Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 4 novembre 1998, 96-21.969, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / M. Raymond Y...,

2 / Mme Martine X..., épouse Y...,

demeurant tous deux ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 4 novembre 1996 par la cour d'appel d'Agen (1re chambre), au profit :

1 / de la société civile immobilière (SCI) Place Jasmin, dont le siège est ..., prise en la personne de son gérant, M. Pierre Z...,

2 / de la société Grand Café Foy, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., prise en la personne de son gérant, M. Pierre Z...,

défenderesses à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 29 septembre 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Bourrelly, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Bourrelly, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat des époux Y..., de la SCP Tiffreau, avocat de la SCI Place Jasmin et de la société Grand Café Foy, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 4 novembre 1996), que les époux Y..., locataires-gérants d'un fonds de commerce appartenant à la société Grand Café Foy, ont obtenu en référé la condamnation de celle-ci à procéder dans les lieux aux travaux prescrits par la commission de sécurité, ainsi qu'une expertise sur des fuites d'eau ; que la société civile immobilière Place Jasmin (SCI), bailleresse des locaux où le fonds était exploité, a été partie à l'instance ; que devenus cessionnaires du fonds, les époux Y... ont demandé la condamnation de la société Grand Café Foy et de la SCI Place Jasmin à mettre les lieux en conformité aux normes de sécurité et à leur payer des dommages-intérêts ;

Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de condamnation de la société Grand Café Foy à effectuer les travaux prescrits par la commission de sécurité, alors, selon le moyen, "qu'il était constant que le contrat de location-gérance de son fonds de commerce consenti par la société Grand Café Foy aux époux Y... incluait la sous-location des lieux dans lequel ce fonds était exploité ; que le contrat de sous-location produit tous les effets d'un contrat de location ordinaire ; qu'en particulier, l'obligation "d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée", posée par l'article 1719, 2 du Code civil pèse sur le locataire principal qui sous-loue l'immeuble, comme sur tout bailleur d'immeuble ; que, par conséquent, lorsque la location-gérance comporte une sous-location de l'immeuble où est exploité le fonds, le bailleur à la location-gérance est tenu, aussi bien que le bailleur d'immeuble, d'exécuter les travaux ordonnés par l'autorité administrative sauf stipulation expresse contraire ; qu'en se fondant sur une clause de l'acte de location-gérance qui ne stipulait pas expressément que les travaux prescrits par l'autorité publique seraient à la charge du locataire, pour débouter les époux Y... de leur demande, la cour d'appel a violé l'article 1719, 2 du Code civil" ;

Mais attendu que le contrat de location-gérance ne constituant pas une sous-location, la cour d'appel, qui a constaté que, dans la promesse de vente, le locataire-gérant prendrait le fonds dans l'état où il se trouverait, en a justement déduit que les époux Y... ne pouvaient obtenir que les travaux prescrits par la commission de sécurité soient mis à la charge de la société Grand Café Foy ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de condamnation de la SCI Place Jasmin à procéder aux travaux nécessaires pour rendre accessible la terrasse du café, alors, selon le moyen, "que les époux Y... avaient soutenu dans leurs conclusions d'appel qu'ils avaient, en vertu du bail, la jouissance de la terrasse litigieuse ; qu'en se fondant sur les seuls plans annexés à l'acte de cession du fonds de commerce pour juger que la terrasse litigieuse n'était pas incluse dans le bail, sans rechercher si les clauses de l'acte lui-même ne révélaient pas que la société civile immobilière avait également reconnu aux époux Y... un droit de jouissance sur la terrasse litigieuse, de sorte qu'elle était en réalité bien incluse dans le bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil" ;

Mais attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en relevant souverainement, par motifs propres, qu'il ressortait des plans annexés à l'acte de cession du fonds de commerce que la terrasse n'était pas prévue dans les locaux dont le bail était cédé, et, par motifs adoptés, procédant à la recherche prétendument omise, que le bail n'en faisait pas mention ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de condamnation de la SCI Place Jasmin et de la société Grand Café Foy à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les infiltrations, provenant de la terrasse du premier étage, alors, selon le moyen, "1 ) que le bailleur, tenu d'une obligation continue de maintenir les locaux loués en état d'usage en vertu de l'article 1719, 2 du Code civil, doit non seulement faire procéder aux travaux s'avérant nécessaires en cours de bail mais encore indemniser le locataire du préjudice causé par le défaut d'entretien de l'immeuble, avant sa remise en état ; qu'il était constant que les fuites litigieuses résultaient de la vétusté de l'immeuble ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1719, 2 du Code civil ; 2 ) que le motif tiré de ce que les époux Y... auraient commis une imprudence en procédant aux travaux d'embellissement du café sans se préoccuper des gouttières ni de la non-conformité des lieux était parfaitement inopérant pour rejeter leur demande d'indemnité pour le trouble commercial consécutif aux fuites elles-mêmes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1719, 2 du Code civil ; 3 ) que la prétendue faute reprochée aux époux Y... ne pouvait exonérer complètement le bailleur de sa responsabilité pour avoir omis d'entretenir en bon état d'étanchéité les lieux loués, mais seulement aboutir à un partage de responsabilité entre celui-ci et les locataires ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans relever que le comportement des époux Y... était constitutif d'un cas de force majeure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147et 1719, 2 du Code civil" ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve versés aux débats, la cour d'appel, devant laquelle les époux Y... n'invoquaient pas la vétusté des lieux donnés à bail, et qui a relevé, par motifs propres et adoptés, que la SCI Place Jasmin avait fait procéder aux réparations nécessaires, qu'il n'était pas démontré que les problèmes dus au manque d'étanchéité aient persisté en dépit de ces travaux et que les époux Y... avaient dirigé les opérations d'embellissement sans se préoccuper des gouttières et de la non-conformité des lieux, a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que ceux-ci ne justifiaient pas d'un dommage imputable aux sociétés Place Jasmin et Grand Café Foy, et a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais, sur le premier moyen :

Vu l'article 1719, 2 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter les époux Y... de leur demande de condamnation de la SCI Place Jasmin à effectuer les travaux de mise en conformité prescrits par la commission de sécurité, l'arrêt retient qu'il avait été convenu dans le contrat de location-gérance que les époux Y... prendraient le fonds de commerce et ses accessoires dans l'état où le tout se trouvait actuellement, sans recours contre le bailleur, et que la promesse de vente contenue dans ce contrat portait que le bénéficiaire prendrait le fonds cédé et ses accessoires dans l'état où ils se trouveraient lors de l'entrée en jouissance ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme les époux Y... le soutenaient, la créance dont ceux-ci se prévalaient ne résultait pas de leur qualité de locataires de la SCI Place Jasmin, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux Y... de leur demande de condamnation de la société civile immobilière Place Jasmin à effectuer les travaux prescrits par la commission de sécurité, l'arrêt rendu le 4 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne, ensemble, la SCI Place Jasmin et la société Grand Café Foy aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Place Jasmin et de la société Grand Café Foy ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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