Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 6 juin 2000, 97-18.839, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société bordelaise de CIC, société anonyme, dont le siège est ..., venant aux droits de la société anonyme CIC (venant elle-même aux droits de la banque Majorel) par suite de la fusion absorption de la société aveyronnaise de CIC,

en cassation d'un arrêt rendu le 9 juillet 1997 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile, section A), au profit de l'Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de la ville de Paris, dont le siège est ...,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 27 avril 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Graff, conseiller référendaire rapporteur, MM. Tricot, Badi, Mmes Aubert, Vigneron, Tric, Besançon, Lardennois, conseillers, MM. de Monteynard, Delmotte, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Graff, conseiller référendaire, les observations de la SCP Parmentier et Didier, avocat de la société bordelaise de CIC, de Me Foussard, avocat de l'Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de la ville de Paris, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Montpellier, 9 juillet 1997), que la société Auto home international (société AHI) s'est trouvée débitrice de loyers dus à l'Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de la ville de Paris ; que la société AHI ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, l'OPAC a assigné en paiement la société aveyronnaise de CIC, aux droits de laquelle vient la société bordelaise de CIC, en invoquant un engagement de caution signé le 18 juillet 1991, réitéré le 18 novembre 1991, par la société banque Majorel, banquier de la débitrice principale, dont l'activité avait été reprise par la société agenaise de CIC, aux droits de laquelle est venue la société aveyronnaise de CIC, aux termes d'un jugement du 19 mars 1992 arrêtant le plan de cession de la banque Majorel, mise en redressement judiciaire ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société bordelaise de CIC fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la banque Majorel s'est portée caution de la société AHI et d'avoir condamné la société bordelaise de CIC à payer à l'OPAC de la ville de Paris la somme de 720 298, 40 francs, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 février 1994, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'acte rédigé par la banque Majorel stipulait que cette dernière s'engageait, si nécessaire, à se porter caution solidaire de la société AHI pour garantir le paiement des loyers dus à ce jour à l'OPAC de Paris ;

qu'en jugeant que cette déclaration s'analysait comme étant un engagement de caution, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'offre de cautionnement qui lui était soumise en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que lorsqu'un engagement de caution est conditionnel, la condition affecte l'existence même de cet engagement et non l'existence de l'éventuelle obligation au paiement de la caution, objet de cet engagement ; qu'en jugeant que l'engagement conditionnel de la banque Majorel de se porter caution était subordonné à l'impossibilité du débiteur principal de payer sa dette envers le créancier, la cour d'appel, qui a confondu l'engagement de caution et l'obligation au paiement, objet de cet engagement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles 1168 et 2011 du Code civil ; et, alors, enfin, que la banque Majorel avait émis deux propositions de cautionnement à l'attention de la société AHI les 18 juillet et 18 novembre 1991, lesquelles n'avaient reçu aucune acceptation expresse de la part de l'OPAC de Paris, et qu'au surplus le protocole d'accord signé par ce dernier et la société AHI, le 24 avril 1992, ne faisait nullement référence à une quelconque garantie accordée par la banque Majorel ; qu'en estimant, dès lors, que les poursuites exercées par le créancier, près de trois ans après l'offre de la banque Majorel, valaient acceptation et rendaient parfait le contrat de cautionnement, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'engagement réitéré de la banque Majorel de se porter caution était subordonné à l'impossibilité du débiteur principal de payer ses loyers en retard, "l'expression "si nécessaire" faisant implicitement mais nécessairement allusion au caractère accessoire du cautionnement" ; que, par ces motifs, d'où il résulte que les actes souscrits n'étaient affectés d'aucune condition au sens de l'article 1168 du Code civil, la cour d'appel, procédant à l'interprétation des engagements que leur ambiguïté rendait nécessaire, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que le créancier a manifesté son accord en mettant en demeure la caution de s'exécuter ; qu'ayant ainsi fait ressortir l'acceptation tacite par le créancier de l'engagement de la caution, et dès lors que la société bordelaise de CIC ne démontrait ni même n'alléguait que les cautionnements étaient devenus caducs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société bordelaise de CIC fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le cessionnaire d'une branche d'activité d'une entreprise en exécution d'un plan de redressement judiciaire n'étant pas l'ayant droit à titre universel du débiteur, ne peut se voir imposer d'autres charges que les engagements souscrits par lui lors de la préparation du plan ; qu'en l'espèce, l'offre de reprise partielle de la banque Majorel, présentée par la société agenaise de CIC, stipulait expressément que la reprise portait notamment sur tous les crédits accordés à la clientèle sous quelque forme que ce soit y compris les crédits par signature, notamment garantie à première demande, caution, lettre d'intention, etc... à condition qu'ils figurent dans la comptabilité de la banque Majorel ; qu'en condamnant, dès lors, la société bordelaise de CIC à payer à l'OPAC une somme, en qualité de caution, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'engagement litigieux, consenti par la banque Majorel, figurait dans la comptabilité de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 62 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que les engagements de garantie d'ordre de la clientèle doivent figurer au hors bilan des comptes annuels des établissements de crédit ; qu'en décidant, dès lors, que l'engagement de caution, qui aurait été souscrit par la banque Majorel, ne pouvait figurer dans la comptabilité de cette dernière, la cour d'appel a violé ensemble les articles 54 de la loi du 24 mars 1984 et 3.1 du règlement n° 91-01 du 16 janvier 1991 du comité de la règlementation bancaire ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des preuves produites que l'arrêt retient que la société bordelaise de CIC n'explique pas pour quelle raison les engagements litigieux antérieurs à la cession n'auraient pas été régulièrement comptabilisés et ne figureraient pas dans le passif cédé ;

que, par ce seul motif, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autres recherches dès lors que les éléments utiles de la comptabilité étaient détenus par la caution, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société bordelaise de CIC aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de la ville de Paris ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille.

Retourner en haut de la page