Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 25 juin 2002, 97-10.842, Inédit
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 25 juin 2002, 97-10.842, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 97-10.842
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 25 juin 2002
Décision attaquée : cour d'appel d'Orléans (Chambre civile, 1re Section) 1996-10-30, du 30 octobre 1996- Président
- Président : M. TRICOT conseiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi formé par : 1 / M. Gilbert Z..., demeurant ..., 2 / M. Pierre Y..., demeurant ..., 44810 Héric, en cassation d'un arrêt rendu le 30 octobre 1996 par la cour d'appel d'Orléans (Chambre civile, 1re Section), au profit : 1 / de M. Jean-Paul X..., demeurant 5, Cour Jean Dupont, 45200 Montargis, pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée Ceca Soviga, 2 / de la Banque nationale de Paris (BNP), société anonyme dont le siège social est ..., défendeurs à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au Procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 14 mai 2002, où étaient présents : M. Tricot, conseiller doyen faisant fonctions de président et rapporteur, M. Badi, Mme Aubert, conseillers, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Tricot, conseiller doyen, les observations de la SCP Garaud-Gaschignard, avocat de M. Z... et de M. Y..., de la SCP Vincent et Ohl, avocat de la Banque nationale de Paris, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne acte à MM. Z... et Y... de ce qu'ils se sont désistés de leur pourvoi en tant que dirigé contre M. X..., liquidateur judiciaire de la société Ceca Soviga ; Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Orléans, 30 octobre 1996), que MM. Z... et Y... se sont portés cautions des engagements de la société Ceca Soviga (la société) auprès de la Banque nationale de Paris (la BNP) par actes des 13 et 26 janvier 1993, respectivement pour les sommes de 800 000 francs et 200 000 francs ; qu'après la mise en redressement, puis liquidation judiciaires de la société les 24 septembre 1993 et 1er octobre 1993, la BNP a assigné les cautions en exécution de leurs engagements ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : Attendu que MM. Z... et Y... reprochent à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables leurs dernières écritures d'appel, alors, selon le moyen : 1 / que le rejet des débats des pièces et conclusions tardives est subordonné à une injonction préalable du juge demeurée sans effet et à la preuve que la partie a eu connaissance de la date à laquelle devait être clôturée l'instruction ; que, pour écarter des débats les conclusions de MM. Y... et Z... déposées le jour de l'ordonnance de clôture, l'arrêt énonce qu'elles sont tardives à un point tel que la BNP, partie adverse, n'a pas été en mesure d'y répondre utilement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'avoué de MM. Y... et Z... avait reçu injonction de conclure pour une date antérieure à celle à laquelle il l'a fait ou, dans la négative, si ses conclusions avaient été déposées avant la date prévue pour l'ordonnance de clôture et préalablement portées à la connaissance des parties, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 779, 780, 783 et 910 du nouveau Code de procédure civile ; 2 / qu'après l'ordonnance de clôture et sauf dans les cas prévus aux deuxième et troisième alinéas de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que l'arrêt énonce que les conclusions déposées par MM. Y... et Z... le 11 septembre 1996, jour de l'ordonnance de clôture, justifiaient que soit accueillie la demande formulée par la BNP dans ses conclusions en réponse du 23 septembre 1996 ; que la cour d'appel, qui n'a pas ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et qui a néanmoins accueilli la demande formulée dans ses conclusions postérieures à ladite ordonnance, a violé l'article 783 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, d'une part, que les dernières conclusions signifiées et déposées le 11 septembre 1996 par MM. Z... et Y... mentionnent, outre le numéro du rôle, l'indication que la plaidoirie est fixée au mercredi 25 septembre 1996 ; qu'il en résulte, en l'espèce, que MM. Z... et Y... ont nécessairement eu connaissance de la date de l'ordonnance de clôture ; Attendu, d'autre part, qu'en déposant après l'ordonnance de clôture des conclusions de demande de révocation de cette ordonnance pour que soit observé le principe de la contradiction, la BNP était recevable à demander subsidiairement que soient écartées des débats les conclusions signifiées par MM. Y... et Z... le jour du prononcé de la clôture ; que, dès lors, la cour d'appel qui a accueilli cette demande subsidiaire n'a pas encouru les griefs du pourvoi ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le deuxième moyen : Attendu que MM. Z... et Y... reprochent encore à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du tribunal en ce que ce dernier s'est déclaré compétent, alors, selon le moyen, que le cautionnement qui est par sa nature un contrat civil peut devenir commercial lorsque la caution à un intérêt patrimonial dans l'opération commerciale qu'elle garantit ; qu'il en va ainsi des cautionnements de sociétés commerciales donnés par les dirigeants ; qu'après avoir rappelé que les cautions se sont engagées dans l'espoir que la société obtienne un prêt d'une banque asiatique permettant de restreindre le découvert de son compte courant, la cour d'appel en a déduit que les cautions avaient un intérêt patrimonial personnel à garantir les engagements souscrits par la société auprès de la BNP, de sorte que, leur engagement étant commercial, le tribunal de commerce était compétent ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a nullement caractérisé l'intérêt patrimonial et personnel de M. Y..., dont il n'est pas contesté qu'il n'était pas dirigeant de la société à la réalisation de l'opération principale, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 33 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu qu'il résulte de l'article 79 du nouveau Code de procédure civile que lorsque la cour d'appel infirme du chef de la compétence, elle statue sur le fond du litige si la décision attaquée est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions, et si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente ; que M. Y... est sans intérêt à critiquer le motif de la cour d'appel qui a fait application de ces dispositions ; que le moyen est irrecevable ; Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches : Attendu que MM. Z... et Y... reprochent enfin à l'arrêt de les avoir condamnés à payer respectivement à la BNP les sommes de 800 000 francs et 200 000 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 17 avril 1993, alors, selon le moyen : 1 / que si une caution ne peut, en dehors du champ d'application de l'article 2037 du Code civil, invoquer une faute du créancier dans ses rapports avec le débiteur à titre d'exception pour se soustraire à l'exécution de l'obligation qu'elle a contractée, elle est néanmoins recevable à mettre en oeuvre la responsabilité du créancier lorsqu'elle intente à son encontre une action en réparation d'un dommage dont elle se prévaut des conditions en raison desquelles le créancier a accordé puis retiré des moyens de financement au débiteur principal ; que dans leurs écritures d'appel signifiées le 6 janvier 1995, MM. Y... et Z... faisaient valoir que la BNP avait commis de graves fautes dans l'octroi et le retrait des crédits à la société et demandaient que la BNP soit "condamnée à des dommages-intérêts équivalents aux sommes réclamées aux cautions et qu'après compensation, elle soit déboutée" de sa demande dirigée contre les cautions ; qu'en considérant que les cautions ne pouvaient se prévaloir de l'exception tirée du soutien abusif qui est un moyen purement personnel au débiteur, la cour d'appel, qui a refusé d'examiner la demande reconventionnelle formée par les cautions sur le terrain de la responsabilité civile, a violé, par fausse application, l'article 2036 du Code civil et, par refus d'application, l'article 1382 du Code civil ; 2 / que dans leurs écritures d'appel signifiées le 9 janvier 1996, MM. Y... et Z... faisaient valoir qu'ils avaient donné leur consentement par erreur ; qu'en se contentant de considérer que leur consentement n'avait pas été surpris par dol, sans répondre au moyen tiré de l'erreur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3 / que la banque qui omet de révéler à la caution la situation irrémédiablement compromise de débiteur principal, manque à son obligation de contracter de bonne foi ; qu'il est constant qu'en janvier 1993, MM. Y... et Z... ont été amenés par la BNP à cautionner la société qui se trouvait en état de cessation des paiements depuis le 30 septembre 1992 ; qu'en déboutant MM. Y... et Z... de leur action tendant à la nullité pour dol des cautionnements ainsi intervenus, sans rechercher si la banque savait que la situation du débiteur principal était irrémédiablement compromise au moment où les cautionnements ont été consentis en janvier 1993, et si la banque n'avait pas, en omettant, par une réticence dolosive, de révéler cette situation aux cautions, amené celles-ci à consentir des cautionnements litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1116 et 1134, alinéa 3, du Code civil ; Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas refusé d'examiner la demande reconventionnelle de MM. Z... et Y..., mais l'a au contraire rejetée ; Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu, par motifs adoptés, qu'il n'était pas démontré une quelconque manoeuvre de la banque, que les cautions étaient tout à fait conscientes de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elles contractaient à l'égard de la banque et que le manque de précaution dont elles font état et qu'elles reprochent à la banque leur est entièrement imputable, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions dont fait état la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Z... et M. Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à la Banque nationale de Paris la somme de 1 800 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille deux.