Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 30 novembre 1999, 96-18.939, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Caisse mutuelle de dépôts et de prêts de Villers-Le-Lac, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 14 juin 1996 par la cour d'appel de Besançon (2e chambre commerciale), au profit de la société Binetruy frères, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 octobre 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Leclercq, Poullain, Métivet, Mmes Garnier, Lardennois, conseillers, M. Huglo, Mmes Mouillard, Champalaune, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la Caisse mutuelle de dépôts et de prêts de Villers-Le-Lac, de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la société Binetruy frères, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 janvier 1996), que la SARL SFOM a tiré sur la société Binetruy une lettre de change qui a été escomptée par la Caisse mutuelle de dépôts et de prêts de Villiers-Le-Lac (CMDP) ; qu'à l'échéance du 20 juin 1992, l'effet est revenu impayé et à été prorogé jusqu'au 10 juillet 1992 ; que le 29 juin 1992, il a été porté au débit du compte de la société SFOM avec la mention "impayé effet Binetruy" et au crédit avec la mention "escompté" ;

que, la CMDP n'ayant pu obtenir paiement de cet effet, elle a alors réclamé paiement au tiré ;

Attendu que la CMDP fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en se bornant à énoncer, pour estimer que l'écriture de crédit passée le 29 juin 1992 sur le compte de la société SFOM révélait l'existence d'un nouvel escompte de la lettre de change, et ne pouvait être tenue pour la régularisation d'une erreur liée à la gestion informatique de ce compte, bien qu'elle soit intervenue le même jour que l'écriture de débit correspondante, que "si le banquier avait simplement voulu annuler une opération malencontreuse, il n'aurait pas, comme en l'espèce, donné à l'opération de débit une date de valeur antérieure de cinq jours à celle qu'il a conférée à la nouvelle opération créditrice, car ce faisant l'opération est génératrice de frais et d'agios pour le banquier, et l'on n'imagine pas qu'il puisse faire payer ses erreurs à ses clients", la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 121 du Code de commerce ; alors, d'autre part, et à titre subsidiaire, qu'en se bornant à se prononcer sur le défaut de provision et la connaissance que pouvait en avoir la banque à l'échéance du 20 juin 1992, après avoir constaté que l'échéance avait été prorogée au 10 juillet suivant, sans rechercher si la banque savait, le 29 juin 1992, date à laquelle elle aurait escompté la lettre de change pour la seconde fois, que la provision ne serait pas constituée à l'échéance prorogée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du Code de commerce ; qu'en outre, et à titre encore plus subsidiaire, en se déterminant à partir de motifs desquels il ne résulte pas que la banque avait conscience, le 29 juin 1992, date à laquelle elle aurait escompté la lettre de change pour la seconde fois, d'empêcher la société Binetruy, tiré accepteur, de se prévaloir de l'exception de défaut de provision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du Code de commerce ; qu'au surplus, il résulte de l'avis de lettre de change impayée qui était produit aux débats que l'effet litigieux a été rejeté, à l'échéance du 20 juin 1992, au motif suivant : "date d'échéance contestée" ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que la lettre de change n'avait pas été payée à l'échéance initiale du 20 juin 1992 "en raison du défaut de provision", la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; et qu'enfin, la lettre de change ayant été rejetée, à l'échéance du 20 juin 1992, parce que sa date d'échéance était contestée, et la banque n'ayant nullement indiqué, dans ses écritures d'appel, avoir alors été avisée qu'elle n'avait pas été payée "en raison du défaut de provision", la cour d'appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du Code de commerce en retenant, sans s'expliquer sur cette singulière affirmation, qu'"il n'est pas discuté que la CMDP a été alors avisée du refus de paiement et de son motif" ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, procédant à l'appréciation des faits qui relevait de sa compétence, a relevé que la banque avait procédé à un nouvel escompte litigieux et que rien ne permettait de dire que le tiré avait été seulement consulté sur la prorogation de la lettre de change au 10 juillet 1992 ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt n'ayant fait aucune référence à l'avis de lettre de change impayée, la cour d'appel n'a pu dénaturer celui-ci ;

Et attendu, enfin, que, la cour d'appel ayant souverainement constaté que la lettre de change avait été rejetée pour défaut de provision, le moyen manque en fait en ce qu'il invoque un rejet de cette lettre de change pour contestation de la date d'échéance ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse mutuelle de dépôts et de prêts de Villiers-Le-Lac aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à la société Binetruy frères la somme de 10 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.

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