Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 18 novembre 1998, 96-14.043, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / M. Charles Y..., demeurant ...,

2 / Mme Marguerite Y..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 18 janvier 1996 par la cour d'appel de Colmar (3e chambre civile, section B), au profit :

1 / de M. Frédéric X..., demeurant ...,

2 / de Mme X..., demeurant ...,

défendeurs à la cassation ;

Les époux X... ont formé, par un mémoire déposé au greffe le 15 avril 1996, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 14 octobre 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Guerrini, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Guerrini, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat des époux Y..., de la SCP Vier et Barthélémy, avocat des époux X..., les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 janvier 1996), que, par un acte de donation-partage du 21 mars 1910, a été instituée une servitude de passage, inscrite au Livre foncier, sur la parcelle n° 889/495, propriété des époux Y..., au profit de la parcelle n° 493-2 contiguë appartenant aux époux X... ;

Atendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à la constatation de la péremption et de la caducité de la servitude de passage grevant leur fonds, alors, selon le moyen, "1 ) que les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user ; qu'en outre, le non-usage trentenaire d'une servitude l'éteint, qu'enfin, lorsque l'assiette d'une servitude est déterminée par l'acte qui la constitue, le non-usage trentenaire de cette servitude se calcule sur la servitude telle qu'établie à l'origine et non sur l'assiette de la servitude modifiée unilatéralement par le propriétaire du fonds dominant ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher si les protestations des époux X... en 1968 n'étaient pas nées des seuls obstacles les empêchant d'atteindre la parcelle remembrée n° 48 par un parcours différent de celui prévu dans l'acte de 1910, et partant, n'étaient pas insusceptibles d'interrompre le délai trentenaire de non-usage de la servitude telle qu'établie dans l'acte de 1910, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 706 du Code civil ; 2 ) que les époux Y... avaient fait valoir que les époux X... avaient eux-mêmes érigé un mur le long de leur parcelle rendant le passage prévu à l'origine totalement impraticable ; qu'en se bornant à retenir que le mur de clôture construit par les époux X... réservait un portail ouvrant sur la propriété Y... sans s'expliquer sur la localisation de ce portail et sans vérifier notamment si ce portail -dont l'existence avait été invoquée par elle- permettait le passage entre les deux parcelles en cause par l'assiette initiale de la servitude, la cour d'appel n'a pas de ce chef légalement justifié sa décision au regard des articles 455 du nouveau Code de procédure civile, et 703 du Code civil ; 3 ) qu'en retenant que le mur de clôture édifié le long de la propriété par les époux X... réservait un portail ouvrant sur la propriété Y..., bien que ceux-ci avaient seulement fait valoir qu'ils avaient aménagé un portail dans la clôture sans autrement préciser l'emplacement dudit portail, la cour d'appel a méconnu les termes du litige au mépris de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'appréciant les éléments de preuve soumis à son examen et ayant relevé que les époux X... avaient fait constuire un mur de clôture qui réservait un portail ouvrant sur la propriété des époux Y... et qu'ils avaient protesté en 1968 contre les obstacles mis à leur passage, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement, sans être tenue ni de répondre à l'allégation de faits dont il n'était tiré aucune conséquence juridique ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, que le non-usage trentenaire de la servitude n'était pas établi et qu'il n'était pas démontré que les époux X... eussent renoncé à leur droit de passage ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer aux époux X... une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les obstacles mis depuis 1968 à l'exercice du droit de passage, alors, selon le moyen, "1 ) que la cour d'appel, qui n'était saisie d'aucune demande d'indemnisation formée par les époux Y... ne pouvait statuer ainsi sans violer les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) qu'en statuant de la sorte sans s'expliquer ni sur les attitudes abusives des époux Y..., ni sur le préjudice subi par les époux X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3 ) que les époux Y... avaient fait valoir dans leurs écritures d'appel que, dans le cadre d'opérations de remembrement de la commune d'Oberhoffen-sur-Moder, statuant sur leur réclamation, la Commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement avait, par sa décision du 4 juin 1969, retenu qu'il était prévu un accès direct à la parcelle section 1 n° 98 attribuée à M. X..., ce qui excluait toute aggravation de la servitude ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ces écritures qui invoquaient l'autorité de chose décidée attachée à la décision de la Commission départementale de remembrement, concernant la desserte de la parcelle n° 98, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu, d'une part, que les époux Y... sont sans intérêt et, partant, irrecevables à critiquer une décision en ce que, procédant d'une évaluation du préjudice subi par les époux X... qui tenait compte de l'aggravation de la servitude résultant de l'adjonction au fonds dominant, à la suite du remembrement opéré en 1968, d'une nouvelle parcelle ne disposant pas d'accès à la voie publique, elle est plus avantageuse pour eux que celle qui aurait dû être prise ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant l'existence d'obstacles mis par les époux Y... à l'exercice de la servitude ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel, qui n'a pas accordé aux époux Y... une indemnisation qu'ils n'avaient pas demandée, a souverainement évalué le préjudice subi par les époux X... en tenant compte, au regard des dommages qu'ils invoquaient, des avantages qu'ils retiraient de la situation nouvelle ;

D'où il suit que le le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les époux Y... aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux Z... à payer aux époux X... la somme de 9 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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