qualité de sous-traitants de la société VSO, pour le premier, et de la société CMF, pour le second ; que, dès lors, en ignorant le caractère constant des ces éléments de fait pour tenir pour acquis que le bureau Agibat MTI et M. X... étaient intervenus en "relation" avec la société CP et avaient été rémunérés par cette dernière, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / que le juge a l'obligation de préciser l'origine de ses constatations de fait prises hors les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en tenant pour acquis, par le biais d'une simple affirmation, que le bureau Agibat MTI et M. X... étaient intervenus en "relation" avec la société CP et avaient été rémunérés par cette dernière, sans préciser l'origine de cette constatation de fait, qui n'était pas tirée des conclusions des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et suivants du Code civil ;

5 / qu'en énonçant que M. Y... avait "expressément revendiqué la qualité de maître d'oeuvre" dans le cadre du bon de commande du chapiteau qu'il avait commandé à la société VSO, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document qui n'énoncent rien de tel et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;

6 / qu'en décidant que la société CP, dont l'activité se limitait au montage et à l'exploitation de chapiteaux, avait assuré la maîtrise d'oeuvre des opérations de réalisation de l'installation litigieuse en la seule considération, abstraite et inopérante, qu'un exploitant était "parfaitement en mesure de pouvoir exercer la maîtrise d'oeuvre", mais sans faire ressortir en quoi cette société avait matériellement pris part auxdites opérations, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des articles 1641 et suivants du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que le chapiteau n'avait pu être homologué par les services de sécurité en raison d'un manque de résistance au vent dû à sa conception et non à la résistance de la toile vendue par la société VSO, et, par motifs propres, que c'était la société CP qui avait été concepteur de ce chapiteau, l'arrêt a, sans encourir le grief de la première branche, légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que c'est par une appréciation souveraine de l'objectivité, de la valeur et de la portée de l'expertise que l'arrêt a écarté une maîtrise d'oeuvre de la part de la société VSO ;

Attendu, en outre, que l'arrêt, qui n'a pas retenu que le bureau d'étude Agibat et M. X... étaient intervenus pour le compte de la société CP, a seulement relevé, par une appréciation souveraine des faits qui lui ont été soumis, que la conception des mâts incombait à la société CP en raison de sa qualité de maître d'oeuvre et des relations avec les cabinets Agibat MTI d'une part et X... d'autre part, directement rémunéré par ses soins ;

Attendu enfin qu'ayant relevé, par motifs adoptés, non critiqués par le moyen dans ses cinquième et sixième branches, que la société VSO a seulement facturé la toile, composante du chapiteau, qu'il n'existe au dossier aucune notice de montage du chapiteau, ce qui laisse penser que la société CP était parfaitement au courant de la façon dont il convenait de monter un chapiteau et que les mâts et les poteaux des tours ont été fournis par la société CMF, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, et sur le troisième moyen, réunis :

Attendu que la société CP reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en réparation formée contre la société VSO sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et d'avoir rejeté sa demande en fixation de créance formée à l'encontre de la société CMF, représentée par M. Brucelle, ès qualités, alors, selon le moyen :

1 / que le vendeur d'une chose devant s'insérer dans un ensemble complexe dont la réalisation exige la mise en oeuvre de techniques nouvelles a l'obligation de donner a l'acquéreur, quand bien même ce dernier est un professionnel, tous les conseils utiles à une mise en oeuvre sûre de la chose vendue et doit donc rechercher, de sa propre initiative, si l'usage que compte faire l'acquéreur de ladite chose est compatible avec celui qui est techniquement envisageable au regard des caractéristiques des autres éléments de l'ensemble dans lequel la chose vendue doit s'insérer ; que, dès lors, en déboutant la société CP de ses demandes fondées sur un manquement de la société VSO à son obligation de conseil sans avoir recherché si la seconde avait mis en garde ou simplement informé la première de "l'insuffisance des études préalables" caractérisée dans l'arrêt attaqué, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2 / que c'est au vendeur, contractuellement tenu de conseiller et d'informer l'acquéreur sur les caractéristiques et les possibilités d'emploi de la chose vendue, qu'il appartient de justifier de l'exécution de ses obligations en la matière ; que, dès lors, en reprochant à la société CP de ne pas avoir établi que la société VSO avait failli à son obligation de conseil, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ;

3 / qu'en déboutant la société CP de sa demande en fixation de créance à la liquidation de la société CMF sans rechercher si celle-ci avait bien exécuté l'obligation de conseil dont elle était tenue au profit de celle-là, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'à l'égard de l'acheteur professionnel, l'obligation d'information du vendeur n'existant que dans la mesure où la compétence de cet acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés, la cour d'appel, en retenant, par motifs adoptés, que, tout au long des débats, la société CP avait apporté la preuve de sa grande expérience et de sa parfaite connaissance de son activité, et, par motifs propres, que la société CP avait exercé la maîtrise d'oeuvre de l'édification du chapiteau, a pu, sans encourir les grief du moyen, statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Les Chapiteaux de Paris (CP) aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Les Chapiteaux de Paris à payer à la société Voileries du Sud-Ouest la somme de 1 800 euros et à la compagnie Préservatrice foncière assurances la somme de 1 800 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille deux.

Retourner en haut de la page