Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 24 mars 1998, 95-17.801, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° M 95-17.801 formé par M. Philippe X..., demeurant ...,

II - Sur le pourvoi n° H 95-20.350 formé par M. Philippe Z..., demeurant ..., en cassation d'un même arrêt rendu entre eux le 30 mai 1995 par la cour d'appel de Rennes (1re Chambre, Section A) et au profit de :

1°/ de M. Pierre Y..., demeurant 11, Galerie du Théatre 35000 Rennes,

2°/ de la Polyclinique Sévigné, société anonyme, dont le siège est ...,

3°/ de M. A..., demeurant ..., defendeurs à la cassation ;

Le demandeur au pourvoi n° M 95-17.801 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi n° H 95-20.350 invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 février 1998, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Bénas, conseiller rapporteur, MM. Renard-Payen, Chartier, Ancel, Durieux, Guérin, Sempère, Bargue, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Bénas, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Z..., de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de M. X..., de Me Choucroy, avocat de M. Y..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Polyclinique Sévigné, les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s M 95-17.801 et H 95-20.350 ;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par acte du 26 juillet 1991, M. Y..., chirurgien orthopédiste, a cédé à un associé, M. Z..., la totalité des parts sociales qu'il détenait dans la société civile professionnelle de chirurgiens orthopédistes qui exerçait au sein de la polyclinique Sévigné, avec laquelle la société était liée par un contrat d'exclusivité;

que par un second acte du 15 mai 1993, MM. Y... et Z... ont mis fin à leurs précédents engagements et ont conclu une nouvelle convention avec un tiers, M. A...;

qu'aux termes de celle-ci, M. A... acceptait d'être le successeur de M. Y... en tant que chirurgien orthopédiste à la polyclinique, au plus tard, le 1er janvier 1994 et de verser à M. Y... une somme d'argent correspondant aux droits d'utilisation des lits et aux droits de présentation à la clientèle;

que M. Y... s'engageait à présenter à sa clientèle MM. Z... et A... conformément aux usages et à la déontologie et à prendre toutes dispositions nécessaires pour quitter la société avant le 31 décembre 1993;

que cet acte prévoyait enfin la cession par M. Y... d'une partie de ses parts sociales à M. Z..., laquelle a été réalisée;

que M. A... n'ayant pas pu venir prendre la succession de M. Y..., celui-ci a exercé son droit au retrait de la société, avec effet au 28 février 1994, que ce retrait s'est effectué avec "attribution de sa clientèle" à son profit, moyennant réduction du capital de la société;

que M. Y..., ayant maintenu son activité professionnelle au sein de la polyclinique, à titre individuel, M. Z... l'a assigné aux fins de lui faire interdire tout exercice professionnel, au sein de la polyclinique, et en paiement de dommages-intérêts pour inexécution de ses obligations contractuelles souscrites dans la convention du 15 mai 1993;

que M. X..., associé, est intervenu à l'instance ;

Sur le premier moyen du pourvoi de M. X..., pris en ses trois branches, tel qu'il est énoncé au mémoire ampliatif et reproduit en annexe :

Attendu que M. X... fait grief à larrêt attaqué (Rennes, 30 mai 1995) d'avoir refusé de faire produire ses effets à la convention de cession de parts sociales du 26 juillet 1991 et de l'avoir débouté de sa demande tendant à faire constater la perte de la qualité d'associé de M. Y... ;

Mais attendu qu'après avoir retenu qu'en application des statuts de la société, M. X..., tiers au contrat du 26 juillet 1991, ne pouvait invoquer son existence que si ce contrat avait été notifié à la société ou accepté par celle-ci et avait fait l'objet d'une publicité légale, la cour d'appel a souverainement constaté l'absence d'agrément de la cession par la société et l'omission des formalités de publicité;

que par ces motifs propres et adoptés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le premier et troisième moyens réunis du pourvoi de M. Z... :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Z... de sa demande tendant à ce qu'il soit interdit à M. Y... d'exercer une activité professionnelle au sein de la polyclinique et à ce que celui-ci soit condamné à l'indemniser du préjudice causé par l'inexécution du contrat du 15 mai 1993, alors, d'une part, que cet accord prévoyait que M. A... devait assurer la succession de M. Y... en tant que chirurgien orthopédiste à la polyclinique Sévigné et qu'il s'engageait à présenter sa clientèle à MM. Z... et A... le 1er janvier 1994, seule, une activité résiduelle étant possible après le 15 janvier de la même année;

qu'en affirmant néanmoins que cet accord ne faisait pas obligation à M. Y... de quitter la polyclinique, la cour d'appel en a dénaturé les termes dépourvus d'ambiguïté et violé l'article 1134 du Code civil;

et alors, d'autre part, qu'en écartant, en raison de l'impossibilité de l'exécuter due au fait d'un tiers, la demande d'exécution du contrat formée par M. Z... et en consacrant ainsi l'anéantissement définitif de la convention bien qu'elle ait d'ores et déjà été en partie exécutée et qu'aucune demande de résolution n'ait été formée, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil par fausse application, ensemble l'article 1134 du même Code ;

Mais attendu que la cour d'appel a souverainement estimé, sans dénaturation et sans se prononcer sur une demande en résolution dont elle n'était pas saisie, qu'il n'existait dans la convention du 15 mai 1993 aucun engagement de M. Y... vis-à-vis de M. Z... de quitter la clinique, en dehors de la venue de M. A..., et qu'il était simplement fait obligation à M. Y... de quitter la société civile professionnelle et non la polyclinique Sévigné;

que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en ses quatre branches, tel qu'il est énoncé au mémoire ampliatif et reproduit en annexe :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande en dommages-intérêts de M. Z... formée à l'encontre de M. Y... en réparation du préjudice causé par l'inexécution du contrat du 15 mai 1993 ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt attaqué que M. Z... ait reproché à M. Y... d'avoir méconnu ses obligations en développant à son seul profit la totalité de sa clientèle au sein de la polyclinique et en s'abstenant de le présenter à celle-ci;

que le moyen pris en ses trois premières branches est donc nouveau et mélangé de fait ;

Attendu enfin, que la cour d'appel n'ayant retenu aucune faute à l'encontre de M. Y..., la quatrième branche relative à l'évaluation du préjudice se trouve inopérante ;

Sur le quatrième moyen du même pourvoi :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la dissolution de la société alors, selon le moyen, que la mésentente entre associés ne peut justifier la dissolution de la société que si elle est cause d'une paralysie de son fonctionnement;

qu'en s'abstenant de rechercher si la mésentente alléguée était la cause de l'absence d'activité de la société constatée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que la grave mésentente existant entre les associés, exclusive de toute affectio societatis paralysait totalement le fonctionnement de la société, l'arrêt retient qu'aucun mouvement de fonds n'apparaissait sur les comptes bancaires, que les assemblées des associés n'étaient plus tenues, que M. X..., gérant en titre, avait donné sa démission en juin 1993 et qu'il n'existait plus de comptabilité officielle;

que, par ces motifs, la cour d'appel a caractérisé la paralysie du fonctionnement de la société du fait de la mésentente entre les associés et légalement justifié sa décision;

que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi de M. X... :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts, alors que la cour d'appel qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, lequel des associés était à l'origine de la mésentente qui a conduit à la dissolution, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que M. X..., qui échoue en sa demande principale, ne justifie pas de l'existence du préjudice allégué;

que, par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à MM. X... et Z... la charge des dépens afférents à leur pourvoi respectif ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. X..., de M. Z... et de la Polyclinique Sévigné ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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