Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 1 décembre 1998, 96-16.010, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / M. Jehan, Michel Z...,

2 / Mme Gisèle, Marie-Louise, Georgette Y..., épouse Z...,

demeurant ensemble ...,

en cassation d'un jugement rendu le 11 mars 1996 par le tribunal de grande instance de Poitiers (1re chambre civile), au profit du directeur général des Impôts, domicilié ...,

défendeur à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 octobre 1998, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Poullain, conseiller rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Poullain, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat des époux Z..., de Me Thouin-Palat, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Poitiers, 11 mars 1996), que le 26 avril 1989, Mme X... a souscrit avec eux un contrat assurant M et Mme Z... sur la vie et a versé la prime, soit la somme de 876 308 francs, pour un montant investi de 850 019 francs ; qu'elle est décédée le 4 décembre 1989, laissant pour lui succéder, trois neveux et nièces, dont Mme Z..., institués légataires à titre universel ; que l'administration fiscale, estimant que le montant de la prime payée par Mme X... devait être rapportée à sa succession, a notifié un redressement à M et Mme Z... et a mis les droits en recouvrement ; que M. et Mme Z... ont assigné le directeur des services fiscaux de la Vienne pour en être déchargés ;

Attendu que M. et Mme Z... reprochent au jugement d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la souscription d'un contrat d'assurance-vie par lequel l'adhérent est une personne différente du souscripteur ne constitue pas nécessairement une donation indirecte au profit des adhérents (violation de l'article 894 du Code civil et de l'article 784 du Code général des impôts pris dans sa rédaction applicable au litige) ; alors, d'autre part, que le souscripteur ayant gardé la libre disposition de son compte auprès de l'assureur jusqu'à son décès, il n'y avait pas, en l'espèce, de donation, le souscripteur ne s'étant pas dépouillé irrévocablement des fonds litigieux (violation de l'article 894 du Code civil et de l'article 784 du Code général des impôts pris dans sa rédaction applicable au litige) ; alors, en outre, qu'il appartenait à l'administration des Impôts, pour que soit retenue la qualification de donation indirecte, de faire la preuve de l'intention libérale de Mme Z... (sic) et non à M. et Mme Z... de faire la preuve de l'absence d'intention libérale (renversement de la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil) ; et alors, enfin, que seuls les successibles, c'est-à-dire les héritiers, donataires et légataires tenus de faire une déclaration de succession, sont soumis au rapport fiscal, les donations faites, en tout cas avant le 1er janvier 1992, à des non-successibles y échappant ; que le Tribunal, qui a constaté que la défunte Mme X... était la tante octogénaire de l'un d'eux, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations suivant lesquelles l'autre n'était pas un successible et n'était pas soumis au rapport fiscal (violation des articles 784, pris dans sa rédaction applicable au litige, et 800 du Code général des impôts) ;

Mais attendu, en premier lieu, que, loin de constater que Mme X... aurait gardé la libre disposition de son compte auprès de l'assureur, le jugement relève qu'elle s'est dépouillée au profit exclusif de Mme Z..., sa nièce, qu'elle a instituée légataire à titre universel, et de l'époux de celle-ci, de façon irrévocable, des sommes investies, d'un montant supérieur à 750 000 francs, qui, à compter de la signature du contrat les assurant sur la vie, ne pouvaient profiter qu'à eux ; qu'ayant ainsi établi que Mme X... avait volontairement transmis de son vivant, sans contrepartie, un bien de grande valeur, à une nièce à qui elle a encore manifesté son affection par ses dispositions à cause de mort, et au mari de celle-ci, le Tribunal, abstraction faite de l'énonciation erronée mais surabondante visée par la première branche, a pu, en l'absence d'élément contredisant l'intention libérale qu'il déduisait de ces circonstances, retenir, sans inverser la charge de la preuve, l'existence d'une donation indirecte ;

Attendu, d'autre part, que M. Z... n'a pas soutenu devant les juges du fond qu'il n'est pas ayant cause de Mme X... à cause de mort ; que ce moyen, nouveau est mélangé de fait et de droit :

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, mal fondé en les deux suivantes et irrecevable en la dernière, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux Z... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du premier décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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