Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 27 février 1996, 94-17.020, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Sodistour Touristra, société anonyme, dont le siège social est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 4 mai 1994 par la cour d'appel de Paris (15ème chambre, section A), au profit de la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège social est ..., défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 16 janvier 1996, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, MM. Vigneron, Dumas, Gomez, Léonnet, Poullain, Canivet, conseillers, Mme Geerssen, M. Huglo, conseillers référendaires, M. de Gouttes, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Leclercq, les observations de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de la société Sodistour Touristra, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la société Crédit lyonnais, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mai 1994), que des formules de chèques ont été dérobées à la société Sodistour Touristra et ont été utilisées par les voleurs, qui ont contrefait la signature du tireur habituel ;

que le Crédit lyonnais, banque tirée, a payé les montants de six de ces chèques puis a rejeté le suivant pour non-conformité de la signature y apposée avec le modèle déposé chez lui ;

que la société Sodistour Touristra a réclamé au Crédit lyonnais le remboursement des sommes débitées à tort de son compte, en faisant valoir que le banquier n'est libéré de son obligation de restitution des fonds du déposant qu'en vertu d'un ordre de paiement revêtu de la signature authentique de celui-ci ;

que la banque a, en défense, invoqué la faute de la société, dès lors que les détournements des formules de chèques avaient été rendus possibles par l'effet de sa négligence et que les pratiques frauduleuses s'étaient prolongées sur plusieurs mois, faute par la société de vérifier les relevés de son compte ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Sodistour Touristra fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande contre la banque, pour cinq des six chèques litigieux, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la société Sodistour Touristra avait fait valoir qu'il appartenait au banquier de vérifier la régularité de la signature apposée sur les chèques ;

qu'en ne recherchant pas ainsi qu'elle y était invitée, si le Crédit lyonnais avait commis une faute en ne vérifiant pas la signature apposée sur les chèques, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

et alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 35 du décret-loi du 30 octobre 1935, applicable aux faits de l'espèce, que le tiré qui paye un chèque endossable est obligé de vérifier la signature y apposée ;

qu'en ne recherchant pas si le Crédit lyonnais, en payant des chèques irréguliers dès l'origine, à la signature grossièrement imitée, n'avait pas commis une faute en ne procédant pas à la vérification de la signature la cour d'appel qui constaté les fautes de la banque et l'a condamnée au titre du seul chèque de 115 000 francs a violé les articles 1239 et 1937 du Code Civil, ensemble l'article 65 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas dénié qu'il incombât au banquier de vérifier la signature apposée sur les chèques litigieux, n'avait pas à rechercher si le devoir de vigilance du Crédit lyonnais avait été pris en défaut, dès lors qu'il n'était pas soutenu que les chèques litigieux fussent revêtus d'une signature apparemment différente de celles des personnes habilitées ;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Sodistour Touristra fait encore grief à l'arrêt du rejet de sa demande contre la banque, pour cinq des six chèques litigieux, alors, selon le pourvoi, que si la faute de la victime peut exonérer le banquier qui a payé un chèque apocryphe, les juges du fond ne sauraient imputer à la faute exclusive de la victime le préjudice subi dès lors qu'ils constatent que la banque a commis une faute ;

qu'en l'espèce ayant constaté la responsabilité du Crédit lyonnais pour avoir payé le chèque de 115 000 francs, la cour d'appel qui retient les négligences de la société Sodistour Touristra pour exonérer la banque de toute faute à raison du paiement des cinq autres chèques dont la signature était aussi falsifiée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt ne retient la faute de la banque que pour le paiement de l'un des six chèques frauduleusement émis et en tire les conséquences légales en la condamnant à des dommages et intérêts au profit de sa cliente ;

qu'il ne découle pas de la constatation de cette faute pour un des paiements que la banque ait également omis, par négligence, de déceler des imitations apparentes de la signature des représentants de sa cliente sur les autres chèques ;

que le moyen manque en fait ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que le Crédit lyonnais sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 11 860 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

REJETTE la demande présentée par le Crédit lyonnais au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la société Sodistour Touristra, envers la société Crédit lyonnais, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-sept février mil neuf cent quatre-vingt-seize.

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