Cour de Cassation, Chambre sociale, du 20 février 2002, 99-44.760, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Natalys, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un jugement rendu le 21 juin 1999 par le conseil de prud'hommes de Colmar (section commerce), au profit de Mme Marie-José X..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2002, où étaient présents : M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Lanquetin, conseiller rapporteur, Mme Lebée, conseiller référendaire, M. Bruntz, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Lanquetin, conseiller, les observations de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Natalys, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme X..., entrée au service de la société Natalys en 1988 en son établissement de Colmar est membre titulaire du comité d'entreprise de la société dont les réunions se tiennent au siège à Nanterre ; qu'elle a saisi en 1999 la juridiction prud'homale pour obtenir des sommes à titre de remboursement de frais de déplacement et de rémunération du temps de trajet ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Colmar, 21 juin 1999) de l'avoir condamné à payer à Mme X... une somme à titre de remboursement des frais de déplacement exposés pour les quatre réunions du comité d'entreprise de novembre et décembre 1998 et de janvier et février 1999, alors, selon le moyen :

1 / que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ;

qu'en se bornant à affirmer qu'au vu de l'éloignement de son domicile par rapport au lieu des réunions du comité d'entreprise, de la durée de ces réunions, des temps de trajet et d'attente, des moyens de transport et des premiers remboursements de la société Natalys, Mme X... était tenue d'utiliser sa voiture pour se rendre à l'aéroport de Strasbourg, prendre un vol suffisamment tôt, utiliser Orly Val afin d'être présente pour le début de la réunion et faire de même au retour, sans préciser aucun de ces éléments et ainsi justifier la raison pour laquelle Mme X... était impérativement tenue de prendre l'avion à partir de Strasbourg plutôt que le train à partir de Colmar, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de motif et a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que, dans ses conclusions, la société Natalys avait fait valoir qu'elle ne pouvait être contrainte à prendre en charge les frais de déplacement de Mme X... que sur la base d'un billet de train de seconde classe entre Colmar et Paris et d'un ticket de RER ; qu'en condamnant la société Natalys à rembourser à Mme X... l'intégralité des frais qu'elle avait exposés pour ses déplacements, sans répondre à ce chef des conclusions, le conseil de prud'hommes a violé, derechef, l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que, dans ses conclusions, la société Natalys avait fait valoir que si Mme X... avait pris le train au départ de Colmar qui constituait son lieu de travail, elle n'aurait pu prétendre au remboursement d'indemnités kilométriques, les frais du trajet entre le domicile et le lieu de travail n'ayant pas à être pris en charge par l'employeur ; que le conseil de prud'hommes, qui a condamné la société Natalys à prendre en charge ces indemnités kilométriques sans répondre à ce chef des conclusions, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, par une décision motivée, le conseil de prud'hommes a fait ressortir qu'à défaut d'accord ou de dispositions conventionnelles applicables aux déplacements des membres du comité d'entreprise, la solution retenue par la salariée pour se rendre aux réunions du comité était exempte d'abus et qu'en conséquence les frais engagés à ce titre devaient lui être remboursés ; qu'il a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief au jugement de l'avoir condamné à payer une somme à titre de rappel de salaire pour le temps des trajets pour se rendre aux quatre réunions du comité d'entreprise de novembre et décembre 1998 et de janvier et février 1999, alors, selon le moyen :

1 / qu'aucune disposition légale n'impose à l'employeur de rémunérer le temps de trajet pour se rendre à une réunion du comité d'entreprise comme temps de travail ; qu'en décidant le contraire, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 434-1 du Code du travail ;

2 / que le conseil de prud'hommes qui a constaté d'une part qu'aucune disposition légale n'imposait la rémunération de ces temps de trajet et d'autre part que la jurisprudence avait considéré que le temps de trajet pour se rendre aux réunions du comité devait être rémunéré dès lors que le trajet n'était pas effectué pendant le temps normal de travail et que sa durée excédait celle du déplacement entre le domicile du salarié et son lieu de travail, et qui a condamné la société Natalys à rémunérer le temps de trajet passé par Mme X... à se rendre aux réunions du comité d'entreprise, sans constater que ce trajet aurait été effectué en dehors du temps normal de travail et aurait excédé le temps du trajet séparant son domicile de son lieu de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-1 du Code du travail ;

3 / qu'en condamnant la société Natalys à rémunérer les temps de déplacement de Mme X... pour se rendre aux réunions du comité d'entreprise sur une base forfaitaire de 12 heures, sans rechercher la durée réelle de ces déplacements, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-1, L. 212-1-1 et L. 434-1 du Code du travail ;

4 / que Mme X... n'avait saisi le conseil de prud'hommes que d'une demande portant sur la rémunération des temps de trajet, reconnaissant que le temps passé aux réunions du comité d'entreprise avait été rémunéré, et déduisait de ses demandes tendant au paiement de 14 heures de travail, pour chaque journée de réunion du comité d'entreprise, le temps passé à ces réunions qui avait été rémunéré ; qu'en condamnant la société Natalys à payer à Mme X... une somme de 1 759,83 francs pour les temps de trajet et de réunion pour une amplitude de 12 heures, soit deux heures de moins par jour de réunion que celles réclamées, le conseil de prud'hommes a méconnu l'étendue de sa saisine et a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

5 / que, dans ses conclusions, la société Natalys avait fait valoir, à titre subsidiaire, qu'elle n'avait pas à rémunérer les heures séparant l'arrivée de Mme X... à Nanterre de l'heure de la réunion du comité d'entreprise, comme celles séparant la fin de cette réunion du début de son trajet de retour, heures pendant lesquelles elle était libre ;

qu'en condamnant la société Natalys à rémunérer les temps de trajet sur la base de 12 heures, sans répondre à ce chef des conclusions, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le temps de trajet pour se rendre aux réunions du comité d'entreprise ou en revenir, dès lors qu'il est effectué en dehors de l'horaire normal du représentant du personnel, constitue un temps de travail effectif ; que le conseil de prud'hommes, qui a constaté que l'employeur avait opéré une retenue sur le salaire de la salariée correspondant à la différence entre le temps de travail et le temps des réunions et qui a exactement énoncé que non seulement elle ne devait subir aucune perte de rémunération mais qu'elle devait en outre être rémunérée pour le temps de trajet excédent le temps de travail, a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Natalys aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille deux.

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