Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 2 mai 2001, 98-16.503, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par le Crédit commercial de France, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 7 mai 1998 par la cour d'appel de Paris (5e chambre civile, section B), au profit :

1 / de M. Serge Z..., ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société X..., demeurant ...,

2 / de M. Y..., ès qualité de mandataire judiciaire de la société X..., demeurant ...,

3 / de M. Flavio X..., demeurant ...,

4 / de M. Germain X..., demeurant ...,

5 / de M. Louis X..., demeurant ...,

6 / de la société Factofrance Heller, dont le siège est ... Facto, 92988 Paris La Défense Cedex 88,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 mars 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Lardennois, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Lardennois, conseiller, les observations de la SCP Vier et Barthélemy, avocat du Crédit commercial de France, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Factofrance Heller, de Me Foussard, avocat de MM. Z..., Y..., ès qualités, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt déféré, (Paris, 7 mai 1998), que la société X... a cédé au Crédit commercial de France (la banque), selon les modalités prévues par la loi du 2 janvier 1981, des créances qu'elle détenait sur la société Auchan ; que ces mêmes créances ont ensuite été cédées, en exécution d'une convention d'affacturage, à la société Factofrance Heller qui en a reçu le règlement de la société Auchan ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société X..., la banque a assigné la société Factofrance Heller en paiement des sommes reçues de la société Auchan ; que la cour d'appel ayant accueilli cette demande, la société Factofrance Heller a procédé au règlement ; qu'ayant appris ultérieurement que la banque avait reçu des fonds provenant du redressement judiciaire de la société X..., la société Factofrance Heller l'a assignée en paiement de la part de dividendes qu'elle estimait devoir lui revenir ; que la banque a appelé en cause le commissaire à l'exécution du plan de la société X... et offert de lui restituer un trop-perçu ;

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir déclaré le mandataire judiciaire de la société X... sans droit à se faire remettre la somme de 3 247 456,02 francs avec intérêts au taux légal "dès lors que cette remise permettrait à la société X... et à ceux qui peuvent se prévaloir de ses droits de tirer profit de la fraude dont la société X... s'est rendue coupable en mobilisant deux fois les mêmes créances" et d'avoir tenu pour régulièrement déclaré la créance de la société Factofrance Heller alors, selon le moyen :

1 / que des clauses claires et précises du contrat d'affacturage conclu entre la société Factofrance Heller, factor, et la société X..., débiteur cédant, il résulte que l'opération d'affacturage est nulle et donne lieu à remboursement immédiat du factor, "dans le cas où la subrogation serait, de fait ou de droit, paralysée dans ses effets..." ;

qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le contrat d'affacturage, pour être inopposable à la banque, n'en produisait pas moins ses effets entre les parties qui l'ont conclu ; qu'elle devait nécessairement en déduire que la société Factofrance Heller qui, du fait de la cession des créances Dailly préalablement intervenue au profit de la banque, n'a pu être subrogée dans les droits de la société X..., cédante, à l'encontre de la société Auchan disposait en vertu des stipulations contractuelles la liant à la société X..., d'une action personnelle contractuelle en remboursement qui ne pouvait être exercée que de façon autonome ;

qu'en omettant à cet égard de tirer les conséquences légales de ses constatations, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

2 / que l'affirmation de l'absence de contestation sur un point litigieux est constitutive d'une dénaturation des termes du litige ;

qu'en affirmant en l'espèce que la banque n'avait pas contesté avoir été le "cessionnaire d'une créance éteinte", là où, bien au contraire, elle s'en tenait aux acquis de l'arrêt définitif du 21 février 1990, retenant que "le paiement ayant été fait à une société qui n'avait pas le pouvoir de le recevoir... la créance ne (peut) être regardée comme éteinte", la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que pour recouvrer sa créance, qui primait celle de la société Factofrance Heller, la banque disposait d'une option entre, d'un côté, l'action contractuelle contre le cédant ouverte par la convention-cadre Dailly et, de l'autre, l'action en répétition de l'indu contre la société Factofrance Heller, elle-même accipiens sans droit sur les créances cédées ; qu'en succombant dans l'action ainsi exercée à son encontre, la société Factofrance Heller n'a point acquitté la dette de la société X... à l'égard de son banquier, comme l'a retenu la cour d'appel, mais acquitté purement et simplement une dette personnelle née de la perception indue de sommes qui ne lui revenaient pas ; qu'en retenant l'existence d'une subrogation légale de la société Factofrance Heller dans les droits de la banque à l'encontre de la société X..., la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1251-3 du Code civil ;

4 / que, totalement désintéressée, la banque ne dispose plus d'aucun droit à l'encontre de la société X..., dans lesquels la société Factofrance Heller puisse prétendre être légalement subrogée, pour bénéficier de sa déclaration de créance ; qu'en affirmant, nonobstant le défaut de mention à l'état des créances déposé au tribunal d'aucune créance déclarée par la société Factofrance Heller, que celle-ci bénéficiait néanmoins, par le jeu de la subrogation légale, d'une créance déclarée non éteinte, la cour d'appel a violé les articles 1251-3 du Code civil et 53 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu que la banque ne contestait pas que la société Auchan s'était valablement acquittée envers la société X... en payant les factures à Factofrance Heller et qu'elle ne pouvait demander à celle-ci le paiement d'une créance sur la société Auchan qui était alors éteinte et non que la banque n'avait pas contesté avoir été le cessionnaire d'une créance éteinte ;

Attendu, en deuxième lieu, que, dans ses conclusions d'appel, la banque a prétendu que la société Factofrance Heller avait acquitté une dette de Auchan envers le CCF ; qu'elle ne peut pas proposer maintenant un moyen contraire à ses propres écritures ;

Attendu, enfin, qu'ayant retenu que la société Factofrance Heller avait réglé à la banque les sommes au paiement desquelles elle avait été condamnée et avait ainsi acquitté la dette de la société X... envers la banque qui disposait contre elle d'un recours fondé sur la convention-cadre de cession de créances, à défaut de règlement par le débiteur cédé, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la société Factofrance Heller était subrogée dans les droits de la banque et bénéficiait de sa déclaration de créance, peu important qu'elle ait disposé aussi contre la société X... d'un recours fondé sur le contrat d'affacturage ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, est irrecevable en sa troisième et mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Crédit commercial de France aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille un.

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