Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 24 juin 1997, 95-11.321, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par le directeur général des Impôts, domicilié ministère du Budget, ..., en cassation d'un jugement rendu le 27 octobre 1994 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence (1re chambre), au profit :

1°/ de M. Joël Y... Mille, demeurant ...,

2°/ de Mme Charlette Y... Mille, épouse A..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 mai 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Vigneron, conseiller, les observations de Me Goutet, avocat du directeur général des Impôts, de la SCP Gatineau, avocat des consorts Y... Mille, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon le jugement déféré ( tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, 27 octobre 1994), que M. Georges Y... Mille et son épouse ont donné en 1976 à leurs enfants Joël Y... Mille et Charlotte, épouse A..., (les consorts Y... Mille) la nue-propriété d'immeubles dont l'usufruit appartenait à M. X..., qui décéda l'année suivante, ainsi qu'à son épouse Philomène Y... Mille; qu'au décès de cette dernière, survenu en 1980, les consorts Y... Z... ont omis de déposer la déclaration de succession et ont fait l'objet, en 1989, d'un redressement contradictoire tendant au paiement des droits éludés; qu'ils ont fait opposition à l'avis de mise en recouvrement de ces droits, en soulevant la fin de non-recevoir tirée de la prescription du droit de reprise de l'administration fiscale; que le Tribunal a accueilli cette fin de non-recevoir ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le directeur général des Impôts reproche au jugement d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en matière de droit de mutation par décès la procédure est écrite; qu'en ne désignant pas précisément les termes de l'acte du 28 octobre 1981 ayant selon lui fourni à l'Administration la connaissance des éléments lui permettant de déterminer l'assiette des droits dus, les personnes débitrices et le taux applicable, et de faire ainsi courir le court délai de prescription, le Tribunal, qui de la sorte n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé de base légale sa décision au regard des articles L. 199, R. 195-1 et R. 202-2 du Livre des procédures fiscales, ainsi que L. 180, L. 181 et L. 186 du même Livre; et alors, d'autre part, que le visa, dans une notification de redressement, d'un acte connu de l'Administration n'établit nullement que l'exigibilité de l'impôt ait été suffisamment révélée par ce seul acte; qu'en se prononçant de la sorte par un motif impropre à justifier la mise en oeuvre de la prescription abrégée au cas d'espèce, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 181 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, d'une part, que les textes invoqués n'exigent pas que le jugement reproduise dans ses énonciations les termes mêmes du document qui, fondant sa décision, émane d'une partie et a été régulièrement communiqué à l'autre ;

Attendu, d'autre part, que le Tribunal n'a pas fondé sa décision sur le visa de l'acte de partage dans la notification du redressement ;

Que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé sur la première ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que le directeur général des Impôts reproche au Tribunal d'avoir ainsi statué, alors, d'une part, que, s'agissant d'un redressement fondé sur la mise en oeuvre de la prescription légale prévue à l'article 751 du Code général des impôts conduisant à taxer aux droits de mutation par décès la valeur en nue-propriété de biens qui, détenus seulement en usufruit par le de cujus, ne dépendaient pas en conséquence de l'hérédité, l'acte de partage du 28 octobre 1981 ne pouvait dès lors mentionner expressément lesdits biens comme dépendant de la succession ainsi que l'exige le second alinéa de l'article L. 181 du Livre des procédures fiscales pour faire courir le délai de prescription abrégé; qu'en décidant le contraire, le Tribunal a violé le texte susvisé ainsi que l'article L. 180 dudit Code; alors, d'autre part, que, s'agissant d'un redressement fondé sur la mise en oeuvre de la présomption légale prévue à l'article 751 du Code général des impôts conduisant à réclamer des droits de mutation par décès à des personnes qui, n'étant pas personnellement appelées à la succession, en sont cependant redevables à raison de leur qualité de descendant d'un présomptif héritier du défunt, l'acte de partage du 28 octobre 1981, qui ne précise pas la qualité d'héritier de la de cujus de M. Georges Y... Mille et ne permet pas en conséquence d'établir la situation juridique de M. Joël Y... Mille et

de Mme Charlotte A... au regard de l'article 751 précité, ne pouvait faire courir le délai de prescription abrégé; qu'en décidant, cependant, le contraire, le Tribunal a violé les articles L. 180 et L. 181 du Livre des procédures fiscales; et alors, enfin, que, s'agissant d'un redressement visant notamment des biens situés sur la commune de Saint-Mitre-les-Remparts dont l'acte de partage du 28 octobre 1981 ne faisait nulle mention, le Tribunal ne pouvait juger applicable pour lesdits biens la prescription abrégée sans violer les articles L. 180 et L. 181 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, en premier lieu, que, si l'alinéa 2 de l'article L. 181 du Livre des procédures fiscale limite l'application de ce texte aux seuls biens mentionnés dans l'écrit ou la déclaration comme dépendant de la succession, l'administration des Impôts n'avait pas fait valoir devant le Tribunal que l'actif de la succession se composait d'autres immeubles que ceux ayant fait l'objet du partage; que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Attendu, en second lieu , que l'application de l'article L. 181 précité suppose que l'acte présenté à la formalité de l'enregistrement mentionne exactement la date et le lieu du décès, ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des héritiers et autres ayants droit, mais non que soit précisée la cause de cette qualité; qu'ayant retenu que l'acte de partage contenait tous les renseignements permettant d'identifier la succession en cause et de préciser la situation des biens, le Tribunal a pu fixer le point de départ du délai de reprise de l'Administration au jour de l'enregistrement de cet acte, puis décider que s'appliquait le délai abrégé de l'article L. 180, alinéa 1er, du même Code ;

Que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en les deux dernières ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le directeur général des Impôts aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts Y... Mille ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.

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