Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 8 octobre 1997, 92-21.483, Inédit
Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 8 octobre 1997, 92-21.483, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 92-21.483
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 08 octobre 1997
Décision attaquée : cour d'appel de Paris (23e chambre, section B) 1992-11-06, du 06 novembre 1992Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi formé par Mme Irène X..., demeurant ... sous Bois, en cassation d'un arrêt rendu le 6 novembre 1992 par la cour d'appel de Paris (23e chambre, section B), au profit : 1°/ de M. Hocine Z..., demeurant 14, Villa les Castors, Ain Taya (Algérie), 2°/ de M. Abderrahmane Y..., demeurant ..., 3°/ de M. Abdelkader Z..., demeurant ..., El Biar, Alger (Algérie), 4°/ de Mme Aïcha Z..., 5°/ de M. Brahim Z..., demeurant tous deux 14, Villa les Castors, Ain Taya (Algérie), 6°/ de Mme Djamila Z..., demeurant Led Heniche Bordj Bou, Arrerid (Algérie), 7°/ de Mme Houria Z..., 8°/ de Mme Noura Z..., 9°/ de Mme Zibouda Z..., demeurant 14, Villa les Castors, Ain Taya (Algérie), défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 17 juillet 1997, où étaient présents : Mlle Fossereau, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Stéphan, conseiller rapporteur, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, MM. Bourrelly, Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Stéphan, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme X..., de Me Cossa, avocat des consorts Z... et de M. Y..., les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 1992), que Mme X..., propriétaire de locaux à usage commercial, les a donnés à bail aux héritiers de M. Elkadir Z... et à M. Nacer Y...; que ces locaux ont été endommagés à diverses reprises par des infiltrations causées par la rupture d'une canalisation publique; qu'un expert, commis par ordonnance du 22 juin 1983, a déposé son rapport en février 1989; qu'une assignation, aux fins de réparation des désordres et de dédommagement des divers préjudices subis par les preneurs, délivrée à Mme X... le 21 avril 1989, au nom de MM. Elkadir Z... et Nacer Y..., tous deux décédés, a été déclarée nulle par arrêt du 19 avril 1991, devenu irrévocable; qu'une nouvelle assignation au fond a été délivrée aux mêmes fins à la bailleresse le 2 juillet 1991 à la requête de MM. Abderrahmane Y... et Hocine Z...; que les consorts Z... sont intervenus volontairement à cette procédure en leur qualité d'héritiers de M. Elkadir Z... ; Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes aux consorts Z..., alors, selon le moyen, "1°) que conformément à l'article 386 du nouveau Code de procédure civile, la péremption d'instance est encourue dans le cas où pendant un délai de deux ans aucune diligence n'est accomplie par les parties entre une instance en référé et une instance au fond qui se rattachent entre elles par un lien de dépendance direct et nécessaire; que la cour d'appel qui, dans l'arrêt attaqué, a adopté les conclusions du rapport d'expertise ordonnée en référé, qui a fait droit à une demande de paiement d'indemnité fondée sur ces mêmes conclusions et qui a condamné Mme X... au paiement des dépens des instances au fond et en référé, et a ainsi mis en oeuvre le lien de dépendance direct et nécessaire existant entre l'instance en référé et l'instance au fond mais qui, toutefois, a refusé de constater la péremption de l'instance faute d'accomplissement de toute diligence par les parties pendant plus de deux ans entre le dépôt du rapport d'expertise et l'assignation au fond, a violé la disposition susvisée; 2°) que conformément aux articles 117 et 121 du nouveau Code de procédure civile, l'irrégularité de fond constituée par le défaut de capacité d'ester en justice d'une partie décédée affecte la validité de l'acte et la nullité doit être prononcée si la cause de la nullité n'a pas disparu avant que le juge ne statue; que la cour d'appel qui a constaté que l'assignation en référé, dont la régularité était contestée avait été délivrée par deux parties dont l'une Elkadir Z... était décédée mais qui l'a néanmoins déclarée valable en relevant que les héritiers d'Elkadir Z... étaient intervenus à l'instance au fond, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées, faute pour elle d'avoir
constaté la disparition de la cause de la nullité et la régularisation de l'assignation en référé, avant de statuer sur sa validité; 3°) que, conformément à l'article 815-3 du Code civil, les actes d'administration relatifs à des biens indivis et spécialement les actions en justice requièrent le consentement de tous les indivisaires, sauf la faculté offerte à l'un d'eux de saisir, sur le fondement de l'article 815-6 du Code civil, le président du tribunal de grande instance afin d'être autorisé à agir seul dans l'intérêt commun; que la cour d'appel qui, pour déclarer régulière une assignation en référé délivrée à la requête d'Elkadir Z..., décédé, et de Nacer Y..., copreneurs d'un bail commercial aux fins d'obtenir la désignation d'un expert et le paiement d'une indemnité de jouissance, s'est déterminée par le fait que les héritiers d'Elkadir Z... avaient conféré un mandat tacite de gestion à M. Nacer Y..., a violé les dispositions susvisées, un mandat tacite de gestion étant insusceptible de se substituer à l'autorisation judiciaire d'agir en justice requise par la loi à défaut de mandat ad litem des indivisaires; 4°) que pour l'application de l'article 815-3 du code civil, les actes d'administration relatifs à des biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires, sauf mandat tacite donné à celui des indivisaires qui a pris en mains la gestion de l'indivision au su des autres et sans opposition de leur part; que la cour d'appel qui, pour déclarer régulière une assignation en référé délivrée à la requête d'Elkadir Z..., décédé, et de Nacer Y..., preneurs cotitulaires d'un bail commercial, aux fins d'obtenir la désignation d'un expert et le paiement d'une indemnité pour trouble de jouissance s'est déterminée par le fait que les héritiers d'Elkadir Z... auraient conféré un mandat tacite de gestion à Nacer Y... mais qui n'a pas constaté que ce dernier, copreneur avec Elkadir Z... était en indivision avec lui pris avec ses héritiers ni qu'il avait, avant de faire délivrer l'assignation litigieuse en son nom et au nom d'Elkadir Z... géré les biens en qualité d'indivisaire et non pas seulement en qualité de preneur, cotitulaire du bail, a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée; 5°) que la cour d'appel qui pour déclarer valable l'assignation litigieuse a constaté que les héritiers d'Elkadir Z... avaient conféré un mandat tacite de gestion à Nacer Y... mais qui a également constaté que le bail commercial avait été renouvelé, après le décès d'Elkadir Z... par M. Nacer Y..., d'une part, et par Addelkader Z..., agissant en qualité de mandataire de la succession d'Elkadir Z..., d'autre part, constatations d'où il résultait que Nacer Y... n'avait pas pris en mains la gestion des biens indivis et que les héritiers d'Elkadir Z... n'étaient pas représentés par lui, s'est, en statuant ainsi, appuyée sur des constatations de fait contradictoires et a, en conséquence, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 6°) que, dans ses conclusions, Mme X... faisait valoir que M. Hocine Z... ne justifiait pas qu'il était titulaire d'un droit au bail ni qu'il était le seul titulaire de droit indivis et en
déduisait qu'il n'avait pas qualité pour agir; que la cour d'appel qui s'est bornée à vérifier l'existence juridique de M. Hocine Z... et à constater qu'il était intervenu en qualité de mandataire de la succession d'Elkadir Z... lors du renouvellement du bail et de la révision du loyer mais qui s'est abstenue de rechercher s'il agissait en qualité de preneur, cotitulaire de bail ou de coindivisaire et s'il avait reçu en ce cas, mandat de représenter en justice les héritiers d'Elkadir Z... a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-3 du Code civil" ; Mais attendu, d'une part, que l'instance s'ouvre par la saisine de la juridiction qui est appelée à trancher le point litigieux qui lui est soumis et prend fin par le dessaisissement de cette juridiction; que, saisi d'une demande d'expertise, le juge des référés a épuisé sa saisine en commettant un expert; que c'est donc, à bon droit, que la cour d'appel a dit que l'instance au fond, introduite plus de deux ans après le dépôt du rapport de cet expert et au vu des conclusions de ce rapport, n'était pas la continuation de l'instance en référé et, qu'en conséquence, le moyen tiré de la péremption de l'instance devait être rejeté ; Attendu, d'autre part, que l'ordonnance du 22 juin 1983 étant devenue irrévocable, la cour d'appel, qui a relevé que les héritiers de M. Elkadir Z... étaient intervenus volontairement à la procédure au fond, ce qui attestait leur volonté d'agir contre la bailleresse pour la contraindre à respecter les obligations nées du bail, n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes et a légalement justifié sa décision de ce chef ; Sur le premier moyen, pris en ses septième et huitième branches : Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer différentes sommes aux consorts Z..., alors, selon le moyen "1°) que l'article 12 du contrat de bail stipulait que les preneurs renonçaient à réclamer une indemnité pour trouble de jouissance ou une indemnisation de loyer en cas notamment d'une inondation ou de tous autres cas de force majeure, la cour d'appel qui a constaté que le trouble de jouissance subi par le preneur avait son origine dans des infiltrations liées à la rupture des canalisations du réseau d'alimentation de la ville de Paris enterrées sous la chaussée longeant les lieux loués et qui a retenu la prévisibilité des désordres en raison de l'état vétuste de la chaussée n'a pas justifié sa décision, faute pour elle d'avoir précisé en quoi la vétusté de la chaussée permettrait de prévoir la rupture de la canalisation, nécessairement invisible et surtout ses conséquences pour les immeubles riverains; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas énoncé de fait caractérisant la prévisibilité des désordres mais qui a condamné Mme X... à payer des dommages-intérêts pour trouble de jouissance, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil; 2°) que, de même, la cour d'appel qui a constaté que les responsabilités devaient être recherchées dans les services
techniques et administratifs de la ville de Paris, compagnie des eaux, service voirie auprès desquels Mme X... était fréquemment intervenue et que les services compétents avaient entrepris une rénovation totale par le remplacement de la canalisation mais qui a toutefois décidé que le désordre n'avait pas pour Mme X..., un caractère irrésistible, faute pour elle d'établir être intervenue utilement auprès de services compétents et qui l'a en conséquence condamnée à payer des dommages-intérêts pour trouble de jouissance s'est déterminée par des motifs de fait contradictoires et a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ; Mais attendu qu'ayant, d'une part, constaté la répétition des infiltrations dans les locaux loués, les nombreuses interventions rendues nécessaires par la rupture de la canalisation d'eau publique, l'état de vétusté de la chaussée et des réseaux divers et leur mauvais entretien qui était de nature à causer les désordres qui sont effectivement survenus et, d'autre part, souverainement retenu que Mme X..., qui avait fait procéder à des réparations partielles, ne justifiait pas avoir effectué toutes les démarches nécessaires pour assurer la jouissance paisible de ses locataires, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ; Sur le second moyen après avis donné aux avocats, ci-après annexé : Attendu que, par arrêt du 29 mars 1996 devenu irrévocable, la cour d'appel, interprétant sa précédente décision du 6 novembre 1992, a dit que cet arrêt devait être interprété en ce sens que n'avaient pas été mis à la charge de Mme X... les frais de l'expertise ordonnée le 22 juin 1983 par le juge des référés ; D'où il suit que le moyen est devenu sans portée ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme X... aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept par Mlle Fossereau, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.