Cour de Cassation, Chambre sociale, du 29 mai 2002, 00-40.996, Inédit
Cour de Cassation, Chambre sociale, du 29 mai 2002, 00-40.996, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 00-40.996
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 29 mai 2002
Décision attaquée : cour d'appel de Toulouse (4e Chambre, Chambre sociale) 1999-12-17, du 17 décembre 1999- Président
- Président : M. CHAGNY conseiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi formé par la société Delmas luminaires, société anonyme dont le siège social est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 17 décembre 1999 par la cour d'appel de Toulouse (4e Chambre, Chambre sociale), au profit de Mme Marie-Jeanne X..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ; Vu la communication faite au Procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 3 avril 2002, où étaient présents : M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Leblanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Bailly, conseiller, M. Frouin, conseiller référendaire, M. Bruntz, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Delmas luminaires, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique : Attendu que Mme X..., employée depuis 1968 par la société Delmas luminaires en qualité d'ouvrière manutentionnaire au sein du service expédition, a été affectée, en décembre 1995, à un poste de travail de l'atelier de montage soumis au contrôle des cadences ; qu'après avoir reçu un avertissement et une mise en garde en raison d'une cadence inférieure à l'objectif fixé, la salariée a été licenciée le 11 juillet 1996 pour insuffisance de résultats ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 17 décembre 1999) d'avoir décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1 / que ne constitue une sanction disciplinaire la mesure prise par l'employeur que si elle est de nature à affecter la présence, la rémunération, la carrière ou la fonction du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le changement de poste de Mme X... n'a eu aucune incidence sur sa présence dans l'entreprise, ses fonctions d'ouvrière manutentionnaire, sa classification et sa rémunération ; qu'en estimant dès lors que l'affectation de Mme X... au poste de montage de luminaires à compter du mois de décembre 1995 constituait une forme de sanction disciplinaire déguisée pour décider que l'employeur avait abusé de son pouvoir de direction en le détournant de sa finalité, la cour d'appel a violé l'article L. 122-40 du Code du travail ; 2 / que l'employeur est bien fondé dans l'exercice de son pouvoir de direction à modifier les conditions de travail des salariés dans l'intérêt légitime de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Delmas luminaires faisait valoir dans ses conclusions que l'affectation de Mme X... à un service dans lequel la cadence des salariés était mesurable avait été décidée par le chef de fabrication pour stimuler la salariée qui avait tendance à la lenteur, afin de préserver la production de l'entreprise ; qu'en se bornant dès lors à relever que la salariée avait été mutée à un autre poste par l'employeur pour sanctionner sa lenteur sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la mesure et le contrôle de la cadence de la salariée n'étaient pas nécessaires pour préserver la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 122-40 du Code du travail ; 3 / que ne constitue pas une faute le fait pour un employeur d'affecter et de maintenir un salarié à un poste en dépit des difficultés rencontrées par ce dernier à assumer les tâches qui lui sont confiées, dès lors que dans un objectif d'adaptation du salarié à son emploi, l'employeur ne lui confie pendant un an que des tâches très simples réalisables par l'ensemble du personnel de l'entreprise y compris par des personnes totalement inexpérimentées ; qu'en relevant dès lors que le maintien par l'employeur de Mme X... à son poste en dépit de la conscience qu'il avait de l'incapacité de la salariée à assumer ses nouvelles tâches révélait un abus de droit de sa part, sans nullement caractériser la volonté de la société Delmas luminaires de nuire à la salariée en lui confiant des tâches objectivement difficiles, voire irréalisables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4 / qu'en tout état de cause l'abus de droit commis par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ne peut entraîner la condamnation de celui-ci qu'à réparer le préjudice qui en est directement résulté pour le salarié ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la salariée était déjà très lente dans l'exercice de ses attributions à l'atelier d'expédition avant d'être affectée à l'atelier de montage électrique ; qu'en déduisant dès lors du caractère abusif du changement des conditions de travail de Mme X... l'absence de tout caractère réel et sérieux du licenciement de la salariée prononcé pour insuffisance de résultats un an après son changement d'affectation, sans vérifier si les motifs invoqués à l'appui de la rupture du contrat de travail étaient réel et sérieux, ni caractériser le lien de causalité existant entre l'inaptitude de la salariée ayant motivé la rupture de son contrat de travail et le changement préalable d'affectation de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail et 1382 du Code civil ; Mais attendu, d'abord, que, selon l'article L. 122-40 du Code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que des observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que la cour d'appel, qui a constaté que la mutation de la salariée dans un autre atelier et à un autre emploi soumis à un contrôle des cadences était motivée par sa lenteur et sa dissipation, d'où il résultait que la mesure avait été prise par l'employeur à la suite d'un comportement qu'il avait considéré comme fautif et qu'elle avait affecté immédiatement la fonction de l'intéressée, a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que ladite mesure constituait une sanction disciplinaire ; Attendu, ensuite, que l'employeur a, en vertu de l'article L. 932-2 du Code du travail, l'obligation d'assurer l'adaptation de ses employés à l'évolution de leurs emplois ; que la cour d'appel ayant relevé que l'employeur avait sciemment maintenu Mme X... à un poste qu'elle était incapable de tenir, a caractérisé un abus de droit, de sorte que l'insuffisance de résultats de l'intéressé dans l'accomplissement de ses nouvelles fonctions ne pouvait constituer une cause sérieuse de licenciement ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Delmas luminaires aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Delmas luminaires à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille deux.