Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 3 octobre 2000, 96-15.514, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société Consortium de commerce international (CCI), dont le siège est ...,

2 / M. Faouzi Y..., demeurant ... de Serbie, 75016 Paris,

3 / M. Miloud X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 19 mars 1996 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section A), au profit :

1 / de M. Pierre C..., demeurant ..., pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société Cottin Covelac,

2 / de M. Toufiq A... (et aussi Ibrahim), demeurant ...,

3 / de M. Z... (ou Manuel) B..., demeurant précédemment ... au Blanc, 78860 Saint-Nom la Bretèche et actuellement ..., Les Paris, 06250 Mougins,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 juin 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Badi, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Badi, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Consortium de commerce international et des consorts X..., de Me Bertrand, avocat de M. C..., ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. B..., les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Met, sur sa demande, M. B... hors de cause sur les deuxième et troisième moyens ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir arrêté, le 5 novembre 1991, le plan de continuation de la société Cottin Covelac (la société), le Tribunal a prononcé, le 14 mai 1992, sur déclaration de cessation des paiements, la liquidation judiciaire de cette société ; que le liquidateur a assigné la société Consortium de commerce international (société CCI), M. Faouzi X..., son gérant, M. Miloud X..., son représentant permanent au conseil d'administration, ainsi que MM. A... et B..., en paiement des dettes de la personne morale sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la société CCI et MM. Miloud et Faouzi X... ont relevé appel du jugement les ayant condamnés au paiement d'une certaine somme, en intimant notamment MM. A... et B... pour lesquels le tribunal a dit n'y avoir lieu de prononcer la prise en charge des dettes sociales ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société CCI et MM. X... Miloud et Fouazi font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé par la société CCI contre MM. B... et A..., alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel a constaté que la société CCI était associée majoritaire et administrateur de la société ; qu'en faisant abstraction de la qualité d'associée majoritaire de la société CCI pour déclarer celle-ci irrecevable, en qualité de dirigeant social, à interjeter appel à l'encontre de MM. B... et A..., la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 183 de la loi du 25 janvier 1985 et 245 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que lorsque la liquidation judiciaire d'une société anonyme fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles 180 et 183 de la loi du 25 janvier 1985, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celles de l'article 245 de la loi du 24 juillet 1966 ; que le moyen, qui invoque la méconnaissance de ce dernier texte étant inopérant, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société CCI, MM. Miloud et Fouazi X... font aussi grief à l'arrêt d'avoir dit qu'ils devaient supporter personnellement les dettes de la société à hauteur de 7 000 000 de francs et de les avoir, en conséquence, condamnés solidairement à payer cette somme entre les mains du liquidateur de la société, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en vertu de l'article 180 de la loi du 24 juillet 1966, l'assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider une augmentation du capital ; qu'en se bornant, dès lors, à affirmer que le refus de la société CCI de souscrire à l'augmentation de capital prévue par le plan de continuation constituerait une faute de gestion, sans constater l'existence d'une décision prise par l'assemblée générale extraordinaire -laquelle avait au contraire refusé de voter une telle augmentation lors de l'assemblée tenue le 15 avril 1992- la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des dispositions susvisées et de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que le fait pour un actionnaire de ne pas voter une augmentation de capital lors d'une assemblée générale extraordinaire ne saurait constituer une faute de gestion imputable à un dirigeant, au sens de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; que dans l'hypothèse où la cour d'appel aurait décidé du contraire, elle aurait violé cette dernière disposition ; et alors, enfin, que l'administrateur, tenu à une surveillance et à un contrôle sérieux de la société, n'a pas de pouvoir personnel au sein de celle-ci ;

qu'en retenant, à l'encontre de la société CCI, membre du conseil d'administraion de la société, la mise en place "d'une direction générale pléthorique inadaptée à la structure de l'entreprise", "la mésentente de la nouvelle direction avec l'ancien dirigeant", l'absence d'édiction de mesures de réorganisation, ainsi que "la vacance de postes de responsables de certains secteurs importants", la cour d'appel n'a pas caractérisé une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif d'une société anonyme et, par suite, a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société CCI, qui avait acquis 65 % du capital de la société, a mis en place une direction générale pléthorique inadaptée à la structure de l'entreprise, qu'elle n'a pas pris les mesures de réorganisation qu'exigeait l'adaptation de la société à l'évolution des conditions de vente dans son secteur d'activité et que la vacance de postes de responsables de certains secteurs est à l'origine "d'une gâche" très importante, de la résiliation de contrats de fournisseurs de renom et de pertes de marchés de collectivités ; qu'en l'état de ces seules constatations, retenant que les fautes imputables à la société CCI et à M. Miloud X... avaient contribué à aggraver l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision à l'égard de ceux-ci ; que le moyen, inopérant en ses deux premières branches, est mal fondé pour le surplus ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 91 de la loi du 24 juillet 1966 et l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour condamner M. Faouzi X... à payer une partie des dettes de la société en application de l'article 180 précité, l'arrêt se borne à retenir que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que M. Faouzi X... est solidairement tenu, en sa qualité de gérant de la société CCI, des conséquences des fautes commises par la société CCI et son représentant au conseil d'aministration de la société ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans constater que M. Faouzi X... avait été nommé représentant permanent de la société CCI, administrateur de la société, ou qu'il avait été, en fait, le dirigeant de cette dernière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que M. Faouzi X... doit supporter personnellement les dettes de la société Cottin-Covelac à hauteur de 7 000 000 de francs et condamné celui-ci à payer ladite somme entre les mains de M. C..., l'arrêt rendu le 19 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;

Condamne M. C..., ès qualités, et M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. C..., ès qualités ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille.

Retourner en haut de la page