Cour de Cassation, Chambre sociale, du 6 juin 2000, 97-42.927, Inédit
Cour de Cassation, Chambre sociale, du 6 juin 2000, 97-42.927, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 97-42.927
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mardi 06 juin 2000
Décision attaquée : cour d'appel de Nancy (chambre sociale) 1997-05-05, du 05 mai 1997- Président
- Président : M. GELINEAU-LARRIVET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi formé par : 1 / M. Paulo Y... Silva, demeurant ..., 2 / M. Jonas A..., demeurant ..., 3 / M. Noël B..., demeurant ..., 4 / M. Thierry C..., demeurant 4, place du Commandant Flesch, 88600 Bruyères, 5 / M. X... Thomas, demeurant 4, HLM Jean D..., 88230 Fraize, en cassation d'un arrêt rendu le 5 mai 1997 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), au profit : 1 / de la société Sitras, société anonyme, ayant son siège ..., 2 / de M. Z..., ès qualités de représentant des créanciers de la société anonyme Sitras, demeurant ..., 3 / des AGS, ayant leur siège ..., 4 / du Centre de gestion et d'études (CGEA) Délégation régionale, ayant son siège ..., défendeurs à la cassation ; La société Sitras a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 26 avril 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Richard de la Tour, conseiller référendaire rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Boubli, Ransac, Chagny, Bouret, Lanquetin, Coeuret, conseillers, M. Frouin, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, Andrich, MM. Rouquaryol de Boisse, Funck-Brentano, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Richard de la Tour, conseiller référendaire, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la société Sitras, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que MM. Y... Silva, A..., B..., C... et E... étaient salariés de la société Sitras ; qu'en décembre 1994, ils ont demandé à l'employeur l'amélioration de certaines de leurs conditions de travail ; que le 7 juin 1995 au soir pour M. A..., le 8 juin 1995 au matin pour MM. Y... Silva, B... et E..., le 22 juin 1995 pour M. C..., les salariés ont déclaré à l'employeur qu'ils se retiraient de leur situation de travail qui présentait un danger grave et imminent pour leur santé ; que le 12 juin 1995, l'inspecteur du travail a enjoint à l'employeur d'effectuer un certain nombre de travaux ; que le 20 juin 1995, M. A... a été licencié pour faute grave pour avoir refusé d'exécuter son travail et d'avoir quitté son lieu de travail le 7 juin 1995 ; que devant le refus de l'employeur de régler les salaires correspondant à la période durant laquelle ils s'étaient retirés, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de ces sommes ; qu'en cours d'instance, le 5 février 1996, M. A... a contesté le bien fondé de son licenciement et les autres salariés ont demandé la résiliation judiciaire de leurs contrats de travail aux torts de l'employeur ; qu'à la suite d'un conflit collectif de travail, MM. Y... Silva, B... et C... ont été licenciés pour faute lourde le 26 février 1996 pour avoir personnellement interdit l'accès des locaux aux salariés de l'entreprise ; que M. E... a été licencié pour faute grave le 18 septembre 1996 pour avoir refusé de réintégrer son travail en se prévalant d'un danger ; Sur le quatrième moyen du pourvoi principal en tant qu'il concerne MM. Y... Silva, B... et C... : Attendu que MM. Y... Silva, B... et C... font grief à l'arrêt de ne pas avoir statué sur leurs demandes de résiliation des contrats de travail à la date du 5 février 1996 aux torts de l'employeur, de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et des indemnités de rupture alors, selon le moyen, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui déboute les salariés de leur demande de résiliation judiciaire, sans s'expliquer sur les moyens des conclusions de salariés faisant valoir que l'inexécution par l'employeur de ses obligations autorise les salariés demandeurs à mette fin à leur contrat de travail aux torts de celui-ci ; Mais attendu que la cour d'appel ayant accordé aux intéressés des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le moyen est irrecevable faute d'intérêt ; Sur le cinquième moyen du pourvoi principal : Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt d'avoir limité son indemnité conventionnelle de licenciement à 2 651,20 francs alors, selon le moyen, que M. E... bénéficiait d'une ancienneté de sept ans et un mois compte tenu de la durée du préavis ; que la cour d'appel a basé son calcul sur une ancienneté de deux ans ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 37 de la convention collective des industries métallurgiques des Vosges ; Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié avait été engagé en juillet 1994 ; que le moyen qui ne tend qu'à remettre en cause les constatations des juges du fond ne saurait être accueilli ; Sur le sixième moyen du pourvoi principal : Attendu que M. E... reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande d'indemnité de congés payés pour la période 1994-1995 sans motiver sa décision et en violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que le moyen ne tend qu'à dénoncer une omission de statuer qui ne peut être réparée que selon la procédure de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile et ne donne pas ouverture à cassation ; qu'il est, dès lors, irrecevable ; Sur le quatrième moyen du pourvoi principal en ce qu'il concerne M. E... et sur le septième moyen du pourvoi principal : Attendu que M. E... qui prétend qu'il n'avait pas réintégré son travail malgré une mise en demeure en raison d'un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, fait grief à l'arrêt de ne pas avoir statué sur sa demande de résiliation des contrats de travail à la date du 5 février 1996 aux torts de l'employeur, de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et des indenmités de rupture alors, selon le moyen, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui déboute le salarié de sa demande de résiliation judiciaire, sans s'expliquer sur les moyens des conclusions du salarié faisant valoir que l'inexécution par l'employeur de ses obligations autorise le salarié demandeur à mettre fin à son contrat de travail aux torts de celui-ci ; que M. E... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sans s'expliquer sur les moyens des conclusions du salarié faisant valoir que l'employeur a manifesté un comportement rendant imputable le licenciement à ce dernier ; Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, répondant aux conclusions, a estimé que le salarié ne justifiait pas d'une situation de danger grave et imminent pour sa santé ou sa vie en septembre 1996 et que son absence était injustifiée ; Et attendu, ensuite, que la cour d'appel a statué sur les demandes de M. E... relatives à la rupture de son contrat de travail en° déclarant que son licenciement avait une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le moyen unique du pourvoi incident : Attendu que la société Sitras fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de MM. Y... Silva, B... et C... était sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à leur payer diverses sommes alors, selon le moyen, d'une part, que la renonciation tacite à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en jugeant que le protocole du 2 février 1996, par lequel les salariés assignés en référé aux fins d'expulsion s'engageaient à quitter le site et à faire cesser toute entrave à la liberté du travail et la société Sitras déclarait seulement renoncer à sa demande d'astreinte, impliquait la renonciation par cette dernière à toute sanction pour les faits dénoncés en référé, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et L. 521-1 du Code du travail et alors, d'autre part, qu'en affirmant que le constat d'huissier du 31 janvier 1996 ne permet pas de caractériser la responsabilité personnelle de MM. Y... Silva, B... et C..., la cour d'appel a dénaturé ce document dans lequel l'huissier relate qu'il a constaté la présence dans la cour de l'usine d'un groupe de personnes auquel appartenaient les trois salariés précités notamment cités, qui empêchaient tout autre salarié de pénétrer dans l'atelier aux fins de vérification de leur contrat de travail et violé l'article 1134 du Code civil et alors, enfin, qu'en déclarant la participation personnelle de MM. Y... Silva, B... et C... à l'entrave à la liberté du travail non établie sans rechercher si ceux-ci n'avaient pas admis s'y être livrés dans le procès-verbal de conciliation du 2 février 1996, en s'engageant à quitter l'usine et à y mettre fin, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 511-1 du Code du travail ; Mais attendu qu'appréciant, sans les dénaturer, le constat d'huissier et le procès-verbal de conciliation, la cour d'appel a relevé qu'il n'était pas établi que MM. Y... Silva, B... et C... aient participé personnellement à l'atteinte à la liberté du travail qui leur était reprochée ; qu'elle a ainsi, abstraction faite des motifs critiqués dans la première branche du moyen et qui sont surabondants, légalement justifié sa décision ; Mais sur le premier moyen du pourvoi principal : Vu les articles L. 231-8-1 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que pour décider que M. A... avait commis une faute grave et pour le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, après avoir relevé que M. A... avait excusé son départ précipité de l'entreprise le 7 juin en indiquant qu'il devait se rendre à l'Union locale CGT pour bénéficier d'une assistance au moment où une partie du personnel allait engager une procédure de retrait, a décidé que cette manifestation d'insubordination caractérisée, rapprochée d'une précédente sanction de mise à pied intervenue en décembre 1994 pour des faits similaires, constituait une faute grave privative des indemnités de préavis et de licenciement et que même si la procédure de licenciement était concomitante avec la décision de retrait des salariés, M. A... n'a pas rapporté la preuve de ce que la sanction édictée contre lui se rapportait à l'exercice du droit prévu à l'article L. 231-8-1 du Code du travail ; Qu'en statuant ainsi, après avoir reconnu que les salariés qui se sont retirés de leur travail le 8 juin 1995 au matin avaient eu un motif raisonnable de penser que leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou pour leur santé et alors que M. A... invoquait pour justifier son absence le 7 juin au soir la mise en place de cette procédure de retrait et que son action était indissociable de l'action des autres salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et sur les deuxième et troisième moyens réunis du pourvoi principal : Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que pour débouter MM. Y... Silva, B... et E... de leur demande de paiement de salaires pour la période postérieure au 20 juin 1995, la cour d'appel a estimé qu'antérieurement à cette date, les salariés avaient un motif raisonnable de penser que leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leurs personnes et que, toutefois, à partir des mises en demeure notifiées par l'inspecteur du travail à la société Sitras et aux intéressés le 20 juin 1995, ceux-ci ne pouvaient plus sérieusement et de bonne foi se prévaloir du droit de retrait ; Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des salariés qui soutenaient que l'employeur s'était opposé à ce qu'ils reprennent le travail postérieurement au 20 juin 1995, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a débouté MM. Y... Silva, B... et E... de leurs demandes en paiement de salaires pour la période postérieure au 20 juin 1995 et en ce qu'il a débouté M. A... de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnités de licenciement, l'arrêt rendu le 5 mai 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille.