Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 8 juillet 1999, 97-14.847, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société La Coupole, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 11 décembre 1996 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre civile, section B), au profit :

1 / de la société civile immobilière (SCI) de Bretagne, dont le siège est ...,

2 / de M. Etienne Z...,

3 / de Mme Anne-Marie X..., épouse Y... de Coutard,

demeurant tous deux ..., défendeurs à la cassation ;

La SCI de Bretagne a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La SCI de Bretagne, demanderesse au pourvoi incident, déclare adopter les conclusions du mémoire ampliatif déposé par la société La Coupole ;

Les demanderesses au pourvoi principal et incident invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens identiques de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 juin 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Guerder, conseiller rapporteur, MM. Pierre, Dorly, Mme Solange Gautier, M. de Givry, conseillers, Mme Kermina, M. Trassoudaine, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Guerder, conseiller, les observations de Me Copper-Royer, avocat de la société La Coupole et de la société civile immobilière de Bretagne, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant tant sur le pourvoi incident formé par la SCI de Bretagne que sur le pourvoi principal formé par la société La Coupole ;

Sur le premier moyen et le second moyen, réunis :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Angers, 11 décembre 1996), que les époux Y... de Coutard ont acheté, le 3 janvier 1994, une maison d'habitation qui avait été édifiée en 1968 et qui était incluse, depuis 1992, dans une zone réservée aux activités industrielles et artisanales ; que l'acte de vente a précisé qu'il existait une discothèque jouxtant la propriété vendue ; que, se plaignant des nuisances sonores liées à l'exploitation de cette discothèque, les époux Y... de Coutard ont assigné en cessation des troubles et réparation de leur préjudice la société à responsabilité limitée La Coupole discothèque rétro, exploitante, et la SCI de Bretagne, propriétaire des murs de la discothèque ;

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de les avoir déclarées responsables de troubles anormaux de voisinage et de les avoir condamnées in solidum à faire des travaux ainsi qu'à payer une provision, alors, selon le moyen, qu'en premier lieu, les calculs de l'émergence, permettant de mesurer les nuisances sonores, supposaient l'application d'un correctif lié à la nature de la zone industrielle et artisanale où était implantée la discothèque ; que la cour d'appel, en faisant abstraction de tout correctif de cette sorte, n'a pas caractérisé l'infraction qu'elle a imputée aux sociétés ; qu'elle a violé les dispositions des décrets des 5 mai 1988 et 18 avril 1995 et de l'article R. 48-4 du Code de la santé publique ; qu'en deuxième lieu, la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur le moyen déterminant des conclusions des sociétés sur le jeu de ce correctif et l'incidence de la nature de la zone sur les mesures des nuisances ; qu'elle n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en troisième lieu, la destination originaire des lieux troublés n'était pas celle d'une habitation familiale, mais d'un local accessoire à une exploitation commerciale ; que le classement en zone UEI, à vocation artisanale et industrielle, a interdit ensuite la construction de telles demeures familiales ; que la cour d'appel n'a pas tenu compte de cette destination originaire de l'immeuble en cause et des contraintes découlant du classement en zone UEI ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et suivants du Code Civil ; qu'en quatrième lieu, l'acte de vente de Mme A... aux époux Y... de Coutard mentionnait expressément la présence de la discothèque et le classement de la zone UEI ; que les époux Y... de Coutard étaient donc pleinement informés des nuisances sonores possibles, préexistant à leur acquisition ; que la cour d'appel, en négligeant ces données essentielles, n'a pas donné, sur ce point encore, de base légale à son arrêt au regard des articles 1382 et suivants du Code civil ; qu'en cinquième lieu, l'habitude du lieu, la nature de la zone, le comportement des occupants originaires constituaient autant de critères de l'anormalité du trouble allégué ; qu'en ne s'attachant pas à la pré-occupation collective, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des mêmes dispositions des articles 1382 et suivants du Code Civil ;

Mais attendu que l'émergence admise en application de l'article R.48-4 du Code de la santé publique, issu du décret du 18 avril 1995, ne peut être augmentée que d'un terme correctif correspondant à la durée d'apparition du bruit particulier incriminé ;

Et attendu que l'arrêt retient que le bruit ambiant comportant le bruit particulier de la discothèque atteignait 55 dba, que l'émergence nocturne de 3 dba, admissible en application de l'article R. 48-4 du Code de la santé publique, devait être augmentée d'un terme correctif, chiffré par l'expert à 2 dba, et que sur ces bases, le dépassement des valeurs admises variaient de 2,5 à 10 dba, selon que les portes de la discothèque étaient fermées ou ouvertes ; que le décret du 5 mai 1988 ne distinguant pas plus que l'article R. 48-4 du Code de la santé publique aujourd'hui entre zones pavillonnaire, urbaine, industrielle ou artisanale, l'infraction était tout à fait claire ; qu'en s'installant, à travers l'acquisition d'une maison édifiée avant intervention d'un plan d'occupation des sols, dans un endroit qui constituait désormais une zone vouée aux activités industrielles, artisanales ou commerciales, les époux Y... de Coutard n'ont pas accepté le risque d'être troublés dans leur sommeil par une discothèque violant les dispositions réglementaires destinées à la protection contre les bruits de voisinage ; qu'à cet égard, force est de constater que l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation ne peut être d'aucun secours aux sociétés puisque l'activité occasionnant les nuisances s'exerçait en méconnaissance des dispositions réglementaires en vigueur, issues du décret du 5 mai 1988 dont la teneur a été conservée par le décret du 18 avril 1995 ;

Que, par ces constatations et énonciations, la cour d'appel qui, répondant aux conclusions, a caractérisé l'infraction à la réglementation en matière de lutte contre les bruits de voisinage, et l'absence de faute des victimes, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les sociétés aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.

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