Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 12 novembre 1996, 94-20.442, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. le directeur général des Impôts, ministère du Budget, domicilié ...,

en cassation d'un jugement rendu le 13 janvier 1994 par le tribunal de grande instance de Paris (2e chambre, section 2), au profit de la société Bull, société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;

LA COUR, en l'audience publique du 1er octobre 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Poullain, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Leclercq, Gomez, Léonnet, Métivet, conseillers, Mme Geerssen, M. Huglo, Mme Mouillard, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre;

Sur le rapport de M. Poullain, conseiller, les observations de Me Goutet, avocat du directeur général des Impôts, de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société Bull, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu, selon le jugement attaqué, que les sociétés Bull Transac (BT) et CII Honeywell Bull (CII.HB), filiales de la compagnie des machines Bull, la première à 100 %, la seconde à 92 %, ont convenu, le 30 décembre 1983, de permettre à CII.HB d'acheter et de revendre les produits de BT en opérant comme un prestataire de services; que pour cela, la société BT s'est engagée à céder à la société CII.HB divers actifs immobilisés et stocks nécessaires à la commercialisation de ses produits auprès des clients dits "utilisateurs finaux" et la société CII.HB à en payer le prix, à reprendre les baux, les contrats d'assurance relatifs aux personnels, aux locaux et aux matériels ainsi que les droits et obligations résultant des engagements de BT envers les utilisateurs finaux, des contrats d'intermédiaires et contrats de crédit-bail et à faire son affaire du recouvrement des factures; qu'estimant que cette convention devait être soumise à enregistrement en application de l'article 720 du Code général des impôts, l'administration fiscale a notifié un redressement de droits à la société Bull SA, qui avait absorbé par fusion la société BT, puis a mis en recouvrement les sommes correspondantes; que sa réclamation ayant été rejetée, la société Bull SA a assigné le directeur régional des impôts chargé des vérifications nationales et internationales pour obtenir décharge des sommes réclamées;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 720 du Code général des impôts ;

Attendu que pour accueillir la demande de la société Bull SA le tribunal relève que la substitution de la société CII.HB à la société BT pour la distribution d'appareils aux utilisateurs finaux n'avait donné lieu qu'au paiement des actifs immobilisés et des stocks pour leur valeur comptable, à l'exclusion de tout prix de cession pour le transfert de l'activité et retient que l'opération, effectuée en vue de réaliser une réorganisation au sein du groupe répondait à un souci de rationalité économique et non à un intérêt patrimonial et ne présentait pas le caractère onéreux requis pour l'application de l'article 720 du Code général des impôts;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère onéreux de la convention résultait du seul paiement exigé de la société cessionnaire pour la cession des biens devant lui permettre de succéder à l'activité de l'autre société partie à la convention, n'important pas à cet égard, qu'elles appartiennent au même "groupe", le Tribunal a violé le texte susvisé;

Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 720 du Code général des impôts ;

Attendu que pour prononcer le dégrèvement de tous les droits réclamés au titre de la convention litigieuse le tribunal retient que, le transfert d'une branche complète d'activité de distribution ne pouvant se réaliser sans que cette activité soit autonome, ce qui suppose une cession de savoir-faire et de droits de propriété industrielle, le bénéfice de la commercialisation avait été transféré à la société CII.HB pour une durée limitée et qu'ainsi l'ensemble de l'opération n'entre pas dans le champ d'application de l'article 720 du Code général des impôts;

Attendu qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser l'absence de cession d'une activité de distribution de produits aux clients finaux, activité distincte de la production de ces produits qui requiert la disposition de droits de propriété industrielle et d'un savoir faire qui n'étaient concédés que pour une durée limitée, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 janvier 1994, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Paris; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Nanterre;

Condamne la société Bull aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Bull SA;

Dit que sur les diligences de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize.

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