Cour de Cassation, Chambre sociale, du 26 novembre 1996, 93-43.644, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Banque Indosuez, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 9 juin 1993 par la cour d'appel de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) (chambre sociale), au profit de M. X... Le Gall, demeurant ... à la Vallée des Colons, Nouméa (Nouvelle-Calédonie),

défendeur à la cassation ;

EN PRESENCE DE :

la société Westpac Banking Corporation, société de droit australien, dont le siège est 60, Martin Place à Sydney (Australie),

LA COUR, en l'audience publique du 15 octobre 1996, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Le Roux-Cocheril, Ransac, Mme Aubert, M. Chagny, conseillers, Mmes Pams-Tatu, Girard-Thuilier, M. Frouin, Mmes Barberot, Lebée, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre;

Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de la SCP Monod, avocat de la Banque Indosuez, de Me Odent, avocat de M. Le Gall, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu que M. Le Gall, engagé en février 1967 par la Banque Indosuez en qualité d'adjoint du service informatique à Nouméa, a été intégré dans le cadre international et affecté dans divers pays étrangers, en dernier lieu à Tokyo en qualité de sous-directeur du cadre international en charge de l'informatique; qu'il a alors manifesté le souhait de revenir en Nouvelle-Calédonie, mais que la banque qui, entretemps, avait cédé tous ses établissements sur ce territoire lui a proposé une affectation à Londres refusée par l'intéressé; que le contrat ayant été rompu le 11 décembre 1990, le salarié a saisi le tribunal du travail de Nouméa; que par arrêt du 9 septembre 1992, devenu irrévocable, la cour d'appel de Nouméa a jugé que le salarié avait fait l'objet d'un licenciement par la banque Indosuez pour une cause légitime et a renvoyé le salarié à chiffrer ses demandes sur ce fondement après production des conventions ou accords collectifs applicables; que par arrêt du 9 juin 1993, la cour d'appel de Nouméa a condamné l'employeur à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et ainsi qu'à titre de prime d'intéressement;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer au salarié une prime d'intéressement, alors, selon le moyen, que le droit à une prime naît de l'exécution du contrat de travail et non de sa rupture; que le paiement par l'employeur de la prime d'intéressement qui resterait due au salarié ne pourrait avoir pour objet de réparer le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail; qu'en retenant que cette prétention n'était pas nouvelle par rapport à la demande adressée aux premiers juges, qui tendait uniquement à l'octroi d'une indemnité pour licenciement abusif, et, par suite, en la déclarant recevable, la cour d'appel a violé les articles 464 alinéa 3 de l'ancien code de procédure civile et 113 du décret du 7 avril 1928 réorganisant l'administration de la justice en Nouvelle Calédonie;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que la demande en paiement d'une prime d'intéressement n'était pas nouvelle comme procédant de la demande originaire et tendant aux mêmes fins; que le moyen n'est pas fondé;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer au salarié une indemnité de préavis et une indemnité de congés payés afférents au préavis, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a constaté que la mission du salarié au Japon était terminée lorsque la rupture du contrat de travail est intervenue; qu'il en résultait nécessairement que si l'intéressé avait exécuté son préavis, il ne l'aurait pas effectué au Japon; qu'en décidant cependant que ses indemnités de préavis et de congés payés afférents devaient correspondre au traitement qu'il aurait perçu au Japon, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 50 de la convention collective et 40 de la loi du 15 décembre 1952;

Mais attendu que le salarié ne pouvant être contraint d'effectuer son préavis dans les conditions nouvelles imposées unilatéralement par l'employeur et entrainant une modification de son contrat dans un élément jugé essentiel, la cour d'appel a pu décider qu'il pouvait prétendre à une indemnité compensatrice de préavis calculée sur le dernier salaire qu'il avait perçu; que le moyen n'est pas fondé;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la défense et tirée de la nouveauté du deuxième moyen :

Attendu que le salarié soutient que le moyen tiré de l'application de l'article 58 de la convention collective nationale de travail du personnel des banques est irrecevable pour être proposé pour la première fois devant la Cour de Cassation;

Mais attendu que dans ses conclusions l'employeur avait soutenu que seule l'indemnité légale de licenciement était due et que le moyen, qui ne repose sur aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur de droit; que la fin de non-recevoir doit être rejetée;

Et sur le deuxième moyen :

Vu les articles 48 et 58 de la convention collective nationale de travail du personnel des banques;

Attendu que, pour condamner l'employeur au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la cour d'appel énonce que l'indemnité légale de licenciement n'a pas lieu d'être retenue en présence d'une convention collective plus favorable;

Attendu, cependant, qu'il résulte des articles 58 et 48 de la convention collective de travail du personnel des banques que l'indemnité conventionnelle de licenciement n'est versée qu'en cas de licenciement pour insuffisance résultant d'une incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle ou pour suppression d'emploi;

Et attendu qu'ayant retenu que le licenciement était intervenu à la suite du refus du salarié d'accepter une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans ses dispositions condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 9 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée;

Condamne M. Le Gall aux dépens ;

Dit que sur les diligences de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize.

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