Cour de Cassation, Chambre sociale, du 13 février 2001, 98-45.931, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Stephan'x, société anonyme, dont le siège est .... 294, 42014 Saint-Etienne Cedex,

en cassation d'un arrêt rendu le 30 septembre 1998 par la cour d'appel de Lyon, au profit de Mme Josiane Y..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 décembre 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Rouquayrol de Boisse, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ransac, Lanquetin, conseillers, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Rouquayrol de Boisse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société Stephan'x, de Me Cossa, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme X... a été engagée par la société Stephan'x le 1er avril 1985 en qualité de responsable administratif, puis de directeur administratif et financier depuis le 27 mai 1994 ; qu'elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 2 novembre 1995 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 30 septembre 1998) d'avoir décidé que le licenciement de Mme X... était justifié par une cause réelle et sérieuse et non par une faute grave ; alors que, selon le moyen :

1 ) le juge doit examiner concrètement l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, aux termes de la lettre du 2 novembre 1995, notifiant son licenciement à la salariée, l'employeur lui reprochait des indiscrétions, actes d'insubordination et critiques compromettant sérieusement la bonne marche de l'entreprise, en ce que, notamment, Mme Y... avait, le 30 septembre 1995, adressé à cinq cadres de l'entreprise, une lettre d'une teneur identique à celle du 22 septembre 1995, visant dès lors à critiquer la gestion de la société et à en souligner les difficultés financières, qu'ainsi, en se bornant à indiquer qu'en expédiant cette lettre, la salariée s'était conformée à l'interdiction qui lui avait été faite de ne pas diffuser sa note du 23 septembre 1995 et, partant, ne caractérisait pas un acte d'insubordination, sans rechercher si, ainsi que le lui reprochait l'employeur, le contenu de cette lettre n'était pas de nature à constituer une critique abusive et indiscrète de la société auprès des cadres, la cour d'appel a violé l'article L. 122-4-2 du Code du travail ;

2 ) la critique et le dénigrement de l'entreprise par un cadre excèdent le droit d'expression reconnu aux salariés et caractérisent une faute grave, qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis que la société exposante avait pu reprocher à bon droit à Mme Y... d'avoir critiqué devant un subordonné la direction et d'autres cadres, ce qui ne pouvait que nuire à la bonne marche de la société, ainsi que de s'être montrée indiscrète sur la situation de l'entreprise ; qu'en estimant toutefois que ces faits n'interdisaient pas de poursuivre la relation de travail pendant la durée du préavis et, partant, ne caractérisaient pas une faute grave, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé, par refus d'application, l'article L. 122-6 du Code du travail, ensemble l'article L. 122-8 du même Code ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, d'une part, que Mme X... s'était bornée à adresser au directeur général et à quatre cadres une lettre en réaction à une réunion au cours de laquelle elle paraissait avoir été mise en cause, d'autre part, que les critiques et indiscrétions reprochées à la salariée étaient en partie reprises dans le journal de l'entreprise, a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que le comportement de la salariée n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Stephan'x aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Stephan'x à payer à Mme Y... la somme de 15 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille un.

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