Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 9 octobre 2001, 99-16.512, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Somatec, société à responsabilité limitée, dont le siège est zone industrielle B, ...,

en cassation de deux arrêts rendus les 10 décembre 1998 et 1er avril 1999 par la cour d'appel de Douai (2e Chambre civile), au profit de la société Somatair (ou Geexso Somatair), société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 juillet 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Champalaune, conseiller référendaire rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Somatec, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de réouverture des débats du 10 décembre 1998 :

Vu l'article 978 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la société Somatec s'est pourvue en cassation contre l'arrêt de réouverture des débats du 12 décembre 1998 mais que son mémoire ne contient aucun moyen de droit à l'encontre de cette décision ;

D'où il suit qu'il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi ;

Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 1er avril 1999 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se prévalant de l'embauche, par la société Somatair, d'un de ses anciens salariés, M. X..., au mépris d'une clause de non-concurrence, la société Somatec l'a assignée en dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu que la société Somatair fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses prétentions, alors, selon le moyen :

1 / que toute personne qui emploie, en connaissance de cause, un salarié en violation d'une clause de non-concurrence commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de cette violation, même si elle n'a pas usé de manoeuvres pour débaucher le salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Somatair avait eu connaissance le 29 novembre 1994 de la clause de non-concurrence souscrite par le salarié et avait continué à employer ce dernier jusqu'au 31 janvier 1995 ;

qu'en retenant pour écarter l'existence d'une faute de la part de la société Somatair, qu'il n'était pas argué de manoeuvres déloyales commises par cette dernière pour débaucher le salarié, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

2 / que la société Somatec énonçait dans ses conclusions que le contrat de travail avec la société Somatair avait été rompu par la démission du salarié de sorte que la société Somatair n'avait eu aucun comportement positif dans la cessation des relations contractuelles de nature à exclure une faute de sa part ; qu'en se bornant à retenir pour écarter la faute de la société Somatair, que cette dernière avait mis fin au contrat avec le salarié, après la réception, le 19 décembre 1994 d'une mise en demeure d'avoir à cesser de l'employer, "puisque celui-ci a cessé ses fonctions au 31 janvier 1995", sans préciser laquelle des deux parties avait pris l'initiative de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, 1383 du Code civil et L. 122 du Code du travail ;

3 / qu'en tout état de cause, l'employeur qui engage un salarié précédemment employé dans une entreprise concurrente a l'obligation de s'informer sur l'existence d'une clause de non-concurrence pesant sur ce dernier ; qu'en excluant l'existence d'une faute de la part de la société Somatair qui avait pourtant omis de s'assurer que le salarié n'était pas lié par une clause de non-concurrence à l'égard de la société Somatec, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu que contrairement aux énonciations du moyen, la cour d'appel n'a pas retenu, pour statuer comme elle a fait, l'absence de faute de la société Somatair mais l'absence de préjudice causé par cette faute ; qu'il suit de là que les trois premières branches du moyen sont inopérantes ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter les prétentions de la société Somatec, l'arrêt retient qu'il n'est pas prouvé que la persistance de l'emploi de M. X..., pendant quarante-deux jours, par la société Somatair, qui avait connaissance de la clause de non-concurrence, ait occasionné un préjudice à la société Somatec ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un trouble commercial s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen :

Constate la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 10 décembre 1998 ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Somatair aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille un.

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