Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 11 janvier 2000, 97-16.257, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Alfred X..., demeurant ..., FL 34630 Clearwater Beach, (Etats-Unis),

en cassation du jugement n° 165 rendu le 25 mars 1997 par le tribunal de grande instance de Quimper, au profit de M. Y... général des impôts, domicilié ...,

défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 novembre 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Poullain, conseiller rapporteur, Mme Lardennois, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Poullain, conseiller, les observations de Me Ricard, avocat de M. X..., de Me Thouin-Palat, avocat du directeur général des impôts, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Quimper, 21 janvier 1997), que M. X... a cédé la totalité de ses actions de la société Gelva à la société Tipiak pour laquelle il a exercé, jusqu'en mars 1991, la fonction de directeur commercial chargé des exportations ; que, le 13 janvier 1992, un redressement lui a été notifié par la brigade de vérifications générales des impôts de Quimper, pour établir qu'il devait être assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l'année 1991 ; qu'il y a répondu qu'installé aux Etats-Unis depuis octobre 1990 il ne remplissait plus les conditions de résidence fiscale définies au Code général des impôts ; que mis en demeure de déposer une déclaration d'ISF pour 1991, il a déclaré l'avoir fait à la recette des non-résidents ; que, maintenant sa position, l'Administration lui a adressé, le 30 juin 1992, une notification de redressement pour établir le montant de sa dette fiscale au titre de l'ISF ; que, le 19 octobre 1992, elle a mis en recouvrement l'impôt qu'elle estimait être dû , ainsi que les intérêts de retard prévus à l'article 1729 du Code général des impôts et la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du même code ; que sa réclamation étant restée sans réponse, M. X... a assigné le directeur régional des impôts de Bretagne pour faire annuler la procédure administrative et obtenir la décharge des sommes mises en recouvrement ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... reproche au jugement d'avoir retenu la compétence du tribunal de grande instance de Quimper, et de l'avoir condamné à un rappel d'impôt sur la fortune au titre de l'année 1991, avec majoration et pénalités, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'au regard de l'article 3 de la Convention franco-américaine du 28 juillet 1967, il devait être considéré comme résident aux Etats-Unis dans la mesure où il y disposait d'un foyer permanent d'habitation et subsidiairement y possédait le centre de ses intérêts vitaux ; que par application du seul texte conventionnel sa résidence ne pouvait être en France ; qu'en affirmant le contraire les premiers juges ont violé par fausse application la Convention ; et alors, d'autre part, et très subsidiairement, qu'au regard même de l'article 4 du Code général des impôts, il ne pouvait être soutenu qu'il disposait en France de son domicile fiscal dans la mesure où il n'y avait pas son activité principale, ni le centre de ses intérêts économiques ;

Mais attendu, d'une part, que l'article 3.3 de la Convention franco-américaine du 28 juillet 1967 ne permet de trancher un éventuel conflit en retenant la compétence fiscale de l'un des Etats signataires à l'égard d'une personne physique que dans le cas où celle-ci est "résidente de chacun des Etats contractants"; que le jugement constate que M. X... n'apporte pas la preuve qu'il ait une telle qualité ; que, dès lors, le Tribunal qui n'avait pas examiné sa situation au regard des règles de solution d'un conflit de compétence fiscale a pu statuer comme il a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, d'autre part, que le Tribunal relève que M. X... se faisait régulièrement domicilier au lieudit Kérouel à Trégunc, son seul domicile connu, qu'il est resté jusqu'en mars 1991 salarié à temps complet de la société Tipiak, comme directeur commercial chargé de "l'export", ce qui constituait son activité essentielle et qu'en outre, la plus grande part de son patrimoine était en France au 1er janvier 1991 ; que le moyen qui se borne à remettre en cause ces constatations souveraines, ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

. Attendu que M. X... reproche encore au jugement d'avoir rejeté les exceptions de procédure qu'il avait présentées, alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans la mesure où il a été démontré qu'il n'était pas domicilié en France, l'inspecteur des impôts dépendant de la Direction régionale des impôts de Bretagne était incompétent ; qu'ainsi en décidant le contraire, les premiers juges ont violé l'article 376 annexe Il du Code général des impôts alors en vigueur ; alors, d'autre part, que la notification de redressement du 30 juin 1992 ne comporte pas la mention expresse des dispositions du Code général des impôts qui constituent le fondement du redressement ; que ce vice est rédhibitoire, peu important le fait que le contribuable ait pu formuler des observations ; qu'en conséquence, la notification de redressement est irrégulière et la cassation s'impose pour violation de l'article L .57 du Livre des procédures fiscales ; alors, de troisième part, que la réponse à ses observations ne comporte pas non plus la mention des dispositions du Code général des impôts qui constituent le fondement du redressement, ni la signature d'un inspecteur principal ; qu'ainsi, tant la lettre de l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales que de l'article L. 80 E du même livre a été violée par les premiers juges qui ont considéré cette réponse comme régulière ; et alors, enfin, que l'avis de mise en recouvrement ne comporte pas les éléments de calcul des droits et pénalités et que le renvoi à la notification de redressements elle-même incomplète ne peut suppléer cette carence ; qu'ainsi, en jugeant que ledit avis était régulier, les premiers juges ont violé l'article R. 256-1 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, d'une part, que le moyen critiquant fixation du domicile fiscal de M. X... en France devant être rejeté, la première branche du second moyen est dépourvue de fondement ;

Attendu, d'autre part, que le Tribunal constate que la procédure administrative de fixation de l'impôt sur la fortune dû par M. X... au titre de l'année 1991, s'est déroulée en deux phases, la première tendant à établir qu'il devait être assujetti à cette imposition, la seconde à en déterminer le montant, que, dans la première, M. X... a répondu à la notification de redressement du 13 janvier 1992 ne plus remplir "les critères du résident fiscal tels que définis par la Code général des impôts", et que, l'administration ayant "maintenu sa position", la discussion s'est poursuivie sur le même sujet dans le second redressement, et jusqu'au terme de la procédure administrative, M. X... ayant encore contesté avoir son domicile fiscal en France dans sa réclamation ; que M. X..., qui a répondu sur l'application des dispositions du Code général des impôts relatives au domicile fiscal dès ses observations en réponse au premier redressement n'a jamais prétendu que ce redressement ne visait pas expressément l'article 4 B du Code général des impôts ; que le second redressement, notifié le 30 juin 1992 ne peut, pour l'appréciation de sa régularité au regard des informations fournies au contribuable pour garantir le caractère contradictoire de la procédure, être dissocié de celui qui a ouvert la procédure d'établissement de l'imposition litigieuse qu'il poursuit et complète ; que, dès lors, le Tribunal a pu décider que l'absence de

nouveau visa de l'article 4 B dans ce second redressement n'affectait pas sa régularité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, de troisième part, que le jugement relève, d'un côté, que la réponse critiquée qui vise la notification du 30 juin 1992 n'avait pas, comme celle-ci où apparaît la décision d'appliquer la majoration prévue par l'article 1729 du Code général des impôts, à être visée par un inspecteur principal et que, tenue de motiver sa réponse, l'administration ne l'était pas de faire une nouvelle référence aux textes que mentionne cette notification qui continue la discussion sur l'application de l'article 4 B du Code général des impôts ; qu'au vu de ces constatations le jugement a pu décider que la réponse aux observations sur le second redressement a satisfait à l'exigence de motivation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé que l'avis de mise en recouvrement du 19 octobre 1992 vise expressément la notification de redressement du 30 juin 1992, laquelle comporte le décompte de l'imposition due au titre de l'ISF, expose les raisons pour lesquelles cette somme sera majorée de 40 % en application de l'article 1729 du CGI et, sur les intérêts de retard que l'avis de mise en recouvrement chiffre à la date du 31 juillet 1992, se réfère à l'article 1727 du même Code, le jugement retient qu'ainsi, les bases de calcul sont expressément données au contribuable et qu'avec la référence à cette notification, l'administration a satisfait à son obligation de motivation; qu'au vu de ces constatations et appréciations, le tribunal a pu statuer comme il a fait ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses quatre branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... reproche au jugement de l'avoir condamné à payer une certaine sommes au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, majorée de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du Code général des impôts et de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du Code général des impôts , alors, selon le pourvoi, d'une part, que la somme de 60 000 000 francs ne figurant plus au crédit des comptes bancaires de l'intéressé, le Tribunal ne pouvait l'inclure dans l'assiette de l'ISF ; qu'en conséquence les premiers juges ont violé par fausse application l'article 885 E du CGl ; alors, d'autre part, que ne disposant pas de domicile en France, il ne pouvait se voir appliquer le forfait mobilier de 5 % ; qu'il n'avait en tout état de cause pas à fournir de déclaration qu'en imposant cette formalité, les premiers juges ont fait une inexacte application de l'article 764-1-3 du Code général des impôts ; et alors, enfin, que la mauvaise foi n'était pas établie dans le présent litige ;

qu'en affirmant le contraire, les premiers juges ont violé l'article 1729 du Code général des impôts ;

Mais attendu, d'une part, que le Tribunal relève qu'au premier janvier 1991, les fonds provenant de la cession de l'entreprise de M. X... étaient en France, soit y étant déposés en espèces sur des comptes bancaires, soit qu'ils aient été placés en parts de fonds communs de placement français ou de SICAV françaises ; que n'étant pas soutenu que de telles valeurs auraient, en application de la Convention, dû être exclues de l'assiette de l'ISF, la critique de cette formulation est inopérante ;

Attendu, d'autre part, que le jugement relève exactement que le forfait mobilier de 5 % prévu par l'article 754-I.3 du Code général des impôts était applicable à M. X..., qui a son domicile fiscal en France, faute pour lui d'avoir présenté une déclaration détaillée relative à ses biens meubles ou faisant apparaître leur inexistence ;

Attendu enfin que le Tribunal, motivant en fait son appréciation dès lors souveraine, a établi la mauvaise foi de M. X... ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille.

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