Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 27 janvier 1998, 95-18.447, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Foncia, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 7 juillet 1995 par la cour d'appel de Paris (25e chambre, section B), au profit :

1°/ de la société Factofrance Heller, société anonyme, dont le siège est Tour Facto, Paris La Défense, 92800 Puteaux,

2°/ de la société Loca, société en nom collectif, dont le siège est ...,

3°/ de M. Patrick X..., mandataire-liquidateur, demeurant ..., pris en ses qualités de représentant des créanciers et de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Financement informatique et bureautique (FIB), société anonyme, défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 décembre 1997, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doye0n faisant fonctions de président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, MM. Vigneron, Dumas, Gomez, Léonnet, Poullain, Métivet, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Ponsot, conseillers référendaires, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société Foncia, de Me Capron, avocat de M. X..., ès qualités, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Loca, de Me Guinard, avocat de la société Factofrance Heller, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 7 juillet 1995), que la société Foncia a acheté un système informatique à la société IBM, laquelle a subrogé la société Factofrance Heller pour le paiement du prix ;

qu'ensuite la société Foncia a conclu avec la société Financement informatique et bureautique (FIB) un contrat aux termes duquel celle-ci rachetait l'équipement, s'engageait à en payer le prix au fournisseur ou à son subrogé, puis le louait à la société Foncia elle-même ; qu'ensuite, sans en avoir payé le prix, la société FIB en a, elle-même, reçu le montant de la société Loca, à laquelle elle a revendu le matériel ; que la société Foncia, en qualité de locataire, a accepté le changement de bailleur et s'est engagée à payer les loyers à la société Loca ; que s'étant vu judiciairement réclamer le paiement du prix de l'équipement par la société Factofrance Heller, la société Foncia a contesté être débitrice envers la société Loca, en soutenant que ses engagements de locataire étaient viciés par une erreur de droit tenant à l'impossibilité d'une délégation ou cession de créance de la part de la société FIB, celle-ci n'étant ni créancière de loyers, ni propriétaire des biens prétendument loués ; que l'arrêt condamne la société Foncia à la fois au paiement du prix réclamé par la société Factofrance Heller, et à celui des loyers réclamés par la société Loca ;

Attendu que la société Foncia fait grief à l'arrêt de sa condamnation envers la société Loca, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les juges du fond ne sont pas liés par la qualification donnée aux contrats par les parties elles-mêmes, et doivent, lorsqu'ils en sont requis, restituer à l'opération sa véritable qualification juridique avec toutes les conséquences qui en découlent ; que la cour d'appel avait été spécialement saisie tant par l'assignation à jour fixe de Foncia que par les conclusions additionnelles de celle-ci du 2 juin 1995 d'une contestation précise du chef de la qualification attribuée par les parties à l'acte du 26 mai 1992, l'appelante faisant expressément valoir que ladite convention tripartite constituait non une délégation de créance, mais une cession de créance, dès lors que FIB, créancier véritable de Loca était inapte à prendre dans un tel acte la qualité du débiteur délégant ; que l'arrêt attaqué, en faisant produire à l'acte critiqué les effets d'une délégation de créance sans rechercher s'il ne pouvait recevoir la qualification de cession de créance invoquée par Foncia, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que la cour d'appel qui n'a, en tout état de cause, pas répondu aux conclusions de Foncia remettant en question la qualification de délégation de créance attribuée à l'acte du 26 mai 1992, a entaché sa décision d'un défaut de motif en violation des articles 455 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil ;

alors, en outre, que la cour d'appel n'a, par voie de conséquence de son abstention à examiner la véritable qualification de l'acte du 26 mai 1992, pas légalement justifié l'application de la règle de l'inopposabilité des exceptions aux moyens de défense de Foncia tendant à voir proclamer la nullité de cet acte et celle du contrat adjoint de location, tirés respectivement de l'erreur de droit commise par elle sur l'étendue des droits détenus par FIB, partie à la prétendue délégation de créance, et de l'absence de cause de ces deux contrats, et n'a, par suite, pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1109 et 1131 du Code civil ; et alors, enfin, que les moyens de nullité argués par Foncia devaient être examinés dans le cadre précis de la qualification juridique restituée par le juge à l'acte du 26 mai 1992, de sorte que la cour d'appel n'a aucunement justifié sa décision attribuant un caractère inexcusable à l'erreur de droit commise par Foncia, du fait d'une prétendue négligence à ne pas avoir vérifié l'existence du règlement incombant à FIB, et n'a, une fois encore, pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1109 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que les juges du fond ont fondé leurs décisions sur les obligations réciproques des parties résultant des stipulations souscrites par elles, en retenant, par un motif non critiqué, que la société Foncia avait souscrit un engagement autonome envers la société Loca, et ne se sont pas bornés à se référer à la qualification de délégation de créances qu'elles avaient donnée au contrat, ne l'adoptant eux-mêmes, qu'en complément de leur analyse de ces actes ; qu'ainsi, ils ont répondu aux conclusions invoquées et procédé à la recherche prétendument omise ;

Attendu, en second lieu, que les juges du fond ont pu écarter l'erreur de droit invoquée par la société Foncia, dès lors que se sachant elle-même débitrice des prix d'achats des logiciels et matériels reçus vis-à-vis de l'affactureur, subrogé dans les droits du fournisseur, elle a, par un engagement autonome, accepté de s'obliger à payer pour les mêmes fournitures des loyers auprès d'un tiers délégataire d'un établissement financier qu'elle avait elle-même chargé du paiement des prix d'achat, sans s'assurer que celui-ci l'avait exécuté ; qu'ils n'avaient pas à rechercher de surcroît si la négligence commise par la société Foncia était inexcusable ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Foncia aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Factofrance Heller et Loca et de M. X..., ès qualités ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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